Jusqu'en en 1995, il n'existait aucun accord multilatéral sur les règles du commerce des services. Ceci était dans une large mesure dû à un manque de connaissance du commerce des services en tant que tel. Les économistes considéraient généralement les services comme non négociables, voire, pire, comme des activités économiques non productives et de ce fait ne méritant pas que l'on s'y intéresse du point de vue politique. Ce n'est qu'avec l'avènement de la signature des Accords de l'OMC en avril 1994, à Marrakech, suite aux Accord du GATT de 1947, que la communauté internationale a ambitionné de s'ouvrir à de nouveaux domaines ayant trait au commerce tels que la propriété intellectuelle ou encore les services. En effet, eu égard à l'ampleur grandissante du commerce des services, l'Organisation Mondiale du Commerce a intégré parmi ses textes, un Accord régissant le commerce des services à savoir « L'Accord Général sur le Commerce des Services » (AGCS) qui prévoit la libéralisation des services. En particulier, cet Accord de l'OMC sur les services vise la participation croissante des PED au commerce mondial. Aussi, de nos jours, au sein de l'OMC, la libéralisation des services est considérée comme l'une des thématiques les plus importantes du Programme de Doha pour le Développement auprès du démantèlement tarifaire des produits agricoles et non agricoles. Parmi les douze secteurs de services identifiés par la classification des nations unies, il est à noter que le secteur des services financiers détient une place capitale dans la mesure où il influence particulièrement le bon développement de tous les autres secteurs à savoir les services de santé, de justice, de communication, de transport, de distribution, d'ingénierie et construction, de voyage et tourisme, de récréation... D'ailleurs, l'OMC a consacrée une annexe spécifique aux services financiers à l'Accord Général sur le commerce des Services dont le contenu fait l'objet de travaux intenses au sein du groupe de travail sur les services financiers de l'Organisation. Au niveau mondial, les services sont exportés à hauteur de 4600 milliards de US$ en 2013. Aujourd'hui, les pays développés et les pays en voie de développement reconnaissent globalement le rôle crucial des services financiers pour le développement de l'Economie. Ceci amène les négociateurs internationaux à appréhender la libéralisation du commerce des services financiers avec beaucoup de rigueur. Ainsi, le choix des sous-secteurs à libéraliser ou à protéger par la communauté internationale n'est pas fortuit et la mise en place de garde-fous est indispensable particulièrement dans le contexte de la crise économique et financière contemporaine. Si les marchandises sont facilement protégées par des barrières tarifaires telles que les droits et impositions ou des barrières non tarifaires à l'instar des normes et règlements, les services peuvent faire l'objet de limitations à l'accès aux marchés et au traitement national. S'agissant du Maroc, le secteur des services reste le principal pourvoyeur d'emplois avec 39.8% de la population active. La part à la valeur ajoutée globale des « activités tertiaires » s'est élevée à 54.9%, en en 2013. En adhérant à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), le Maroc, qui a choisi la voie de la libéralisation et de l'ouverture de son économie, s'est engagé à libéraliser le commerce des services en vertu de l'Accord Général du Commerce des Services. Déceler l'effet de la libéralisation des services financiers pour une économie émergente telle que celle du Maroc et identifier les modalités adéquates de libéralisation servira d'exemple pour tous les pays de la région MENA et plusieurs PED. En outre, le Maroc n'ayant pas su tirer pleinement profit de la libéralisation de ses marchandises, il se doit d'approfondir le cas des services, en particulier « financiers » pour bénéficier de la libéralisation. Etant respectueux des Accords de l'OMC, il pourra tirer des avantages des engagements de libéralisation contractés...Aborder un tel sujet est aussi susceptible d'aider les décideurs politiques et les négociateurs à prendre des décisions en matière de libéralisation dans l'enceinte de l'OMC. Rappel de la définition des services financiers : Ils sont définis à travers la classification centrale des produits (CPC) qui est élaborée par les Nations Unies et utilisée par les membres de l'OMC. Les services financiers sont à considérer selon leur entendement le plus large en incluant les services bancaires, d'assurance, de réassurance ainsi que le crédit-bail, les services de règlement et de transferts monétaires, les garanties et engagements, les opérations de bourse, l'émission des valeurs mobilières, le courtage monétaire, la gestion d'actif, les services de règlement et de compensation, la fourniture et le transfert d'informations financière et les services de conseil et intermédiation... Cette définition est retenue dans la plupart des Accords de libre-échange. Relation entre la libéralisation du secteur des services financiers et le développement économique L'école classique a nié la productivité des services. En effet, selon A. Smith (1723-1790), toute activité qui ne produit pas des résultats tangibles et matériels est considérée comme improductive. J.B. SAY (1767-1832) évoque l'immatérialité des biens produits suite à une activité de services dont la valeur est échangeable. J.S.Mill (1806-1873) rejoint Smith et insiste sur le caractère improductif des services. Les écoles de pensées contemporaines : De nos jours, on distingue trois grandes écoles de pensées : -Les partisans de la libéralisation : C. Clark (1960) reconnait la contribution en valeur ajoutée des activités de services dans le processus de production. Allen et Ndikumana (1998) vérifient une corrélation positive entre les indicateurs de développement financier et le