Dans tous les arts, les créateurs ont toujours ressenti une vive animosité contre ces "techniciens" d'un genre particulier, qui se prétendent connaisseurs et juges de métiers qu'ils n'ont jamais exercé: les critiques. Dans une de ses préfaces, Victor Hugo les priait de se taire parce qu'ils n'ont pas à juger le génie. Et Lamartine lui-même disait en parlant d'eux: ces impuissants. Périodiquement, réapparaît une sorte de querelle de la critique où les auteurs, excédés, disent leur fait à ceux qui se sont érigés en censeurs, et toujours revient le grief d'incompétence. Le reproche d'incompétence s'adresse le moins aux critiques cinématographiques. Qui sont-ils donc? Des auteurs enjoués? De vieux écrivains ratés? Il se peut qu'il y en ait quelques uns. Des gens qui n'ont jamais fait de films, écrit de scénarios? Certes, mais il n'est pas nécessaire d'être ouvrier pour juger d'un travail. La compétence est sur un autre plan. Le plus souvent, ce sont des journalistes que le hasard ou leur goût personnel a spécialisés à la chronique des films et du cinéma. Un papier intéressant soumis un jour au patron les a fait une fois remarqués. Depuis, ils ont collaboré à la rubrique du cinéma dans leur quotidien. Parmi eux eux, l'on compte des jeunes gens qui manquent un peu d'expérience et de culture, mais pas d'enthousiasme. Aussi, le métier vient-il un jour et ils tiennent honorablement leur place. Mais, ce ne sont pas des cinéastes. En effet, ils sont journalistes et leur rôle est de rendre compte des films. On leur demande d'être comme un public intelligent, d'avoir des impressions générales et de les rapporter avec conscience. Qu'en plus, ils s'initient au travail, ils s'initient au travail de ceux qui créent, qu'ils les vient à l'œuvre, cela n'est pas négligeable. Mais il n'est pas nécessaire d'avoir fait "Ben-Hur" pour parler de cinéma, car le critique juge de plus haut que l'artiste, oublie le métier pour peser les sentiments et les pensées et en étudier les réactions sur l'âme du public. Aussi, on préfère encore un journaliste qui ne connait rien à la caméra qu'un technicien en rupture de plateau, un professionnel des sunlights qui ne sait pas s'élever au-dessus des considérations de métier. Or, ce ne sont pas les moyens qu'il faut juger mais les résultats. Soyez donc, messieurs les critiques, les parfaits spectateurs, jugez de votre fauteuil, non des coulisses, et laissez dire les aigris pour qui vous êtes incompétents et malhabiles. Mais, il y a d'autres griefs à retenir contre la critique qui semblent justifiés. Peut-on se demander si trop souvent la critique n' pas failli à sa mission? Qu'a-t-elle dirigé? Qui a-t-elle guidé? Elle aurait du créer des mouvement d'idées. En fait, elle a été à la remorque des cinéastes, se bornant à enregistrer les efforts accomplis. Elle aurait du donner des formules nouvelles des suggestions intéressantes. Elle a pensé que son rôle était terminé quand elle avait fait un peu de publicité autour d'un nom. Elle n'a pas aidé les auteurs à découvrir une esthétique nouvelle qu'ils ont du se contenter de chercher par eux-mêmes, trop heureux de ne pas voir marquer leurs efforts par une presse contradictoire. La critique aurait dû arrêter impitoyablement tout ce qui était médiocre ou malpropre. Elle n'a élevé que de bien faibles prestations sur les scandales financiers du cinéma. Elle n'a pas dévoilé l'immoralité profonde et l'a laissé descendre à l'état que nous avons vécu. Elle n'a pas engagé de campagne contre l'immense sottise qui s'est étalée, des années durant sur nos écrans. Elle n'a pas suffisamment protesté contre les innombrables navets. Que de mains impures ont souillé le cinéma !