« Première des choses à souligner au sujet de cette proposition de réforme du Droit successoral marocain, pour y introduire une prétendue égalité de genre, c'est que le Conseil National des Droits de l'Homme est considéré, à travers ladite recommandation, comme étant en infraction avec la Constitution marocaine », commence par souligner Mohamed Soussi El Missaoui. Avant d'expliquer : « L'article 3 de la Constitution du Royaume stipule, en effet, clairement que "l'Islam est la religion de l'Etat". L'article 175 précise, pour sa part, qu'"Aucune révision ne peut porter sur les dispositions relatives à la religion musulmane, sur la forme monarchique de l'État, sur le choix démocratique de la nation ou sur les acquis en matière de libertés et de droits fondamentaux inscrits dans la présente Constitution". Toutes les institutions constitutionnelles marocaines sont, logiquement, tenues de respecter et se plier à toutes les dispositions de la Constitution, dans la forme comme dans le fond. C'est la première remarque. » En second lieu, toute législation au monde se conforme, de manière fondamentale, à l'ordre social, moral et religieux du pays concerné. La religion est la source de la morale. La morale et les usages de toute société musulmane puisent leurs racines dans l'Islam. » Troisièmement, le socle de la législation en Islam est la prise en considération de l'équilibre entre les individus et la collectivité. Le fondement de la société est d'abord l'individu, ensuite la famille. Et la famille marocaine est musulmane. Elle est attachée aux valeurs et principes de l'Islam. Même si, hypothétiquement, est prescrite une loi contraire à l'Islam, la famille marocaine restera fidèle à l'Islam et rejettera ladite loi. La preuve évidente de cet attachement est la réaction des Marocains, quand il a été question de définir un âge minimum pour le mariage, alors que l'Islam n'en fixe aucun, le mariage devenant possible dès la maturité sexuelle et la capacité à vivre en couple. Quand le Code de la famille a fixé un âge précis, les Marocains se sont mis à enfreindre la loi. » Actuellement, quelques 40.000 actes de mariage au Maroc sont établis en dessous de l'âge fixé par la loi. Tout simplement parce que les Marocains n'ont pas été convaincus par la fixation de l'âge minimum de mariage à 18 ans. S'ils en avaient été convaincus, ils l'auraient respecté. Comme la Chariaâ ne les contraints pas à respecter un âge nuptial minimum préalablement fixé, ils enfreignent une loi qu'ils considèrent comme étant non conforme à leurs croyances et usages sociaux. » Cette loi ne répond en fait qu'aux attentes d'une certaine frange de la population marocaine, numériquement très minoritaire et qui se situe, elle-même, en dehors du cadre du Droit musulman. Cette frange de la population ne se sent pas, en effet, tenue par les prescriptions de la Chariaâ. Le Conseil National des Droits de l'Homme s'est positionné en contradiction avec la tendance dominante de la société marocaine à travers sa proposition soumise à débat. Sauf que le débat ne peut porter sur une disposition de la Chariaâ clairement définie dans les textes sacrés. Les règles successorales contenues dans la Sourate des Femmes (An Nisâ') » Quatrièmement, cette proposition avait été déjà avancée par quelques personnes et déjà rejetée par la société marocaine, l'année dernière. J'ai personnellement écris quatre articles à ce sujet, publiés au journal "Al Alam", pour répondre au Dr. Abdallah Laroui en ce sens. De toute manière, Dr. Laroui et les autres tenants de cette proposition ne font que la soumettre au débat. Mais qu'une institution comme le CNDH fasse la même proposition pose la question du respect par ladite institution de la Constitution marocaine. En tous les cas, l'écrit relatif aux dispositions de la succession en Islam n'est pas un hadith, ni susceptible de donner lieu à interprétation. Il s'agit d'un texte on ne peut plus claire et limpide, contenu dans la Saint Coran. Plus exactement, c'est dans la Sourate des Femmes (An Nisâ') que les parts de chaque parent dans la succession sont formellement et explicitement indiquées, dans le détail. Et selon ce texte, la part de l'homme ne dépasse pas, d'ailleurs, toujours celle de la femme dans l'héritage. Dans certains cas, homme et femme sont à égalité. Dans d'autres, la part du legs qui revient de droit à la femme peut être supérieure à celle de l'homme, comme celle de l'homme peut dépasser celle de la femme. La partition successorale diffère en fonction de situations distinctes. » Débattre de l'interprétation d'un texte coranique au sens évident, c'est ouvrir la voie à la "fitna" (chaos, anarchie) au sein de la société marocaine, c'est se créer des problèmes gratuitement. Le Conseil National des Droits de l'Homme, en tant qu'institution constitutionnelle, n'avait pas à s'immiscer dans ce genre de sujets et sombrer dans ces égarements, qui ouvrent la voie à des troubles dont le pays, dans sa situation actuelle, peut très bien se passer. Il est totalement déraisonnable de s'amuser à donner des interprétations biaisées de textes du Coran et de la Sounna à la signification pourtant limpide et incontestable. Ce n'est pas l'unique point à examiner pour réaliser l'égalité entre l'homme et la femme. Le Conseil National des Droits de l'Homme s'est-t-il penché sur cette question d'égalité dans la composition de ses membres ? Pourtant, ce sujet ne relève que d'une affaire de nomination. Je pense que nous devons agir en faveur de l'égalité dans les domaines qui se prêtent à cette égalité, qui ne posent pas de problèmes à la société marocaine et ne créent pas de division au sein de celle-ci. Actuellement, la société marocaine a besoin de ce qui pourrait unifier ses rangs et de ne pas ouvrir la porte aux extrémistes et à ceux qui font commerce des sujets qui créent confrontation et zizanie. Mon avis est que le Conseil National des Droits de l'Homme devrait songer sérieusement à réviser sa proposition, qu'il s'astreigne au respect de la Constitution marocaine, parce qu'il œuvre dans son cadre. Si la Constitution marocaine stipule l'égalité, elle stipule également que l'Islam est la religion de l'Etat, que le Commandeur des Croyants (Amir Al Mouminin) est en charge de toutes ces choses. Le CNDH s'est mêlé de quelque chose qui ne le regarde pas et qui n'a pas été soumise à son examen et à son interprétation».