Dans toutes cultures précédant la révolution industrielle, le rôle de l'artisan est de maîtriser les techniques traditionnelles et de réaliser les objets suivant ces techniques transmises. Avec cette révolution, la machine-outil supplante la main, l'ouvrier et l'ingénieur remplacent peu à peu l'artisan et l'architecte. Seulement, les arts mineurs et les arts décoratifs mis en valeur par le rococo et que cette révolution a éludé un moment, reviennent avec force, avec les mouvements qui les préconisent. Constatant que la machine déshumanise le travail, ces mouvements, soucieux d'implanter l'harmonie dans la vie quotidienne, abolissent la distinction hiérarchique entre arts majeurs et arts mineurs, ne voulant plus que l'objet soit isolé de son environnement. Désormais, l'art est dans tout, découlant même de l'utile. Naissance d'un style A la fin du XIXème, un style international voit le jour, engendré par les conceptions qui luttent contre l'académisme et l'historicisme dans l'art, ainsi que contre la banalité des formes issues de la machine. Correspondant à la « Belle Epoque », ce style s'est développé en Occident spis des appellations diverses : Art nouveau en France et en Belgique, Moder Style en Angleterre, Jugendstil en Allemagne, Sezessionstil en Autriche, Stile Floreale en Italie, Modernismo en Espagne. Grâce à une revue belge, l'Art moderne, fondée en 1881, grâce aussi à un magasin parisien d'objets d'art qui s'ouvre en 1895, ayant comme enseigne, l'Art nouveau, ce style fit son apparition dans les arts appliqués, la décoration intérieure, l'architecture, la typographie, les arts graphiques, la peinture et la sculpture. Il résulte d'un mélange d'un grand nombre de styles du passé, de courants esthétiques et d'expressions locales, tombant ainsi sous l'influence de l'éclectisme et des styles orientaux. Il est loin d'être homogène, mais il avait l'intelligence de proposer, à une société qui ne jurait plus que par le modernisme, un goût adapté à son outre, son intention de lutter contre la tristesse de la ville et la banalité de la production en série. Les artistes qui adhèrent à cette conception, multiplient textes et interventions. Le peintre et architecte Henry van de Velde, luttant contre l'élitisme et l'académisme, déclare que « ce dont seule une minorité profite est à peu près inutile ». Il publie en 1895 à Bruxelles ses « Aperçus en vue d'une synthèse de l'art. Victor Horta, un autre architecte, préconise une conception nouvelle des motifs décoratifs, inspirée de la nature, tandis que le peintre et affichiste Eugène Grasset publie un recueil de botanique appliqué à l'art. Les concepteurs de l'Arts and Crafts, qui prônent le retour au travail artisanal dans une époque industrielle qui assiste à des grandes concentrations urbaines, restent utopiques, échouant dans leur projet nostalgique qui n'est qu'un contresens historique. Les promoteurs de l'Art nouveau veulent s'allier à l'industrie, et joindre le beau à l'utile. La machine inquiète par la banalité de ses formes, mais séduit par son dynamisme et sa production intensive. L'artiste, en se joignant à l'artisan et à l'industriel, tend à s'ouvrir sur d'autres horizons, à un art pour tous. Il devient ainsi militant, investi de son rôle essentiel mais piétiné par l'industrie : réaliser la beauté dans un art de vivre. Mais cette conception reste encore nébuleuse, très attachée aux arts décoratifs, à l'ornement superficiel, et à la haute classe qui seule profite de la production très coûteuse de ce style. En effet, ce style se proposait de promouvoir une production moderne de haute qualité, anticipant ainsi sur les problèmes posés plus tard dans le domaine du dessin industriel. Ceci explique son intérêt pour les arts décoratifs et appliqués : meubles aux formes nouvelles, ornementations en fer forgé, pendentifs, argenterie, orfèvrerie, céramique, objets de verre... L'architecture nouvelle Le développement de l'Art nouveau dans l'architecture a eu des résultats plus importants. Certains artistes européens ont tenté de faire la synthèse entre leurs conceptions avancées et les nouvelles possibilités techniques offertes. Les recherches les plus poussées en Europe eurent lieu en Belgique et aux Pays-Bas. L'architecte Victor Horta édifia la maison Tassel en 1893, suivie, quatre ans plus tard, par la Maison du peuple. Grâce à l'emploi d'une ossature en fer, il a pu réaliser un plan souple, rompant totalement avec la tradition, avec ses pièces disposées avec une conception originale, et la façade dont les fenêtres-balcons adoptent les sinuosités des lignes et des volumes, conformes à cet Art nouveau. A son tour, l'Allemagne entre dans le mouvement, grâce à Alfred Messel, dans les grands magasins à Berlin, s'apparentent aux ouvrages d'Horta. Aux Pays-Bas, la Bourse d'Amsterdam réalisée par Berlage est un exemple typique de l'architecture nouvelle. Avec ce style, Vienne fut aussi le théâtre de plusieurs expériences intéressantes. C'est cependant à Barcelone que l'Art nouveau réussit à exprimer avec le plus de liberté et d'imagination à travers l'œuvre d'Antonio Gaudi, dont les plus beaux fleurons sont l'église, Sagrada Familia, édifiée en 1903. Avant lui, Hector Guimard, chef de file de l'Art nouveau en France, construit en 1899, les stations du métropolitain de Paris, un autre manifeste de ce style. Le style et les réactions Le caractère artificiel de son style, sa recherche du chic et son désintérêt total pour le fonctionnel firent que l'Art nouveau ne dépassa guère le niveau d'une mode. Deux peintres réussirent pourtant à donner une signification réelle à ce goût passager : Gustave Klimt et Ferdinant Holder. Dans le domaine de l'affiche, deux noms aussi retiennent l'attention, par leurs brillantes créations : Eugène Grasset et Alfonso Maria Mucha. Les affiches pour Sarah Bernhardt consacrent le nom de ce dernier. Le public, après l'exposition du Salon Bing en 1895, découvrit le caractère arbitraire d'un style de pure décoration, qu'on jugea monotone, inexpressif, et dépourvu de motivations rationnelles. Ce style, caractérisé par la fluidité des lignes, en « coup de fouet », par l'ondulation et l'arabesque, prôné en partie par la classe dominante, est voué à l'échec, malgré la création à Paris de l'Ecole des arts décoratifs et la fondation du musée des Arts décoratifs. Toutefois, il s'est prolongé dans l'architecture, et a donné l'élan à un nouvel art, le design. Aux Etats-Unis, l'Ecole de Chicago lance ses gratte-ciel ; en Allemagne, Peter Behrens fonde le Werkbund, une association des artistes, des artisans et des industriels. Le fonctionnalisme supplante l'Art nouveau.