Dr Anwar CHERKAOUI Aujourd'hui, jeudi 10 décembre 2015, le médicament générique «SSB400» contre l'hépatite C est mis sur le marché marocain au prix de 3000 dh la boîte, soit 9000 DH le traitement, plus bien sûr les frais d'autres médicaments et d'autres examens complémentaires indispensables. Jusqu'ici, le coût global du traitement s'élevait à pas moins de 700.000 dh ! 260 000 à 300 000 malades marocains sont concernés. La fabrication par un laboratoire marocain du médicament générique contre l'hépatite C est une nouvelle confirmation que l'industrie pharmaceutique nationale maîtrisait et maîtrise les techniques de fabrication des médicaments génériques. La Maroc est un pays «génériqueur», c'est reconnu sur le plan international. Le rôle du ministère de la santé dans cette dernière prouesse est indiscutable. Mais, une fois les phases d'euphorie et d'applaudissements consommées, comment appréhender l'avenir et poser les questions qui fâchent ? A-t-on prévu un dispositif pour parer à d'éventuels marchés parallèles ou de trafic du SSB400 : son achat moins cher au Maroc et sa revente en étranger ? Comment éviter, que le quota acheté par le ministère de la santé, qui est destiné aux ramédistes, ne soit détourné vers d'autres patients aisés ? Qui prescrit ce nouveau médicament, les médecins gastro entérologues, les infectiologues, les médecins seniors, ou les médecins généralistes et selon quels critères : Le ministère de la Santé a-t-il assuré la diffusion d'un protocole thérapeutique, dispose-t-il de moyens de contrôle ? Comment prévenir les prescriptions hasardeuses, la sur prescription, celles non justifiées, peut être même l'automédication, surtout après cette hypermédiatisation sur l'aspect miraculeux de ce produit ? Le centre marocain de pharmacovigilance a-t-il été mis à contribution, pour jouer son rôle de sentinelle devant les effets secondaires potentiels de tout nouveau médicament ? Ce générique, sera-t-il prescrit selon un protocole thérapeutique validé par des instances compétentes marocaines ? Ou selon les appréciations et les convictions de chaque thérapeute ? A-t-on prévu une grille d'évaluation pour qu'au bout de la chaîne, on pourrait avoir une idée sur les malades guéris, ceux qui, pour différentes raisons n'ont pas répondu au traitement et ceux qui, malgré cette thérapeutique, vont évoluer inexorablement vers la cirrhose ou le cancer du foie ? Par ailleurs, si un des arguments forts pour le lancement de la fabrication de ce générique est d'ordre économique, l'ANAM, l'Agence Nationale de l'Assurance Maladie, va-t-elle déployer l'argent économisé, pour lancer une vaste campagne de sensibilisation et de dépistage de l'Hépatite C ? Voire même lancer des études sur l'état de la stérilisation des dispositifs médicaux, qui sont l'une des voies de transmission de l'hépatite C ? Y a-t-il des mesures fiscales pour encourager davantage la recherche développement par les industriels nationaux ? En sachant, à titre d'exemple, que le laboratoire Pharma 5, le fabricant du SSB 400, à investi 85 millions de DH pour ce produit et 10% de son chiffre d'affaires dans la recherche. Le besoin du Marocain en d'autres médicaments génériques, pour des maladies graves et répandues est une réalité criante. Le gouvernement est-t-il suffisamment conscient de cet état de choses ? La mise sur le marché Marocain de ce médicament générique coïncide avec l'organisation des premières assises Marocaines sur le médicament. Le ministre profitera-t-il de l'occasion pour annoncer la mise en place d'un observatoire National de l'hépatite C dans le Royaume ? C'était là quelques interrogations à notre avis pertinentes et qui méritent qu'on s'y penche avec efficacité et dextérité.