Ce qu'on appelle pudiquement le silence des clercs n'est pas une nouveauté sociétale dans cette chère « Oumma » arabe tellement « unie » que tout divise ! Cette notion désuète et vétuste comme un temple grec en ruine ne fait plus recette que chez certains démagogues du Machrek et du Maghreb, qui, là encore une fois, ne savent plus à quel pilon s'accrocher. Bref, encore un de ces fonds de commerce dont on cause tant sous nos cieux depuis presque une décennie (comme par hasard...). Depuis l'émergence des clercs, aujourd'hui les intellectuels, c'est à dire depuis que l'homme a commencé à prendre des positions, voire des performances, on surveille cette caste. D'abord par respect en ses capacités et ses compétences ; on lui décerne ce feu vert pour qu'elle nous éclaire sur un fait, une événement, une situation de crise, une injustice, sur la marche de la société, le meilleur sentier à suivre, sur la ou les politiques mises sur rails par nos dirigeants, etc. A ces clercs pas si clairs, il est légitime que la base demande des comptes, de préférence des comptes –rendus, rapport déjà courant entre les savants et la plèbe aux temps anciens. Dans notre ère contemporaine, cette caste, privilégiée car entendue et récompensée (par la diffusion et les prix), n'a que l'embarras du choix. Les outils mis à sa disposition pour, justement ne pas sombrer dans le bouche-cousue et un mutisme partagé entre un semblant de lâcheté et de complicité passive, sont fournis. Cette intelligentsia, du moins dans le sens classique, est pourvue d'un point d'ancrage, d'une fonction professionnelle à même de consolider ses bases, d'une ligne de défense, d'une vocation et une position politique, d'un sens de la contestation quelque soit la cible en face, donc pas forcément et continuellement les gouvernants ; un sens du discours, de la critique, de la polémique, du refus, voire da la provocation ; puis de l'action, de la révolte, et on n'en passe... Tous ces boucliers furent depuis toujours remis comme butin de guerre entre ses mains à condition sine qua non qu'elle ne boude pas. Alors, si les clercs sombrent dans le mutisme, le snobisme, le boycott, le « j'm'en-foutage » abusé, la formule vulgaire qui vient à l'esprit est que ça la fout mal ! Si l'intelligentsia se tait et vaque à des occupations plus rassurantes, notamment dans des « exils » dans les plus somptueuses avenues d'Europe, non seulement elle abandonne la plèbe dans l'expectative, mais abandonne en héritage un terrain libre et fertile, dont le prix au mètre carré, si j'ose écrire, est incalculable, à une sous-caste qui, aujourd'hui en profite (depuis plus d'une décennie, comme par hasard, je le répète...) tels des enfants plongés dans un océan de jouets et d'ours en peluche grandeur nature et qui ne semblent pas prêts de lâcher prise, tel un malvoyant dans le noir... A ces intellectuels marocains, autrefois si ombrageux, rappelons cette vérité simple : la liberté de presse et d'expression est profitable à tous, en commençant par eux-mêmes.