Inquiétant. En 2013, l'exposition à la pollution atmosphérique ambiante et intérieure a coûté à l'économie mondiale quelque 5 110 milliards de dollars en pertes de bien-être. C'est ce qui ressort, en tout cas, d'un nouveau rapport de la Banque mondiale et de l'Institute for Health Metrics and Evaluation de l'Université de Washington, basé à Seattle, rendue publique à l'occasion de la tenue actuellement à Marrakech, du 7 au 18 novembre, de la COP22 (22ème conférence des Nations unies sur les changements climatiques. Intitulé : « Le coût de la pollution atmosphérique : Renforcer les arguments économiques en faveur de l'action », le rapport souligne que, du point de vue de leur importance, les pertes de bien-être en Asie du Sud et dans la région Asie de l'Est et Pacifique équivalaient respectivement à 7,4 % et 7,5 % du Produit Intérieur Brut (PIB) régional. Dans la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord), les pertes équivalaient à 2,2 % du PIB. La pollution de l'air intérieur liée à l'utilisation de combustibles solides pour la cuisine était la cause principale de ces pertes en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne. Dans toutes les autres régions, les pertes étaient essentiellement dues à la pollution atmosphérique ambiante résultant des émissions de particules fines. Les pertes de revenus du travail sont plus faibles que les pertes de bien-être, comme on pouvait s'y attendre, mais demeurent importantes dans les régions où les populations sont jeunes. Les pertes de revenus pour les pays d'Asie du Sud s'élevaient à un total de plus de 66 milliards de dollars en 2013, soit l'équivalent de pratiquement 1 % du PIB. À l'échelle mondiale, les pertes de revenus du travail représentaient 225 milliards de dollars en 2013. De plus, les coûts de la pollution atmosphérique ont augmenté depuis 1990. Entre 1990 et 2013, les pertes de bien-être ont pratiquement doublé et les pertes de revenus du travail ont augmenté de 40 %, en dépit du fait que les pays ont réalisé de grandes avancées sur le plan du développement économique et de la situation sanitaire. Il ressort également dudit rapport que dans les pays à faible revenu, la baisse des taux de mortalité a été plus que compensée par la croissance de la population et par une exposition totale plus forte à l'air pollué. Dans les pays à revenu intermédiaire, l'exposition totale et les impacts sur la santé ont également augmenté. Cependant, la majeure partie de l'augmentation estimée en pertes de bien-être provient du fait que les personnes accordent davantage de valeur à la réduction des risques de décès. De même, entre 1990 et 2013, les salaires moyens ont augmenté en valeur réelle dans tous les pays, sauf ceux à revenu élevé qui ne sont pas membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ce qui fait que le ratio de pertes de revenus du travail par décès prématuré est plus élevé. Quelle que soit la catégorie de revenu du pays, le profil d'âge des personnes touchées par la pollution a évolué, si bien qu'une proportion plus élevée de décès se produit chez les personnes à un stade avancé de leur vie professionnelle — ce qui a un effet compensatoire, ni égal ni supérieur, sur les pertes de revenus. Le problème de la pollution de l'air ambiant prend de l'ampleur, tandis que le problème de la pollution de l'air intérieur persiste en dépit de certaines améliorations, fait conclure le rapport coédité par la Banque mondiale et l'Institute for Health Metrics and Evaluation de l'Université de Washington. En 2013, les pertes de bien-être résultant de la pollution de l'air intérieur dans les pays à revenu faible ou intermédiaire étaient de l'ordre de 1 520 milliards de dollars, tandis que les pertes de revenus du travail atteignaient 94 milliards de dollars. Les très jeunes et les adultes plus âgés demeurent particulièrement vulnérables : en 2013, près de 5 % des décès d'enfants de moins de 5 ans et 10 % des décès d'adultes de plus de 50 ans étaient attribuables à la pollution atmosphérique, contre moins de 1 % pour les jeunes adultes. Ce schéma de mortalité par âge n'a pas changé depuis 1990. Quels que soient l'âge des per- sonnes ou la date de l'évaluation, les hommes sont toujours plus nombreux à décéder prématurément de maladies liées à la pollution atmosphérique que les femmes. Recommandations et perspectives Côtés recommandations, le rapport souligne que le fait que les pertes mondiales de bien-être liées à des maladies mortelles attribuables à la pollution atmosphérique se chiffrent en milliers de milliards de dollars incite fortement à passer à l'action. Les coûts supplémentaires de la pollution rendent la réduction de l'exposition à la pollution encore plus urgente si l'on veut parvenir à une prospérité partagée, inclusive et durable. De plus, le problème croissant de la pollution atmosphérique ambiante et la persistance des effets de la pollution de l'air intérieur, en dépit d'améliorations au niveau des services de santé, laissent penser qu'une amélioration de la qualité de l'air par petites touches ne suffira pas et que des actions plus ambitieuses seront nécessaires pour véritablement réduire le coût de la pollution. Entre-temps, en plaçant les risques sanitaires liés à la pollution atmosphérique dans le contexte d'autres risques sanitaires qui, contrairement à la pollution atmosphérique, sont généralement du ressort des agences sanitaires, l'approche de la charge mondiale de morbidité met en évidence la nécessité pour les agences sanitaires de se pencher sur cette charge sanitaire majeure et de demander aux ministères chargés de l'environnement et de la santé de relever ensemble ce défi, estime-t-on.