La multiplication des risques auxquels se trouvent confrontés les avocats marocains, du fait de la complexité croissante de l'environnement dans lequel ils exercent leurs activités, est une réalité reconnue, aggravée par le contexte de crise économique, financière et environnementale et par la situation sociale des marocains. Il en résulte un besoin accru de protection, pour ceux censés défendre les causes pour qu'ils puissent continuer à agir. Les avocats qui occupent une place prépondérante dans la vie économique et sociale du pays sont les oubliés du système de la protection sociale au Maroc. Le commun des mortels le respecte, le craint même, l'envie. Il est habillé de noir, couleur de "mauvais augure", funèbre, mais qui demande à sacrifier toutes ses belles années de jeunesse consacrée aux études, puis aux stages avant de voler de ses propres ailes. Parfois même, on n'arrive pas à décoller. Mais la façade de «belle carrière», occulte tout un monde d'incertitudes et de stress lié aussi bien à l'activité elle-même qu'au devenir de l'avocat une fois ayant atteint la limite d'âge sans avoir bénéficié d'une retraite à l'instar de toutes les composantes de la société. Une activité qui peut être perturbée par les aléas de la conjoncture vu qu'il s'agit d'une profession libérale tributaire de l'effort, sans repères pour une vie planifiée, contrairement aux salariés. L'avocat est victime de ses apparences car on ne se pose pas la question : quelles est la contrepartie de cette «aisance» matérielle pourtant virtuelle ? Comme toute profession libérale, toute transaction donne lieu à des charges. Pour l'avocat, les honoraires sont cannibalisés par les lourdes charges relatives au loyer, frais de personnel, déplacements... Et si au moins le Maitre disposait d'un parapluie social ! Et bien non, l'avocat paie ses cotisations pour sa protection sociale, seul, sans la moindre mutualité. Le choc peut être amorti en cas d'affaires florissantes, mais que dire de la majorité qui arrivent mal à joindre les deux bouts, car ne disposant pas d'un carnet de commandes optimal ou encore pour les jeunes robe-noire qui se terminent très souvent sur le carreau ? L'absence de mécanisme pour la protection sociale des avocats et le spectre épouvantable de fin de carrière sans revenu suffisant pourraient même pousser à se demander du pourquoi du choix de ce métier qui subit l'ingratitude, y compris de la part de sa propre famille. En effet, les 17 barreaux répartis dans le pays sont beaucoup plus préoccupés à gérer les infractions commises par les brebis égarées de la grande famille qu'à ouvrir le débat sur un sujet qui nous concerne tous, à commencer par les membres de ces barreaux, à savoir : terminer ses vieux jours en repos grâce à une pension qui viendrait récompenser de longues années de labeur. Ni le barreau ni l'Etat n'ont donc mis la question sur la table. Ironie du sort, ces hommes qui passent leur temps à défendre les causes d'autrui oublient de défendre leur propre cause ! On entend d'ici les commentaires. "Ne nous faites pas pleurer sur le sort des avocats ! Ils ont choisi leur vie. Après tout, personne n'est obligé de faire cette profession." C'est vrai. Mais, alors que se plaindre est au Maroc un sport national, le barreau est une des rares professions à préférer taire ses difficultés. Un avocat qui traverse une mauvaise passe refuse toujours de l'avouer de crainte de voir fuir ses clients. Pour tout arranger, faire de la publicité - a fortiori démarcher des clients - demeure, pour un avocat, une infraction disciplinaire passible de poursuites devant le Conseil de l'ordre. Et les bâtonniers se consacrent plus à la défense des libertés publiques qu'aux intérêts matériels de leurs confrères, sujet réputé vulgaire. "Ce sont tout de même des notables !" objectera-t-on. De moins en moins, en réalité. Casablanca comptait 1500 avocats en 1965. Ils sont plus de 7 000 aujourd'hui. Assurément, il existe toujours 15% d'avocats prospères, souvent spécialisés en droit des affaires avec une clientèle de grandes entreprises. Mais à l'autre extrémité de l'échelle des revenus, 6000 avocats casablancais auraient déclaré des revenus annuels inférieurs à 5000 dirhams en 2014. Reste l'argument de l'influence politique. "Songez au nombre d'avocats députés", entend-on souvent. Certes, trente-quatre avocats siègent aujourd'hui au Parlement marocain. Mais on compte, au bas mot, cinq fois plus de députés issus de la fonction publique. Et il y a bien longtemps que le barreau ne forme plus l'osseuse pâture du personnel politique. Dans les années 60, M'hamedi, Benjelloun, Guedira, Boucetta, Bouabid, El Youssefi etc. étaient avocats. Certains ténors ont été même des chefs des premiers ministres. Certains bâtonniers et avocats furent des ministres. Des confrères ont été en charge du ministère de la Justice dont M'hamed Boucetta, Me Bouzoubaa, Me Naciri et actuellement Me Mostafa Ramid. Or, les avocats n'ont pas "profité " de ces passages et n'ont pas "pensé" à leur situation sociale. Vivement donc à l'aube de la nouvelle année 2016, un débat national de notre grande famille pour que notre profession se mette au diapason des réformes qui touchent pratiquement tous les secteurs dans le Maroc qui roule à grande vitesse vers un avenir radieux comme le veut notre Souverain. Les avocats ne peuvent plus être les victimes de la lenteur et des faux débats, et ce n'est pas normal pour la profession d'avocat qui constitue un maillon important dans la construction du Maroc de demain.