Depuis plus de quatre décennies, la journée du 27 mars est déclarée "Journée mondiale du théâtre". Le cinéma, art récent, n'a pas encore ce privilège. Le théâtre, considéré comme le père des arts, a certes donné naissance aux autres formes d'expression, y compris le cinéma, et de ce fait, mérite bien cet honneur. Le cinéma, bien qu'il se soit substitué au théâtre sur de nombreux plans, a continué à entretenir avec ce dernier un lien ample et fructueux. A l'époque du cinéma "primitif" déjà, Georges Méliès utilisait le cinéma pour ses ambitions théâtrales. Privilégiant le spectacle, il filmait ses courtes pièces en vue de représentations lointaines à l'adresse d'un public encore féru de théâtre. Père de la fiction, de la science-fiction et du trucage, durant tout son sinueux parcours, il n'abandonna jamais sa première passion. Cependant, il ne fut pas le seul cinéaste issu du théâtre qui sut adroitement conjuguer les deux passions. Partout dans le monde, des hommes de théâtre avaient fini par investir le cinéma afin d'étendre et tester leur souci d'expression. En Grande Bretagne, le nom de Peter Brooks jaillit spontanément en pionnier rigoureux ayant fructifié efficacement le rapport. Artiste novateur dans ses interprétations des pièces du grand répertoire international, et plus particulièrement les classiques de Shakespeare, Brooks a réalisé des œuvres qui s'apparentent aisément aux deux modes d'expression. L'américain Orson Welles a lui aussi réussi une double carrière, théâtrale et cinématographique. Ses plus importantes œuvres relèvent plus du théâtre que du cinéma hormis son "Citizen Kane", œuvre visuelle par excellence. Resté fidèle au monde shakespearien jusqu'à la fin de sa carrière, Welles rendra régulièrement hommage au maître de la scène en adaptant les pièces de "Macbeth", "Othello", "Falstaff" ou même de Cervantes avec "Don Quichotte". Le cinéma français compte de sa part un cinéaste de renom au double parcours, à la carrière cinématographique fulgurante et à la mise en scène prolifique: Sacha Guitry. Auteur dramatique, il a écrit 124 pièces de théâtre, dont beaucoup furent de grands succès. Il a également réalisé 36 films dont 17 adaptations de ses propres pièces, et jouant dans la quasi totalité d'entre eux. Le théâtre est omniprésent dans les films de Guitry par leurs situations comme par leurs dialogues si adaptés. Encore le rapport cinéma/théâtre n'a été qu'à de rares occasions mis à profit. Mohamed Reggab avait ouvert la brèche avec "Le coiffeur du quartier des pauvres"(1982) adapté de la pièce homonyme écrite par Youssef Fadel. Reggab qui avait collaboré à la pièce est resté fidèle à l'esprit de la narration théâtrale au détriment même du récit filmique. Une année plus tard, c'est au tour du dramaturge Tayeb Saddiki de réadapter sa propre pièce "Sidi Yassine fitarik", portée à l'écran sous le nom de "Zeft"(1983) où il expérimente enfin ce mode d'expression qu'est le cinéma, expérience qui, par trop de déception, jamais renouvelée.