L'exposition prolongée de nos yeux aux PC, tablettes et autres Smartphones peut parfois avoir des conséquences insoupçonnées sur nos organes oculaires. Des gestes banals qui, si rien n'est fait à temps, peuvent nous faire perdre la vue à tout jamais. Explications et conseils, dans cet entretien, avec Dr Omar Fellahi, Chirurgien Ophtalmologue, Professeur encadrant et membre de plusieurs sociétés d'ophtalmologie tant ici au Maroc qu'à l'étranger. L'Opinion : Aujourd'hui, on constate que les jeunes sont très accrocs aux ordinateurs et Smartphones. Est-ce que cela peut-il avoir des conséquences sur la vue ? Dr Omar Fellahi : L'utilisation accrue des ordinateurs et des Smartphones que ce soit pour des raisons professionnelles ou autres soulèvent de nombreuses interrogations concernant leurs effets sur les yeux. En effet, il s'agit d'une question très fréquemment posées par les patients à leur ophtalmologiste. De plus, cette utilisation accrue touche tous les âges même les enfants restent des heures devant des tablettes ou des Smartphones. Ce qui nous a poussés, nous professionnels de la santé oculaire, à étudier ces effets sur les yeux pour ne pas méconnaitre des complications évitables dans le futur. Nos yeux actuellement font preuve d'efforts d'adaptation très importants puisqu'ils luttent continuellement devant un écran : tailles de caractères différentes entre emails, sms, documents, luminosité et rétro éclairage plus ou moins faibles d'un appareil à l'autre, surabondance de reflets sur les écrans, racourcissement de la distance de lecture. Ce qui est à prendre en considération en premier est, sans aucun doute, la durée excessive en terme de temps de l'utilisation de ces appareils, il a été prouvé que plus le temps de leur utilisation, sans périodes d'arrêt, est grande plus ils entrainent une fatigue des yeux qui se manifeste par un flou visuel en fin de journée ou même des céphalées nocturnes qui sont récidivantes. En effets, les muscles oculomoteurs qui contrôlent les mouvements oculaires sont sur-sollicités lors de l'utilisation de ces appareils. Puis s'en suit un défaut de convergence qui nécessite des séances de rééducation afin de renforcer l'action de ces muscles. Un autre aspect est à considérer, il s'agit de l'émission de la lumière bleue par les écrans d'appareils multimédia. Plusieurs études sont actuellement en cours sur l'effet de cette lumière sur les différentes structures de l'œil : la cornée, le cristallin ou même la rétine. Les différents effets que pourrait entrainer cette lumière seront une perte de transparence du cristallin : cataracte et une toxicité sur les cellules rétiniennes de la macula. Enfin, plusieurs patients travaillant toute la journée sur ordinateur se plaignent de sensation de picotement, de rougeur ou de larmoiement en fin de journée. Ceci est dû au fait que lorsque l'on est devant un écran, la fréquence du clignement diminue, et la surface de l'œil reste exposé une durée plus que la normale ce qui entraine une sécheresse oculaire néfaste pour la cornée. L'Opinion : Quelles sont les précautions qu'il faudra prendre en de pareils cas ? Dr Omar Fellahi : Il s'agit essentiellement de ne pas rester plus de 2h continue devant un écran, les entrecouper toujours de 10 minutes de repos. Pour les enfants, l'utilisation des tablettes doit être limitée à 2 heures maximum par jour entrecoupées de période de pauses. De plus, l'utilisation de lunettes incorporant un filtre bleu protégera contre la lumière bleue. Devant des signes de fatigues oculaires ou de sécheresse, une prescription de la part de l'ophtalmologiste de larmes artificielles ainsi que de séances de rééducation orthoptique pourra améliorer l'état oculaire au cours du travail sur écran. L'Opinion : Les glaucomes, cataractes et autres maladies oculaires sont de plus en plus fréquentes. Comment expliquez-vous la nature de ces maux ? Dr Omar Fellahi : La fréquence de ces maladies n'a pas augmenté. Il s'agit plutôt des moyens diagnostics qui se sont développés, ce qui nous a permis un diagnostic plus précoce, et les moyens de traitement ainsi que les techniques opératoires ont beaucoup évolué. En ce qui concerne la cataracte, le nombre de patients qui sont en attente de chirurgie au Maroc est de 500000 cas, à cela s'ajoute 50000 nouveaux cas annuellement. Ces dix dernières années, les patients sont devenus plus regardant sur la santé de leurs yeux, les consultations ophtalmologiques sont devenues plus fréquentes et le nombre d'ophtalmologistes a triplé. De ce fait, on a la fausse impression que la fréquence de ces deux pathologies a augmenté. Les ophtalmologistes ont aussi grandement contribué à faire connaitre ces pathologies puisque ces dernières ont longtemps sévi de façon insidieuse. En effet, le glaucome est une maladie silencieuse pour des valeurs de tension oculaire entre 20 et 30 mmgh. Aucun signe clinique n'est ressenti par le patient mais le nerf optique est lésé de façon irréversible. Pour cela, ces dernières années nous avons mis à contribution les médias et organisé des campagnes de dépistage pour diagnostiquer précocement cette maladie et stopper son évolution chez les patients atteints. En ce qui concerne la cataracte l'évolution des techniques opératoires nous a poussé a changer nos indications opératoires et a faire prendre conscience à nos patients que la chirurgie ne doit pas être trop tardive et que plus la cataracte est dure plus la chirurgie par les nouvelles techniques à disposition devient impossible . L'Opinion : Existe-il aujourd'hui une association d'ophtalmologues ? Si oui, comment se présente-t-elle ? Dr Omar Fellahi : Il existe plusieurs associations d'ophtalmologistes au Maroc dont la principale et celle qui regroupe tous les ophtalmologistes : la société marocaine d'ophtalmologie SMO. Cette société à été fondée en 1958 et a pour but d'organiser un congrès annuel et des journées scientifiques pour la formation continue de tous les ophtalmologistes marocains. La S.M.O a aussi pour objectifs de combattre les causes de cécité dans notre pays et de développer les relations internationales avec les autres sociétés d'ophtalmologies étrangères. L'Opinion : Quels conseils donneriez-vous aux patients qui hésitent à venir se faire consulter concernant leur vue avant qu'il ne soit trop tard ? Dr Omar Fellahi : Le 1er conseil que je donnerai concerne les enfants. A cet effet, une consultation à l'entrée scolaire devrait être obligatoire. Plusieurs problèmes oculaires seraient détectés précocement, notamment l'amblyopie, avant l'âge de dix ans pour les prendre en charge et éviter ainsi que l'œil reste malvoyant pour le reste de la vie. Deuxièmement, les patients qui souffrent de maladies chroniques comme le diabète, l'hypertension artérielle ou des maladies de systèmes doivent impérativement bénéficier de consultations ophtalmologique plus régulières en fonction de l'évolution de leur maladie. Pour les autres patients une consultation annuelle est suffisante. Entretien réalisé par Abdellah Echaks