La commercialisation des boissons alcoolisées provoque des tensions gouvernementales en Algérie, où les salafistes menacent de descendre dans la rue contre un texte libéralisant leur vente en gros dans un pays ou l'alcool constitue un terrain de luttes politiques et idéologiques. Suite aux menaces de manifestations faites par les salafistes, mi-avril, le premier ministre Abdelmalek Sellal a désavoué son ministre du Commerce Amara Benyounès qui avait diffusé une circulaire libéralisant le commerce en gros des boissons alcoolisées. Une décision qui illustre la difficile cohabitation entre ministres laïcs et islamistes pourtant dit "modérés", les radicaux étant exclus du champ politique dans un pays où la consommation d'alcool se fait souvent à l'abri des regards. Le Premier ministre algérien a justifié cette décision par l'absence de consultation, par le ministère du Commerce, des parties gouvernementales concernées."Le premier ministre, pour apporter de la sérénité et de l'apaisement, a décidé de geler la circulaire", a expliqué Amara Benyounès à la radio, se disant "victime d'un lynchage médiatique hallucinant" orchestré par des chaînes privées. « Je ne suis pas un imam ni un mufti, mais un ministre de la République ». En gelant la circulaire de Amara Benyounès, le Premier ministre "a consacré la faiblesse du pouvoir actuel aux yeux du courant islamiste", regrettait lundi le quotidien El Watan. "Les pressions politico-religieuses exercées ces dernières années sur les autorités furent si fortes qu'elles ont souvent contraint ministres et walis à transgresser la légalité en promulguant des lois incohérentes et contradictoires", déplore le journal. En Algérie, le vin et de la bière sont produits localement et les autres boissons alcoolisées sont importées. Selon le président de l'Association des producteurs algériens de boissons, Ali Hamani, le pays produit annuellement 1,6 million d'hectolitres de bière et 700.000 hectolitres de vin, consommés à 85% localement. Amara Benyounès, a, pour sa part, révélé que 70% des alcools importés sont commercialisés sur le marché informel. La circulaire Benyounès, ministre issu d'un parti laïc, annulait une circulaire illégale d'un de ses prédécesseurs. Ce texte avait instauré une autorisation préalable pour la vente en gros des boissons alcoolisées, ce que la loi interdisait pourtant, ne réservant cette restriction qu'à la vente au détail. L'Algérie, qui compte aujourd'hui 40 millions d'habitants, musulmans sunnites à 99 %, a importé en 2014 pour 82 millions de dollars de boissons alcoolisées, soit une hausse de plus de 40% en deux ans.