taux de croissance. Les grands économistes contemporains qui ont travaillé sur cette question sont Aaditya Matoo (2004), Bernard Hoekman (2004) et Dani Rodrik (2001) -Les opposants : Wajih Khallouli et Slim Tounsi (2009) confirment qu'une étude axée sur les pays de la région MENA mène à une relation négative. Chadi Azmeh (2009) parvient également à des effets indirects négatifs et considérables de l'ouverture des marchés financiers aux banques étrangères. Hoj, Kato et Pilat (1995) n'ont pas constaté des effets considérables de la libéralisation. J. Fourastié considère que les activités sont à faibles gains de productivité et de demande. -Les conciliateurs : Selon Atje et Jovanic (1993), l'effet négatif de l'instabilité financière reste significatif uniquement à court terme. D'après Sylvain Belfontaine (2009), par une libéralisation à la fois de son compte capital et de son compte des transactions courantes de biens et services, le Chili est parvenu à une stabilisation de son cadre macroéconomique. Les modes de fourniture du commerce des services : Le commerce des services tel que défini dans le cadre de l'OMC, prend la forme de quatre modes de fourniture : -la fourniture transfrontière (Mode 1) : services fournis sur le territoire d'un membre sur le territoire d'un autre (ex. services logiciels fournis par courrier, internet, etc ...). -la consommation à l'étranger (Mode 2) : les services fournis dans le territoire d'un membre pour les consommateurs d'un autre (ex. le tourisme ou les services d'éducation). Ce mode comprend également la réparation d'un bien à l'étranger sans le déplacement de son propriétaire. -la présence commerciale (Mode 3) : les services fournis par n'importe quel type d'établissement commercial ou professionnel d'un membre sur le territoire d'un autre (établissement d'une succursale d'une compagnie d'assurance). Ce mode est souvent assimilé à un IDE ; -la présence de personnes physiques (Mode 4) : les services fournis par des personnes physiques d'un membre sur le territoire d'un autre (comprend à la fois des prestataires de services indépendants et les employés du fournisseur de services). Ce mode se fait sur une base temporaire. Les limitations à la libéralisation autorisées par l'OMC : L'Accord général sur le commerce des services (AGCS) de l'OMC distingue trois grands types de limitations : Les limitations à l'accès au marché (article XVI de l'AGCS) : -le nombre de fournisseurs de services, -la valeur totale des transactions, -le nombre total d'opération de services, -le nombre total de personnes physiques pouvant être employées, -les mesures liées aux entités juridiques ou co-entreprises, -les mesures liées à la participation de capital étranger. Les limitations au traitement national (article XVII de l'AGCS) : L'obligation concernant le traitement national énoncée à l'article XVII de l'AGCS consiste à accorder aux services et fournisseurs de services de tout autre Membre un traitement non moins favorable que celui qui est accordé aux services et fournisseurs de services nationaux. Les exemptions à la clause de la Nation la Plus Favorisée (NPF) : « Chaque Membre accordera immédiatement et sans condition aux services et fournisseurs de services de tout autre Membre ...... un traitement non moins favorable que celui qu'il accorde aux services similaires et fournisseurs de services similaires de tout autre pays." (article II:1) Les engagements d'ouverture des services : -Par type de pays : Les pays développés s'engagent plus que les PED. Ils présentent en moyenne près de 100 sous-secteurs libéralisés soit 2,5 fois plus que les PED et 4 fois plus que les PMA. La vaste majorité des pays africains et la totalité des PMA n'ont déposé aucune liste d'engagement. -Par mode de fourniture : Sources : calculs de l'auteur sur la base des données de l'OMC, 2015 La plupart des engagements partiels portent sur le mode 3 (présence commerciale) et le mode 4 (mouvement des personnes physiques) à travers des engagements partiels. -Par secteur de services : Sources : calculs de l'auteur sur la base des données de l'OMC, 2015 Beaucoup d'engagements sont pris pour le commerce et les finances. Les Maroc a signé des ALE avec 57 pays. Parmi ces Accords, certains prévoient des dispositions sur la libéralisation du commerce des services. Ex : l'ALE Maroc-USA. Engagements d'ouverture du Maroc à l'OMC : L'offre en vigueur du Maroc adressée aux membres de l'OMC, à partir du 1er janvier 1995, comporte 45 sous-secteurs de services (services professionnels, financiers, Telecoms...) En 2005, le Maroc a présenté une offre initiale couvrant 70 sous-secteurs, en réponse aux demandes des Membres de l'OMC y compris : Union Européenne, USA Japon, Canada, Norvège, Suisse, Chine, Égypte et Inde. Pour la première fois, l'offre inclut des services tels que la distribution en gros et au détail, le transport maritime, services de courrier, services intégrés d'ingénierie et services connexes de consultations scientifiques et techniques pour l'industrie minière. Le Maroc a participé activement dans les négociations commerciales Multilatérales notamment sur les questions touchant la réglementation intérieure et les règles de l'AGCS (marchés publics, subventions, mesures antidumping...). *Mme. Elharrane Lalla Mérième est Docteur en sciences économiques, experte en commerce international, diplômée du cours de « Politique Commerciale de l'OMC » 1Voir article 4 de l'Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) de l'OMC sur les services. Classification des services des Nations Unies, utilisée par les membres de l'organisation mondiale du commerce dans le cadre des négociations multilatérales 2Voir Rapport annuel sur le commerce mondial au niveau du site officiel de l'OMC : "http://www.wto.org" www.wto.org. 4Voir BAM, Rapport annuel, 2013 (page 40). 5Voir Rapport .Economique et .Financier, année 2015.