On l'appelle le barrage « Grande renaissance ». C'est un immense chantier dont l'accord de principe vient d'être signé à Khartoum. L'Égypte et le Soudan ont donné leur feu vert à la construction par l'Éthiopie d'un immense barrage sur le Nil bleu. Un projet pharaonique. Une déclaration de principe concernant l'édification du barrage « Grande renaissance », en Éthiopie, a été signé ce lundi par le président soudanais Omar Béchir, le pays hôte, son homologue égyptien, Abdel Fattah Sissi, et le Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn, qui doit lancer cet ouvrage sur les rives du Nil bleu. L'Égypte, qui était opposée à ce projet, a eu des garanties que le barrage ne modifierait pas sa part des eaux du Nil, soit 55 milliards de mètres cubes, et que l'eau ne servirait pas à l'irrigation de terres agricoles et serait informée de toutes les conclusions du bureau d'études. Quant au Soudan, il a toujours soutenu le projet, l'Éthiopie s'était engagée à lui fournir l'énergie électrique à des prix préférentiels. Le barrage Grande renaissance une fois achevé, aura une retenue de 74 milliards de mètres cubes. Le barrage « Grande renaissance » sera en 2017 le plus imposant de tous les barrages hydroélectriques d'Afrique. Avec une puissance de 6 000 mégawatts d'électricité, soit trois fois la puissance du barrage d'Assouan, ou encore huit fois la production totale d'électricité du Sénégal, sept fois celle de la Guinée. Le barrage « Grande renaissance », encore appelé Barrage du millénaire, va permettre à l'Éthiopie d'exporter de l'électricité chez ses voisins. Les deux Soudan, Djibouti, le Kenya, le Yémen, tous sont intéressés par cette électricité à bas coût et dont l'exportation rapportera à l'Éthiopie 700 millions d'euros par an. Le barrage coûtera au total 4,5 milliards d'euros. Une somme financée à la fois par l'État et les Éthiopiens via un emprunt obligataire lancé par le gouvernement. Outre l'électricité, le barrage va permettre à l'agriculture irriguée de faire un bond en avant. Aujourd'hui, seuls 3 % des terres agricoles sont irriguées. Dans deux ans, les agriculteurs auront à disposition une partie des 63 milliards de mètres cubes d'eau retenues par le barrage. L'accord de Khartoum scelle ainsi la réconciliation entre l'Égypte et l'Éthiopie, comme l'explique notre correspondant au Caire, Alexandre Buccianti. Le président égyptien Abdel Fattah Sissi a en effet déclaré à Khartoum que « grâce au dialogue nous sommes parvenus à conclure un accord préservant les intérêts de toutes les parties ». Le Nil bleu venant d'Éthiopie fournit 85 % des 56 milliards de mètres cubes d'eau dont dispose annuellement l'Égypte. Une Égypte qui aura dépassé les 100 millions d'habitants avant 2020. Depuis l'arrivée du président Sissi au pouvoir en juin 2014, les relations entre l'Égypte et l'Éthiopie ont enregistré des progrès spectaculaires. L'ex-maréchal et chef des services des renseignements militaires s'est avéré beaucoup plus diplomate que le président Frère musulman Mohamed Morsi qu'il a destitué en 2013. Nul n'a oublié, en Égypte et en Éthiopie, cette réunion à la présidence égyptienne où toutes sortes de menaces, y compris la guerre, avaient été tenues. Une réunion qui avait été diffusée « par erreur » et en direct sur les écrans de la télévision étatique égyptienne. D'ici 2017, l'Éthiopie espère achever la construction du barrage de la Renaissance, le plus grand d'Afrique, sur le plus grand fleuve du continent : le Nil. Cet ouvrage, dont la capacité est de 6 000MW, devrait coûter 4,2 milliards de dollars. L'Égypte s'inquiète depuis longtemps pour son approvisionnement en eau douce. L'Éthiopie, de son côté, assure que le barrage "n'aura aucune incidence sur le débit du fleuve en aval", mais quoi qu'il en soit, elle "entend bien mener son projet à terme, même s'il doit aboutir à une dégradation des relations diplomatiques avec l'Égypte." L'Égypte et l'Éthiopie, ainsi que le Soudan qui se situe également en aval du futur barrage, ont tenu plusieurs réunions conjointes, souligne le magazine, et le 5 mars, ils sont parvenus "à un premier compromis fixant les principes de coopération entre les trois pays. Le texte met notamment en relief les préoccupations des deux pays en aval du grand barrage". Depuis plusieurs années, les pays en amont du Soudan souhaitent développer des projets d'aménagement du fleuve. Ils sont entravés par l'Égypte qui, en vertu d'accords signés en 1929 et 1959, "possède des droits historiques sur les eaux du Nil". Or en 1929, cinq des huit pays que traverse le fleuve n'avaient pas encore accédé à l'indépendance, c'est pourquoi ils considèrent "que les accords précédents ne les engagent pas".