L'Afrique doit trouver de nouveaux moyens pour financer son développement, selon un nouveau rapport de la CNUCED publié jeudi dernier. Le Centre d'Information des Nations Unies de Rabat et la Commission Economique des Nations Unis pour l'Afrique (Bureau de l'Afrique du Nord) ont organisé Jeudi 21 Juillet 2016 à Rabat une conférence de presse pour le lancement du rapport sur « Le Développement économique en Afrique pour l'année 2016 », intitulé «Dynamique de la dette et financement du développement en Afrique ». Ce rapport examine les problématiques fondamentales de la dette et du financement du développement en Afrique (endettement international, dette intérieure, viabilité de la dette, etc.) Préparé par la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le développement (CNUCED), ce rapport englobe également des recommandations concrètes pour les gouvernements africains et leurs partenaires extérieurs en vue de contribuer à assurer la viabilité de la dette publique des pays africains. Le rapport a été présenté par M. Zoubir Benhamouche, du Bureau Afrique du Nord de la Commission Economique pour l'Afrique. " L'Afrique doit trouver de nouveaux moyens de financer le développement" Les États africains devraient faire appel à de nouvelles ressources pour financer leur développement, notamment les envois de fonds et les partenariats public-privé, et lutter contre les flux financiers illicites, la CNUCED mettant en garde contre l'endettement de certains pays, qui paraît insoutenable. La CNUCED estime aussi que si les ratios d'endettement extérieur semblent gérables, les États africains doivent néanmoins prendre des mesures pour éviter que l'accroissement rapide de la dette n'aboutisse à une crise comparable à celle de la fin des années 1980 et des années 1990. « L'emprunt peut faire beaucoup pour améliorer les conditions de vie des Africains. Mais, nous devons œuvrer pour le présent sans compromettre l'avenir parce que la dette est dangereuse lorsqu'elle devient insoutenable », indique Mukhisa Kituyi, Secrétaire général de la CNUCED. Il faudra mobiliser au moins 600 milliards de dollars par an pour réaliser les objectifs du développement durable en Afrique et ce montant équivaut à environ un tiers du revenu national brut des pays africains. L'aide publique au développement et l'emprunt extérieur ne suffiront pas à le financer. Grâce à une décennie de forte croissance, beaucoup de pays du continent ont pu accéder aux marchés financiers internationaux. Entre 2006 et 2009, les pays africains ont vu le stock de leur dette s'accroître en moyenne de 7,8 % par an, ce taux ayant même atteint 10 % par an entre 2011 et 2013, de sorte que la dette totale a atteint 443 milliards de dollars en 2013, soit 22 % du revenu national brut. Plusieurs pays africains ont également beaucoup emprunté sur les marchés intérieurs. On trouve dans le rapport des données concrètes et des analyses concernant la dette intérieure du Ghana, du Kenya, du Nigeria, de la république unie de Tanzanie et de la Zambie. Dans certains pays, le taux d'endettement intérieur a presque doublé en vingt ans, passant d'une moyenne d'environ 11 % du Produit Intérieur Brut en 1995 à quelque 19 pour cent à la fin 2013. Parmi les principales conclusions du rapport : - L'Afrique rencontre de grandes difficultés à satisfaire ses besoins de financement en matière de développement au moyen des ressources budgétaires publiques. - La dette extérieure de l'Afrique est en hausse, et sa composition, ses modalités et ses conditions évoluent. - La structure et la composition de la dette sont importantes pour la viabilité de celle-ci et pour le cadre de viabilité de la dette. - La dette intérieure en Afrique augmente régulièrement et la dette négociable y occupe une place grandissante. - Les partenariats public-privé s'étendent et doivent faire l'objet d'une attention particulière dans l'optique de la gestion de la dette. - Les envois de fonds et l'épargne de la diaspora sont des sources de financement du développement. - Les flux financiers illicites pourraient devenir une source de financement du développement à condition que la lutte contre ce phénomène perdure au niveau national et international. "Il faudra mobiliser au moins 600 milliards de dollars par an pour réaliser les objectifs du développement durable en Afrique" Quant aux recommandations de politique générale à l'intention des gouvernements, elles s'articulent principalement sur la nécessité de : - mobiliser des ressources suffisantes pour financer le développement à partir de sources intérieures et extérieures afin d'atteindre les objectifs de développement et d'aboutir à une transformation structurelle. - Mobiliser la dette intérieure et extérieure sans compromettre la viabilité de la dette. - Favoriser le développement et la diversification du secteur financier au niveau national afin d'accroître les ressources intérieures et d'attirer l'épargne de la diaspora. - Appuyer la révision d'un cadre de viabilité de la dette qui englobe la viabilisation de la dette et prend en compte les particularités de chaque pays dans son analyse. - Exploiter les possibilités qu'offrent les partenariats public-privé en renforçant les cadres qui les régissent aux niveaux national et régional tout en préservant la viabilité de la dette. - Resserrer la coopération internationale et régionale et développer des capacités institutionnelles permettant de faire face aux besoins de financement de l'Afrique. - Remédier au manque de données et développer les capacités analytiques de suivi et de gestion de la dette. En conclusion, dans un continent miné par les rivalités entre grandes puissances, pillé de ses ressources naturelles et humaines, menacé de toutes parts par la géopolitique, les enjeux géo stratégiques, la bombe démographique et climatique et surtout l'instabilité politique, les guerres, la famine et les crises humanitaires, il y a très peu de chances que soient réunis et mobilisés chaque année les 600 à 640 milliards de dollars nécessaires pour atteindre les objectifs du développement durable en Afrique. Même si le paysage mondial du financement du développement est en train de changer avec pour défi celui de passer d'un modèle axé sur l'aide au développement et la dette extérieure, vers un cadre mettant l'emphase sur la mobilisation des ressources domestiques. A souligner que ce rapport classe le Maroc parmi les pays pauvres peu endettés. La CNUCED a pour mandat de soutenir les pays en développement en vue de faciliter l'accès aux bénéfices de l'économie globalisée de façon juste et effective en les aidant à s'équiper pour faire gérer les difficultés potentielles d'une intégration économique plus importante. Elle fournit des analyses, de l'assistance technique et soutient la réalisation du consensus.