La poétique mise en œuvre lui permet de dépasser les clivages linguistiques, et les frontières entre les genres. Cet autre niveau de lecture, hybridant littérature et mise en images, nous semble lui aussi créer un espace de libération hors des contraintes issues des canons patriarcaux de l'écriture : Sakkoutin'est-il pas un personnage cléde L'Incompris...qui vient justifier à juste titre notre propos. (p.68) L'altérité estaussi une forme de l'écriture de Fouad Souibaqui fait appel à de nombreux autres modes d'expression de soi, comme dans le premier roman où l'écrivain fait de l'oralité un instrument où le son fait image et se laisse voir. C'est une écriture plurielle, polymorphe dans laquelle voix narratives, histoireset personnages s'entremêlent, se répondent, et s'opposent pour créer un large espace de réflexion et d'interrogation à la manière de ce qu'on retrouve dans son film documentaire ! Le son devient un élément descriptif à part entière étant largement employé dans L'Incompris... comme dans Les Séquestrées. Pourtant, ces œuvres forment un ensemble homogène si l'on considère l'esthétique du fragment dont ils relèvent. Le déficit d'identité, non seulement personnelle mais aussi collective, amène à éclater les genres littéraires et cinématographiques, comme autant de divisions éparses du Soi. À l'impossibilité d'une unité identitaire répond un morcellement des canons traditionnels : les codes classiques se révèlent impropres à transcrire une identité fragmentée, qui devient point de résistance. L'œuvre de Fouad Souiba intègre une dimension d'image-son. Son style littéraire se déploie en trois dimensions, tant le polymorphisme du Soi amène à l'introduction de plusieurs voix dans le même texte. Si ce phénomène émerge au niveau des microstructures, il est encore plus prégnant si l'on considère la production souibienne dans son ensemble. Cette esthétique nous paraît correspondre à une volonté d'expression totale contournant les difficultés liées à la mise en mots, notre auteur fait imploser les bases du discours narratif, en une composition polyphonique. L'influence du cinéma sur l'écriture romanesque de l'auteur Au sein de cette problématique des rapports entre image et texte, l'œuvre de Fouad Souiba s'impose. Elle est issue de ce métissage qui enrichit la littérature marocaine d'expression française d'un apport spécifique en étant le point de rencontre de multiples influences et en témoignant de ces écritures nouvelles qui surgissent aujourd'hui. Ainsi s'opère un mélange sonore où voix, langue, musique, accomplissent une sorte de parcours vers l'approfondissement qui enracine l'image documentaire dans l'épaisseur vécue. C'est en effet une nouvelle forme d'écriture que découvre Fouad Souibacinéaste d'abord de part sa carrière.Le roman pour lui c'est à voir, à « regarder »,mais un regard tourné vers l'intérieurpour révéler ce qui ne se voit ni ne s'entend. Regarder pour lui permet de s'exprimer, de susciter une parole absente, de se délivrer du tabou de l'expression individuelle pour forger une identité collective. Fouad Souiba raconte que l'expérience cinématographique a contribué à le relancer sur les voies de l'écriture. C'est alors qu'il conçoit un projet où il entend se livrer au même type de quête visuelle et sonore auprès des personnages. A l'écoute de ces voix, il retrace le passé qu'il s'agit non de traduire mais d'accompagner. Ce souci d'« écrire vrai » hante l'auteur des deux romans, sans parler du troisième « La Mamma » qu'il vient d'éditer chez Edilivre, et qui se veulent un approfondissement historique, une manière de repenser les grandes étapes du Maroc.L'auteur y adjoignait, de façon plus ou moins contestable, Hemingway, Faulkner, Steinbeck. C'était la première tentative pour établir un parallélisme précis entre écriture cinématographique et écriture littéraire. *Enseignant-Chercheur critique littéraire Notes P. Lacan, « Cinéma et création littéraire dans les romans de J. Echenoz », Mémoire de Maîtrise, Université Paul-Valéry/Montpellier III, 1998. D.-H. Pageaux, Naissances du roman, Paris, Klincksieck, 1995, p. 137. Clerc Jeanne-Marie, « Ou en est le parallèle entre cinéma et littérature ?. », Revue de littérature comparée 2/2001 (n o 298) , p. 317-326 URL : www.cairn.info/revue-de-litterature-comparee-2001-2-page-317.htm. Roland Barthes, S/Z, Paris, Le Seuil, 1970, p. 62.. J.-C. Margotton, op. cit., p. 20., soit « the so-called semi-literary genres » Elie During à propos de Mehdi Belhaj Kacem, Esthétique.... Étienne Souriau, La Correspondance des arts, Paris,.... de Charles Antoine Coypel (1749) par Philippe Hamon, La Description littéraire. Anthologie de textes théoriques et critiques, Paris, Macula, 1991, p. 212. Jean-Charles Margotton, Littérature et arts dans la culture de langue allemande, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1995, p. 225 puis p. 15. François Dagognet, Écriture et iconographie, Paris, Vrin, 1973, pp. 167-168. Jürgen Siess, Rilke. Images de la ville. Figures de l'artiste, Paris, Honoré Champion, 2000, pp. 99-102 : « De l'image au texte : à la recherche d'une équivalence entre les arts ». Pascaline Mourier-Casile et Dominique Moncond'huy, Introduction aux Actes du colloque, L'Image génératrice de textes de fiction, Université de Poitiers, éd. La Licorne, 1996, pp. 4-5 puis p. 8. Pascaline Mourier-Casile, « Miró/Breton, Constellations : cas de figure », ibid., pp. 191-195. Pierre Dufour, « La relation peinture/littérature », in Neohelicon, T. V, I, 1977, p. 190 note 12, puis p. 141 et 175. Paul Cornea, « Communication des "valeurs" et langage d'"équivalence" », inNeohelicon, t. I, n° 1-2,1973, p. 94. Arambasin Nella, « Le parallèle arts et littérature. », Revue de littérature comparée 2/2001 (n o 298) , p. 304-309 URL : www.cairn.info/revue-de-litterature-comparee-2001-2-page-304.htm. https://www.cairn.info/revue-de-litterature-comparee-2001-2-page-245.htm