La galerie Chaibia Talal à El Jadida abrite jusqu'au 31 mai courant l'exposition collective « regards croisés » qui nous donne à voir les œuvres récentes d'un collectif d'artistes marocains contemporain : Abderrahmane Rahoule, Salah Benjkan, Ahmed El Amine, Abdelkrim El Azhar et Najeb Zoubir. Encore une fois, cette galerie est décidée à surprendre et à ravir. Elle a choisi pour cette actuelle exposition initiée par la direction régionale de la culture Doukala Abda d'accueillir cinq figures des arts plastiques au Maroc qui ont marqué la scène culturelle marocaine, et qui ont pour socle commun une solide carrière créative tressée de brillantes participations aux grandes rencontres artistiques et culturelles au Maroc et à l'étranger. Leurs œuvres font aujourd'hui référence et constituent un jalon incontournable de l'histoire de l'art au Maroc. Exposer ces cinq artistes en même temps et dans un même lieu c'est proposer un rendez-vous d'exception. Cette exposition est un croisement de regards qui dégage une émotion forte. Elle bouleverse les sens et produit une troublante impression sur l'affect. C'est un événement culturel qui permet de percevoir et d'essayer de comprendre une tranche significative de l'évolution de la création plastique dans notre pays. La galerie Chaibia Talal a promis dès son ouverture, d'œuvrer pour l'épanouissement des artistes et de contribuer à la promotion de l'art. Cette exposition constitue, sans nul doute, un précieux chainon dans sa belle et noble quête de tenir son pari. Aujourd'hui le Maroc produit un foisonnement insoupçonné d'artistes plasticiens. Cette galerie continuera à jeter la lumière sur ces plasticiens incontournables, qui sont féconds et qui abreuvent une scène assoiffée de belles œuvres. Passé maître dans l'organisation dynamique de l'espace et des formes, Abderrahmane Rahoule revient avec encore plus de force à son thème de prédilection : le paysage urbain. Il déploie avec élégance, son art de décrypter les ligues architecturales et de les revêtir d'une âme secrète et indicible. Dans chaque pan de quartier, dans chaque structure d'habitation, Rahoule, recherche un modèle à interroger. Rien n'est innocent, gratuit ou livré au hasard. Chaque détail répond à un souci esthétique. Chaque courbe cache une énigme et chaque couleur exprime une émotion. Le tout livre une impression créative chargée de sentiment et porteuse de judicieux messages. Son approche pose avec acuité la question de la dimension humaine des blocs d'habitation. Mais Rahoule, on ne l'oublie pas, est aussi l'un des sculpteurs les plus influents du Maroc, et reconnu sur la scène artistique internationale. On lui doit, entre autre, l'animation visuelle de plusieurs agences bancaires, de l'ancien siège de la poste, du centre d'artisanat de Casablanca, la place emblématique d'Asilah et de nombreuses autres institutions. Rahoule propose dans cette exposition d'autres belles œuvres. Il confirme encore une fois son maestria à rendre hommage à la matière. On ne discute plus sa maitrise de l'art du volume et sa dextérité à traiter les matériaux et à les soumettre à ses velléités esthétiques. Professeur émérite puis directeur général de l'Ecole Supérieure des Beaux Arts, Rahoule est le fervent militant que toutes les associations culturelles et artistiques sollicitent. Ses fréquentations d'atelier internationaux et ses rencontres artistiques à l'étranger renforcent son statut d'artiste vétéran modèle pour les générations à venir. Né à Marrakech en 1968, Salah Benjkan vit et travaille dans cette ville. Peintre, graveur et sculpteur, il enseigne également l'art plastique depuis de nombreuses années. Passant sans cesse entre couleurs éclatantes et tons sourds, Benjkan selon le critique d'art Mostafa Chebbak dévoile un monde féerique au travers de compositions denses et saccadées réalisées par des gestes sûrs et d'une grande spontanéité. Lauréat de la jeune peinture de la Fondation Wafa Bank en 1993 puis du Forum Kunstler de Cologne (Allemagne), son désir de rencontres et d'échanges avec des artistes du monde entier le conduiront à ponctuer son parcours de nombreux séjours et résidences au Maroc et à l'étranger : Résidence à la Cité des Arts de Paris en 2000, Résidence Cap Corse à Bastia en 2005, Résidence d'artistes (gravure) à l'Institut Français de Tétouan en 2009 ou Résidence d'artistes au Centre d'Art Contemporain d'Essaouira en 2011. Né en 1966 à Casablanca, Ahmed El Amine suit une formation à l'Ecole des arts plastiques de Casablanca en 1984. Il devient par la suite professeur d'arts plastiques. Depuis 1996 ses peintures s'exposent au Maroc et à l'étranger. Il organise plusieurs ateliers de peinture pour les enfants et participe à de nombreuses activités culturelles et rencontres d'arts. Né à Azemmour, El Azhar suit des études à l'Ecole des Beaux-arts de Tétouan, de Bruxelles et de Liège, puis, effectue une formation de gravure qui laisse des stigmates dans sa peinture jusqu'à aujourd'hui. Pour preuve, ce tracé de la marge, ce minimalisme des formes et des couleurs et ces effets de délavé, de vieilli qui rappellent les techniques d'estampes et d'imprimés. La peinture d'El Azhar selon Alicia Celerier est tout en transparence, faite d'esquisses nerveuses et fermes, de formes aux touches tachetées de couleurs. Elle se passionne pour les visages, objets de recherche inépuisable, des visages qui se ressemblent sans pour autant être identiques, transcriptions des expressions psychologiques, de toutes les passions humaines et des bouleversements physionomiques. Des visages qui expriment aussi le silence, l'illumination ou l'ombre de la mort. Né à Salé en 1954, Najeb Zoubir passe son adolescence entre sa ville natale et El Jadida où travaillait sa famille. Très vite attiré par la peinture, il s'inscrit en 1976 à l'Ecole des Beaux Arts de Tétouan, dirigée à l'époque par son fondateur, un peintre espagnol de grand renom, Bertutchi ; puis, son bac en poche, il part en 1979 pour Bruxelles où il termine ses études supérieures à l'Académie Royale des Beaux arts. Diplômé de dessin, et d'Arts graphiques, il rentre à El Jadida en 1982 et il y présente presque aussitôt sa première exposition au Théâtre municipal. En 1990, il retrouve El Jadida et depuis, il se consacre à sa peinture.