L'art naïf désigne la manière d'aborder la peinture par les « peintres naïfs », dont l'une des principales caractéristiques plastiques consiste en un style pictural figuratif ne respectant pas — volontairement ou non — les règles de la perspective sur les dimensions, l'intensité de la couleur et la précision du dessin. Le résultat, sur le plan graphique, évoque un univers d'enfant, d'où l'utilisation du terme "naïf". L'inspiration des artistes naïfs est généralement populaire et le terme s'applique aussi à des formes d'expression populaires de différents pays. Dans le reste des arts, ce terme désigne également les œuvres d'artistes, le plus souvent autodidactes, qui se trouvent en décalage avec les courants artistiques de leur temps. Le terme « naïf » aurait été utilisé pour la première fois au XIXème siècle, pour qualifier les œuvres du peintre Douanier Rousseau, qui peignait hors des normes académiques, sans suivre pourtant les recherches picturales de l'avant-garde de l'époque, les impressionnistes. En 1870, dans son poème Au cabaret vert, Arthur Rimbaud emploie le mot pour désigner des représentations picturales « maladroites ». « Je contemplai les sujets très naïfs de la tapisserie », ce qui est peut-être à l'origine de l'emploi « naïf » chez Guillaume Apollinaire quelque temps plus tard. Pour en savoir un peu plus de l'art naïf de chez nous, nous avons invité l'artiste-peintre Aziza El Aabidi qui a bien voulu nous parler de ses premiers coups de pinceau naïfs en nous accordant cette interview : L'Opinion : Si vous voulez bien nous parler un peu de votre petite histoire avec l'art naïf et de vos premiers coups de pinceaux dans le domaine ? Aziza El Aabidi : Native de la ville ocre de Marrakech, le 9 avril 1963, je me considère comme artiste peintre autodidacte et la peinture naïve me permet d'exprimer mon vécu et surtout mes souvenirs qui ont marqué mon enfance dans les traditions, les coutumes et autres. Pour ma petite histoire avec l'Art Naïf, il faut savoir que je suis issue d'un milieu artistique puisque ma grand-mère tissait et avait un petit atelier de tissage de laine où je l'ai toujours regardée en train de travailler avec des outils traditionnels tels que le maghzel et le karchal, ma mère brodait, mon père tenait un bazar et mon frère est antiquaire. J'ai donc vécu avec l'art dans le sang. Pour mes premiers coups de pinceaux dans le domaine de l'art naïf, alors bien que mes parents étaient dans l'art, ils ne m'ont pas orienté vers une école spécialisée, je touchais à tout, dessinais et créais beaucoup de belles choses, car, pour eux, les études étaient plus importantes que tout. Mais, dans mon collège Lalla Meryem où j'étais très brillante, il y avait un atelier d'activité artistique qui m'a beaucoup aidé à développer mon sens artistique. Puis, après le lycée, j'ai créé une société dans le secteur touristique et ce métier m'a permis une ouverture sur le monde et les cultures d'autres pays et j'ai pu ainsi élargir ma culture artistique, mais, à chaque fois, je me retourne à la création. Je touchais à tout : la broderie, la couture point de crois, la peinture sur soie et j'écrivais des poèmes. Moi-même, je n'étais pas consciente du fait que je suis artiste, je ne savais pas qu'un jour je vais me donner à la peinture. Une fois mes enfants grandis, j'ai senti un besoin de créer et je me suis battue pour apprendre à peindre toute seule. J'ai commencé à côtoyer les autres artistes expérimentés dans le domaine, j'ai appris quelques détails sur les démarches de mélanger les couleurs, comment faire le choix et comment le préparer, j'ai commencé à faire les dessins car j'étais douée depuis que j'étais toute petite. Petit à petit, j'ai appris l'abstrait, mais, au fond de moi, j'ai senti un manque et un besoin d'exprimer mon vécu. Et avec la richesse que j'avais comme coutumes et traditions qui me plait, j'ai choisi de faire le naïf, car c'est le moyen le plus