Certains artistes de synthèse, en cherchant les sources de la crise de l'art actuelle, trouvent dans la Renaissance, une grande décadence qui s'est poursuivie en s'aggravant. Ils oublient qu'avant la Renaissance, l'artiste, considéré comme artisan, ne fait qu'exécuter les ordres des souverains et des seigneurs qui n'ont comme souci que la défense et la glorification du régime établi. La récupération de l'art Ces artistes oublient surtout que l'autonomie de l'art et de l'artiste a été acquise dans la Renaissance, grâce à l'humanisme, et qu'en cette époque, la plupart des artistes, en Italie surtout, ont été des artistes de synthèse, s'acharnant, toutefois, à donner à chaque art son autonomie. Ce sont surtout les goûts de l'époque qui ont orienté l'art vers des voies contradictoires, une époque bouleversée par l'impérialisme européen moderne, par le carnage et l'esclavage des peuples conquis, au moment où l'humanisme brandit la liberté des hommes et le respect des cultures. La Renaissance, comme révolution esthétique, n'est pas arrivée à son terme ; elle a été détournée, tout d'abord par les mécènes et les protecteurs qui ont vu dans la peinture et la grande décoration la glorification de leur puissance, puis orientée par les souverains des puissances coloniales, comme vitrine de leur prestige. Depuis lors, et avec la bourgeoisie montante en Hollande au XVIIème siècle, la peinture est devenue l'art par excellence, au détriment des autres arts de la forme, un art plus autonome que les autres arts. L'architecture asservie aux goûts des commanditaires. Pour la plupart du temps, les architectes, et après eux maintenant les designers, restent souvent frustrés, en élaborant leurs projets, bloqués par le refus des administrateurs et des décideurs, lorsqu'il s'agit des projets audacieux. Après le Bauhaus L'idée de l'unification des arts que les architectes et les plasticiens ont voulu établir, se base, avant tout, sur l'autonomie de chaque art et le dialogue mutuel entre tous les artistes de la forme. Après la fermeture du Bauhaus en Allemagne, plusieurs expériences en Europe ont été tentées, par les artistes de synthèse. Après l' « Union pour l'Art », association fondée par André Bloc, en 1936, avec des artistes et des architectes, après aussi l' « Association pour une synthèse des arts plastiques », créée avec Le Corbusier en 1949, Bloc fonda avec Del Mar en 1951, le « Groupe Espace », un groupe tendant vers l'unification des arts et le dialogue mutuel préconisés par ce groupe, on cite : Un art qui s'inscrive dans l'Espace réel, réponde aux nécessités fonctionnelles et à tous les besoins de l'homme... Un art soucieux des conditions de vie, privée et collective. Un art essentiel même à l'homme le moins attiré par les valeurs esthétiques. Un art constructif qui, par d'affectives réalisations, participe à une action directe avec la communauté humaine. L'école d'Ulm Comme plusieurs tentatives d'intégration, cette expérience entre artistes et architectes a connu ses échecs. L'exemple des professeurs est plus réussi. Il s'agit de la Hochschule für Gestaltung d'Ulm, une école fondée en 1957, inspirée du Bauhaus. Les professeurs et les étudiants de cette école dirigée par Max Bill, déclarèrent ensemble que « pour être efficaces, l'architecte et le designer ne pouvait plus être avant tout des artistes étrangers à l'esprit et aux méthodes de l'industrie, créant des formes au gré de leur expérience personnelle, de leur talent ou de leur fantaisie, mais qu'ils devaient devenir des collaborateurs à la production et posséder pour cela une solide formation professionnelle ainsi que de vastes connaissances scientifiques ». L'enseignement de cette école, axé sur l'architecture et le design, tout en limitant les disciplines théoriques, est divisé en trois sections : la construction, le design industriel et la communication visuelle. Avec le legs de Gutemberg et de Dürer, dans la Renaissance, on peut dire que l'esprit allemand est orienté vers la rigueur et la classification, surtout en ce qui concerne les arts du bâtiment et les arts graphiques. Après le Werkbund et le Bauhaus, la voie est tracée vers le design industriel et ses rapports avec l'architecture. Avec les disciplines enseignées dans l'école d'Ulm, en rapport avec les trois sections programmées, l'enseignement du design a trouvé ses assises. Voulant former une liaison avec l'extérieur, comme au temps du Bauhaus, et rayonner dans la vie active, les responsables de l'école d'Ulm prolongent certaines études par des commandes réelles, en collaborant avec des instituts spécialisés dans l'architecture et le design. Malheureusement, en 1968, l'école ferma ses portes, à cause des conflits survenus avec le gouvernement de Bade-Wurtemberg et l'Etat allemand. On sait qu'avec l'Art nouveau, le Werkbund et le Bauhaus, la synthèse et l'unification des arts étaient une utopie pour les architectes, les artistes et les artisans. Après l'expérience du Groupe Espace, de l'école d'Ulm et d'autres groupes ou écoles, l'unification des arts est devenue, en quelque sorte, nécessaire. L'art actuel, avec sa tendance vers l'art-spectacle et l'intégration de l'art dans l'architecture et l'urbanisme, demande la dynamique du groupe et le travail d'équipe, gérés par le dialogue entre les artistes de synthèse, et non l'égocentrisme qui n'aboutit qu'à la séparation des partenaires et l'échec des projets. Il reste à l'Etat qui œuvre pour le bien-être des citoyens de promouvoir, selon une politique culturelle ouverte à l'art contemporain, cette vision de synthèse...