* Sur le métier de réalisateur Si j'ai fait des courts métrages et des documentaires, c'est pour des raisons alimentaires. C'est dire que je pratique mon métier sur un plan d'images. Je ne peux pas le pratiquer dans la fiction pour des raisons encore plus compliquées à énumérer. Il faut être son propre metteur en scène, son propre scénariste, son propre producteur, car on n'a pas les moyens de payer les professionnels. Il faut chercher de l'argent, s'endetter. C'est vraiment trop d'investissement pour faire un film pour ciné club et petits festivals. J'estime que le jeu ne vaut pas la chandelle. * Sur le festival national du film C'est très bien qu'il y ait des festivals. L'existence d'un festival est meilleure que l'absence d'un festival. Mais on tourne en rond. Le problème du cinéma marocain est d'abord un problème d'industrie. tant qu'on n'a pas les moyens et les vrais moyens, tant qu'il n'y a pas une décision politique, car le cinéma est un gouffre d'argent, mais qui peut rapporter gros, nous resterons tous des artisans. On s'enferme dans une salle de montage et on y reste quatre ou cinq mois. On prépare un film pendant trois ans. On le tourne et on arrête le tournage trois ou quatre fois. C'est quand même fatigant et parfois même tuant et là je fais référence à Reggab. * Sur ses ambitions Le jour où je sentirais que l'on peut aider réellement le cinéaste, alors peut être que je ferais un film. Mais si je perds trois années pour faire un film, ces trois années m'auraient permis de monter dix pièces de théâtre. ce que je vais dépenser pour faire un film me permettra de monter six pièces. Alors je pratique ce qui est possible de pratiquer. Il est donc plus facile de monter une pièce que de faire un film. Si demain, j'en ai les moyens, je lâche le théâtre le temps de tourner un film car il est important de faire de l'image. * Sur son long métrage "Zeft" "Zeft" n'a même pas rendu le dixième de ce qu'il a coûté. C'est donc une expérience qui est restée sans grand intérêt. Je l'ai vu quatre fois et puisque le film n'a pas fait parler de lui, c'est comme s'il n'existait pas. Mais, il n'y a pas que le long métrage. J'ai découvert une autre voie qui est celle de la production de commande. C'est la réalisation de courts métrages documentaires sur commande. J'en ai produit douze et le dernier en date était pour le compte de l'O.C.P. Ces films sont une grande école cinématographique, leur producteur apprend beaucoup sur le métier, ensuite cela nourrit son homme. * Sur le cinéma national Nous n'avons pas de producteurs et tant que nous n'en aurons pas, on ne pourra faire du bon cinéma. D'autre part, nous avons un problème de sujets. La plupart des cinéastes optent pour l'autobiographie. Le premier film, ils sont allés le faire dans leur ville ou leur village natal ce qui donne un film réservé au cinéaste et à sa ville. Enfin, nous avons un manque de techniciens. Nous devons former les gens si nous voulons que notre cinéma démarre et chercher à faire des films en coproduction dans les studios que nous aurions construits et préparés. * Sur l'imagination au cinéma Notre cinéma vit une crise d'imagination. Notre imagination est tarie et voilà pourquoi chacun tente dans son film de lancer un message à l'humanité. Il nous faut une histoire dans les films. Nous faisons malheureusement de l'O.C.N.I. (Objet Cinématographique Non Identifié). * Sur sa ressemblance avec Welles Orson Welles avait du génie, ce qui n'est pas du tout mon cas. Mais moi, j'ai un avantage sur lui: c'est que je suis un peu plus vivant que lui.