Du 5 au 31 mars 2015, s'est tenue à Safi une exposition dédiée aux haïkus, écrits et transposés picturalement par l'artiste et l'écrivain Razak. Durant l'exposition, ce dernier a écrit un livre d'art de commémoration, à paraitre prochainement. Il nous livre ses impressions après la clôture de cette exposition thématique: « Comme impressions de fin d'expo, je suis tout à fait satisfait. Ce qui a été réalisé dans cette petite salle d'exposition, à peine équipée du nécessaire et dont l'austérité pourrait déplaire aux peintres matérialistes, a dépassé le prévisible. L'expo n'est pas passée inaperçue. On en a largement fait écho et grâce à cette titraille métaphorique, où je fais allusion au ballet, le message est passé adéquatement et dans son intégralité interactive. L'expo est d'une dynamique enchanteresse, puisque les haïkus ont quitté la papeterie, pour suivre un autre cheminement. Ils y reviendront dans l'allégresse, sous une allure et parure multicolore, en prenant ce beau-livre comme raccourci avec en sus une quadrichromie qui révèle les détails des œuvres picturales. C'est une expo-hommage aux pionniers du haïku. Je l'agrémente avec des tableaux conçus d'une manière avant-gardiste. Ainsi, si le pays du soleil levant a inventé le haïku, le pays du soleil couchant l'a vêtu de ses beaux atours et en a amplifié l'écho. Le nombre des férus de haïkus ne cesse d'augmenter dans le monde et le nombre de langues qui s'en imprègnent va crescendo. On est ravi de constater que parmi les animateurs des sites web et des pages culturelles, qui usent du papier des rotatives, il se trouve encore des êtres sensibles, qui aiment la poésie et la peinture qui sort des sentiers battus. Cela me remplit de fierté, car avec les désordres dramatiques de ces temps-ci, marqués par une sévère et exécrable intolérance, les sauvageries qui endeuillent notre planète, notamment dans le Moyen-Orient, qui se morcelle à vue d'œil et avec tant d'absurdité, on avait l'impression qu'on allait tout droit vers l'abîme et puis qu'il n'y avait plus de place, pour les mots poétiques et pour la suavité esthétique, engendrée par l'agencement des mots, des formes et des couleurs. Les vociférations et cris de haine des iconoclastes les ont chassés de leur terroir naturel. Comme par malédiction kafkaïenne, on s'entretue pour des futilités et pour des choses mystiques enveloppées dans un ésotérisme meurtrier. Or la poésie est foncièrement contre cette euthanasie collective et ce « suicide civilisationnel » (...) Le soir du vernissage de l'exposition de Safi, j'avais vu des amateurs d'art se pencher sur ce qui était écrit en bas du tableau. La mise en image des haïkus les a certes étonnés, avant d'en être éblouis. En évoquant le ballet haïku-graphique, je voulais que les picturomanes ressentent le mouvement de danse créé par l'interaction alchimique, entre les mots et les touches de couleur. Ainsi, par extension, on peut dire qu'il y a du Tango et du Bolchoï haïku-graphique, car le haïku a sa propre musique. Elle est syncopée comme un air de jazz de Miles Davis. Entre le tableau et le poème correspondant, il y a une sorte de communion qui se dégage de l'alliage artistique de deux modes d'expression distincts. Ce mariage est dicté par une volonté veloutée d'expérimenter une variété de thèmes et de sujets, afin de s'éloigner du carcan habituel et du schéma classique que les Japonais ont tracé. Je désire donner une nouvelle direction aux haïkus où l'aspect anthropologique serait la dominante. Etant donné que l'homme est le pivot de l'existence. Je considère que l'être humain est plus important et non les objets qui l'environnent. Naturellement, l'aspect écologique est primordial, mais en agissant au niveau du comportement de l'homme, on peut le conduire à prendre soin écologiquement des écosystèmes. Sa survie en dépendrait. Comme apport, je voulais laisser mon empreinte. Il fallait s'écarter de la ligne classique, tracée par les pionniers du haïku en élargissant l'éventail thématique. »