Les critiques de cinéma affirment qu'aucun courant cinématographique ne s'est dégagé lors du FNFT. Les cinéastes marocains doivent faire preuve de plus d'audace Peut-on dresser, aujourd'hui, un bilan du cinéma marocain ? Après une semaine de projections dans le cadre du Festival national du film de Tanger, les critiques et les professionnels ont commencé à débattre des nouvelles tendances du cinéma national. D'autres, par contre, pensent que les films projetés n'ont pas dégagé de nouveaux courants cinématographiques. C'est le cas de Azzeddine El Ouafi, critique de cinéma et auteur de plusieurs essais sur le 7e art marocain. «On ne peut parler de courants cinématographiques, dans la mesure où il n'y a pas un certain cumul d'expériences cinématographiques au Maroc. Ce n'est pas à partir de trois ou quatre films qu'on peut parler de style filmique ou d'école cinématographique». Toutefois, El Ouafi, précise qu'une lecture de ces films produits récemment est possible. «Trois courants classiques se sont dégagés : le cinéma du box office, le cinéma expérimental et le cinéma d'auteur». Le cinéma du box-office ou commercial a été incarné par «Le Clandestin» de Saïd Naciri, «Swingum» de Abdellah Ferkous ou encore «Les chiens du village» de Mustapha Khyat. « ...Un film » de Mohamed Achouar ou encore « Fissures » de Hicham Ayouch, sorti en salles il y a un an, font partie de ce cinéma expérimental qui met plutôt l'accent sur l'aspect visuel et technique, précise El Ouafi. Alors que le troisième courant est caractérisé par une structure dramatique et une histoire avec des antagonistes. C'est le cas de «La Cinquième corde» de Selma Bergach. À l'instar d'El Ouafi, le critique de cinéma Mohamed Bakrim trouve qu'aucun courant ne s'est dégagé à travers les films projetés dans ce festival. «Tous les films présentés tendent soit vers le cinéma commercial, le cinéma expérimental ou le cinéma d'auteur. Il faut toutefois préciser qu'on ne peut parler vraiment de cinéma d'auteur au Maroc, puisque la plupart des cinéastes marocains font des films qui sont à cheval entre le cinéma d'auteur et le cinéma grand public». Bakrim affirme par ailleurs que c'est le film documentaire qui a sauvé cette édition, puisque «My Land» de Nabil Ayouch et «Fragments» de Hakim Belabbes ont volé la vedette lors de ce festival. Cinéastes, à vous de jouer ! Pour la plupart des observateurs de la scène cinématographique nationale, c'est aux réalisateurs de développer le secteur, en mettant en place des films aussi variés les uns que les autres. «Il y a un système de production qui a fait preuve jusqu'à maintenant d'une certaine efficacité. C'est aux réalisateurs et aux scénaristes de nous montrer qu'ils sont capables d'aborder des sujets intéressants. Il faut sortir des sentiers battus», souligne le critique de cinéma Omar Belkhamar. Intervenant lors de la conférence de presse du film «... Un film » de Mohamed Achouar, le critique de cinéma Mohamed Soukry a posé plusieurs questions sur l'avenir du 7e art au Maroc. «Au lieu de se concentrer sur la langue utilisée ou encore les scènes osées, il faut à mon sens se demander comment on pourrait approcher le réel par le cinéma. En un mot, il faut dès maintenant décider : quel cinéma et de quelle façon» ? Le public, qui reste le maillon fort de cette chaîne a lui aussi son mot à dire. «Les réactions varient d'un spectateur à l'autre. J'ai remarqué par exemple que de nombreuses personnes ont apprécié«Les chiens du village», que je qualifie de commercial. Vous savez, les goûts sont différents et on ne peut pas demander à quelqu'un qui n'a aucun background cinématographique d'aimer Mirages de Talal Selhami par exemple», explique El Ouafi. Entièrement d'accord avec le point de vue de Azzedine El Ouafi, Mohamed Bakrim précise que le cinéma de genre n'est pas encore bien compris au Maroc. «Les gens n'ont pas cessé de demander pourquoi Talal Selhami a choisi de mettre en scène une histoire où il y a beaucoup de sang. Il a beau leur expliquer que c'est un choix voulu, mais en vain». Que faire ? Continuer de diversifier les thèmes ou se contenter de réaliser des films «ridicules», mais qui feront certainement des recettes intéressantes lors de leurs projections dans les salles nationales ? «C'est une problématique qui date depuis toujours : faut-il que l'art se mette au niveau du public ou au contraire que le public s'élève vers l'art ? Je pense qu'il faut prendre les grands réalisateurs comme référence. Je pense automatiquement à Francis Ford Coppola, qui a réalisé un film très intimiste et élitiste «Tetro », loin de l'industrie hollywoodienne. Ceci ne veut pas dire que Coppola n'a jamais fait de films pour le grand public», ajoute El Ouafi. Va-t-on prendre les grands cinéastes comme exemple ? Seul l'avenir nous le dira ! En attendant, ça tourne... f.z saâdane