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Marocains Résidant à l'Etranger : L'urgence d'un sursaut national concernant 5 millions de citoyens (I)
Publié dans L'opinion le 02 - 06 - 2016

La présente étude participe d'une discussion qui se poursuit, s'approfondit et se précise de plus en plus, concernant trois positions qui ont été exprimées dernièrement, à des dates très rapprochées, au sujet de la question non résolue jusqu'ici, celle de la participation politique et de la représentation parlementaire des citoyens MRE (Marocains résidant à l'étranger) par rapport au Maroc.
L'évolution des faits à fin mai 2016 et certains risques qui pointent à l'horizon concernant ce dossier stratégique, me poussent une nouvelle fois et de manière exceptionnelle, à revenir sur cette thématique d'intérêt national.
Cette problématique est mise dans le cadre socio-politique et historique du champ politique national. Mise en perspective et interpellant à l'occasion les acteurs concernés par le dossier, et principalement ici les partis politiques marocains, ainsi que le ministère chargé des MRE et des affaires de la migration, l'analyse présentée ici permettra de déboucher notamment sur la suggestion de propositions d'actions pouvant intéresser la société civile MRE, en liaison avec la société civile à l'intérieur du Maroc, et en attirant l›attention à ce propos sur certaines ambiguïtés, pour que l›initiative de la pétition lancée par la société civile MRE réussisse complètement.
De manière plus fondamentale et à l›approche de la tenue du Conseil des ministres, sous la présidence du Roi Mohammed VI, qui aura à délibérer notamment sur l›arsenal juridique en prévision du scrutin législatif du 7 octobre 2016, un souhait sera exprimé en liaison avec le droit de vote et d›éligibilité parlementaire des citoyens MRE.
Notre étude se déclinera en 19 étapes :
1 - Débattre sereinement, démocratiquement et honnêtement.
2 - Une déclaration de guerre anti-citoyens MRE.
3 - Partis politiques marocains et dossier des droits politiques des citoyens MRE.
4 - Mettre l›analyse du dossier en perspective.
5 - Responsabilités du gouvernement Youssoufi d›alternance consensuelle.
6 - Le gouvernement Driss Jettou et l›artifice de la «démarche progressive».
7 - Le cabinet Abbas El Fassi et le procédé inique et insultant de la procuration.
8 - L›essai de rattrapage partisan de 2014.
9 - Évolution de la position du Parti de l›Istiqlal.
10 – Volte-face et reculades de Abdelilah Benkirane, chef du gouvernement.
11 - Justifications irrecevables et non plaidables.
12 - Où est la solidarité réelle des partis politiques envers les citoyens MRE ?
13 - Une lueur d›espoir à l›approche du Conseil des ministres.
14 - Ne pas perdre l›opportunité de la phase législative au parlement.
15 - Mobilisation citoyenne nécessaire.
16 - Propositions et nuances à respecter pour aller de l›avant.
17 - Dix interpellations urgentes
18 - 20 questions et remarques inspirées des discours ministériels de Marrakech ... et de Rabat.
19 - En guise de conclusion générale.
I - Débattre sereinement, démocratiquement et honnêtement
En respectant les personnes qui ont un point de vue totalement opposé, et avec lesquelles la confrontation doit être démocratique et honnête, menée de manière sereine et sans dépassement, sur la base d›idées, d›argumentaires et de convictions, il me semble que l›heure n›est absolument pas au mot d›ordre proposé à l›étude et à la discussion par d›aucuns à Paris, à savoir : «Boycott des élections 2016 au Maroc !». De notre point de vue, l›heure est au contraire à la mobilisation citoyenne pour l›exigence de l›effectivité des droits politiques pleins et entiers des citoyens marocains à l›étranger par rapport au Maroc. A l›heure où ce dossier très sensible connaît une phase cruciale, l›engagement collectif et un sursaut national en sa direction, au plan politique et juridique entre autre, s›avère une nécessité impérieuse.
Les citoyens MRE veulent s›engager de plus en plus dans la bataille pour une citoyenneté pleine et entière et pour que leur expérience en matière de participation démocratique soit mise à contribution pour consolider l›Etat de droit.
Par ailleurs, il est normal que l›exclusion des citoyens marocains à l›étranger de leurs droits politiques par rapport au Maroc, depuis bien des années, leur humiliation civique et leur soumission à la «hogra» par le gouvernement Benkirane aujourd›hui, avec la connivence et la bénédiction notamment d›acteurs «droits-de-l›hommistes» et de champions de l›Equité ( IER ), de l›égalité et la justice, suscite une lutte. La connivence est bien réelle et prouvée. Car au lieu d›avancer dans la réflexion et de faire mûrir les conditions de réalisation effective des droits politiques des citoyens MRE par rapport au Maroc, les responsables de ces institutions nationales consultatives, en particulier le CCME ( Conseil de la communauté marocaine à l›étranger ), ont tout fait au contraire pour faire mourir l›idée même de ces droits, l›enterrer et l›ensevelir définitivement.