simple pour exprimer mes joies et mes peines, car cette peinture n'a pas de règle ni de limite étant donné que je n'ai jamais fait d'école des beaux-arts et je me suis retournée vers le naïf. Pour mon premier coup de peinture, j'ai fait appel à un monsieur qui faisait la peinture naïve, j'avais du mal à le convaincre pour m'apprendre les premières démarches. Bref, quant à la 1èreleçon, on a commencé par les nuance des couleurs et il m'a laissé faire le lendemain et je lui montre des losanges et des nuances de couleurs que j'ai transformés en visage tout tatoué et bien fait, du coup je ne l'ai plus revu et je me fous de lui, du coup j'étais obligé d'apprendre toute seule. L'Opinion : En tant qu'artiste mariée et mère de trois enfants, comment faites-vous pour joindre l'utile à l'agréable et faire la part des choses entre votre vie familiale et la vie artistique ? Aziza El Aabidi : Je suis maman de beaux garçons en effet et de ce fait, je n'ai touché à la peinture qu'une fois que j'ai senti que mes enfants ne dépendent plus de moi pour le biberon par exemple. Je peints lors de mon temps libre car c'est une passion à laquelle je dois consacrer un peu de temps. C'est ma préoccupation la plus utile et j'essaye de donner du temps à mes enfants en premier pour subvenir à leurs besoins puis, au 2èm rang, je m'intéresse à mon travail qui est ma source de vie et lors des jours fériés et des week-ends, je me tourne vers la peinture. C'est le seule moment où je sens que je fais attention à moi et je prends le temps pour moi-même et pour ma passion. J'ai commencé à exercer ma passion trop tard, à 49 ans à peu près, mais je me suis dit qu'il n'est jamais trop tard pour bien faire. Le temps de l'accouchement de mes bébés est arrivé malgré tout. L'Opinion : Quelles sont les principales expositions aussi bien individuelles que collectives qui ont marqué la vie artistique de Aziza El Aabidi ? Aziza El Aabidi : Ma première exposition était à Marrakech lors des rencontres d'artistes au barrage Lala Takerkouste, cette exposition m'a donné confiance en moi-même et en mes compétences et tout le monde a aimé mon monde artistique. Après, j'ai continué à exposer avec fierté et à chaque fois il y a des nouveautés et des collectionneurs qui viennent acquérir mes œuvres, surtout parmi les Européens et la chose la plus heureuse qui m'a marquée, c'est qu'une critique d'art française a vu mes tableaux et les a analysés avec impression et m'a présenté au grand festival d'art naïf en France en 2015 où j'étais l'invitée d'honneur avec comme titre de « princesse des artistes », chose qui m'a fait ouvrir les portes européennes. J'ai aussi participe à une compétition artistique dont le président était un docteur animateur de l'émission« Nile documentaire » et ma toile a gagné le premier Prix pour être exposée à l'opéra du Caire, en Egypte. Aussi, il y'a ma participation à la biennale à Taza, dont les membres du jury étaient des Américains et des Brésiliens et où j'ai reçu le 3ème Prix Friouato Art. J'ai participé aussi à plusieurs expositions au Maroc, en France à deux reprises, en Egypte, deux fois, et en Espagne, une fois. L'Opinion : Votre mot de la fin. Aziza El Aabidi : Je vous dis une chose, quand on est à deux personnes, on ne peut te bloquer et aussi quand on veut on peut et la femme est une vrai artiste, c'est la mère de tous les arts : mère cuisinière et chef de foyer, éducatrice, travailleuse, décoratrice, c'est une artiste innée, voilà. Je conseille à toute femme de se donner un peu du temps pour elle pour pouvoir découvrir ses compétences et pour éblouir le monde. Message aux femmes : Prenez du temps pour vous loin des enfants, loin du mari, loin de tout car je suis sûre que vous allez être des femmes célèbres avec le don que vous avez, pour vous dire : même mes enfants n'ont pas cru à mes compétences, mais j'ai insisté et le bon Dieu m'a aidé et m'a ouvert les portes dont je n'ai jamais rêvé.