Dés lors, ces responsables font partie du problème, pas de la solution. Albert Einstein disait à ce propos : « On ne résout pas les problèmes avec les modes de pensée qui les ont engendrés «, signifiant par là notamment que ce n›est pas avec ceux qui ont créé les problèmes qu›il faut espérer les résoudre.
S›inscrire dans ce combat citoyen, n›est nullement participer à un déluge de propos hors de propos et à l›emporte pièce, ou à une lutte d›arrière garde dérisoire et superflue, équivalant à des «chicanes stériles à mettre de côté «, comme cela a été écrit péjorativement à partir de Montréal. Publié dans «Maghreb Canada Express» du mois de mai 2016, l›article en question fait, à propos des citoyens MRE, un parallèle entre «changement politique au Maroc et changements climatiques partout ailleurs «, et prône à nouveau un renoncement à la députation des citoyens MRE à partir des pays de résidence.
Là aussi, nous estimons que rien ne justifie le nécessaire abandon par tous les citoyens marocains résidant à l›étranger de leurs droits constitutionnels, dès lors qu›une personne (ou même plusieurs), ne veut (veulent) pas les exercer à titre individuel à partir du Canada par exemple ...En d›autres termes, ce n›est pas parce que certains ne veulent pas faire usage de leur droit, qu›on doit supprimer celui-ci et tirer par conséquent vers le bas.
Sur le même plan, n›est-ce pas une drôle de logique que sous prétexte que certains ne sont pas d›accord avec une revendication, que celle - ci devient irrecevable ? En d›autres termes, la justesse d›une cause se mesure-t-elle au nombre de personnes qui la portent à un moment déterminé ?
Par ailleurs, il est vrai que le Canada est très réticent pour l›organisation par un pays étranger, d›élections sur son territoire. Mais on a vu comment le gouvernement tunisien a pu convaincre les autorités canadiennes d›organiser au niveau de l›ambassade et des consulats tunisiens au Canada (ces enceintes faisant partie intégrante du territoire tunisien selon le droit international), des élections législatives pour l›élection de député(e)s tunisien(ne)s de l›étranger. Pour le cas du Maroc, nul doute qu›avec de la volonté politique du côté de Rabat, l›ambassadrice du Maroc à Montréal et ancienne ministre chargée des MRE, Nouzha Chekrouni, pourra facilement obtenir l›accord requis.
Précisons également à ce propos et contrairement à ce qui est souvent affirmé pour s›opposer à la députation des citoyens MRE, que les Pays - Bas n›ont jamais interdit à un pays étranger, d›organiser des élections sur son territoire, touchant leurs ressortissants en Hollande. Les dernières élections organisées aux Pays-Bas par les consulats turcs et tunisiens ou algériens auparavant, le prouvent. Pour le cas de l›Allemagne, où l›on note sur ce plan une évolution positive, relevons à titre d›exemple, comment les Turcs ont pu, ces dernières années, organiser des élections présidentielles et même législatives sur le territoire allemand, y compris en tenant des meetings électoraux publics, notamment à Düsseldorf et à Berlin.
La troisième position discutée dans la présente contribution, renvoie à la démarche jusqu›au boutiste matérialisée par la déclaration fracassante et provocatrice à l›Université Cadi Ayyad à Marrakech à la mi-mai 2016 du ministre Anis Birou, chargé des MRE et des affaires de la migration, selon laquelle « la participation directe des MRE aux législatives 2016 sera IMPOSSIBLE « !!!. Sonnant comme une oraison funèbre de la pleine citoyenneté des MRE et une fin de non recevoir catégorique à toutes les doléances citoyennes exprimées encore dernièrement sur ce dossier, n›est-ce pas là un signe très inquiétant, qui risque de donner lieu à un schisme au niveau sociétal ?
On ne commet pas ici un déni de justice à l›égard du gouvernement, en disant que cette posture ministérielle est un appel aux citoyens MRE à avoir une attitude défaitiste, fataliste, de renoncement, de fuite ou de résignation qui encourage un étouffement et une asphyxie à petit feu du mouvement de contestation, qui cherche à ébranler sa détermination, à le pousser à s›éclipser, à se faire oublier, à baisser les bras et à s›incliner devant un fait accompli. Or la question des droits politiques des citoyens MRE doit être traitée non pas de manière autoritaire, mais avec hauteur de vue et une grande tenue. Il faut savoir se parler et ne pas appeler à se taire, cultiver la lassitude, le conformisme ou l›étouffement du débat. Les MRE n›ont pas abdiqué leur citoyenneté ni renoncé à leur identité nationale. Ils refusent la pratique de cette mise à mort de la citoyenneté marocaine et de ses attributs, décrétée par ce genre de déclaration ministérielle à Marrakech.
*Universitaire à Rabat, chercheur en migration


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