Crise du Nil Bleu La crise entre l'Ethiopie et l'Egypte sur l'utilisation des eaux du Nil Bleu sur lequel Addis-Abeba compte ériger un barrage, a baissé d'un cran depuis l'entrée en jeu de la diplomatie. Les appels belliqueux qui fusaient de partout ont commencé à s'estomper au profit d'une approche plus apaisée de ce problème qui revêt une importance vitale pour les deux pays surtout l'Egypte dont la survie même dépend du fleuve mythique du Nil. Face au constat que l'escalade ne mène nulle part et qu'il y a lieu de favoriser d'abord toutes les voies de solution à l'amiable pour trouver une issue, les protagonistes ont convenu de confier le dossier du «barrage de la renaissance» aux experts en vue d'en évaluer l'impact sur les pays situés en aval. La démarche vise à éviter qu'aucun des pays riverains du fleuve (Egypte, Soudan, Sud Soudan et Ethiopie) ne soit lésé. Certes, le partage des ressources du Nil Bleu est une question épineuse. De tout temps, elle a été source de polémique, voire de tension entre les pays riverains, mais, cette fois-ci, les bonnes disponibilités montrées par les diplomates des pays concernés, réunis tout récemment, donnent à penser que le différend peut être contenu. Sachant toute l'acuité que revêt le problème de l'eau pour l'Egypte, ce différend qualifié par beaucoup d'étincelle allait mettre le feu aux poudres. Les observateurs rappellent à ce sujet les propos de l'ex-président Anouar Sadate qui disait que l'Egypte n›enterait jamais en guerre sauf pour la question de l'eau. La réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Ethiopie et de l'Egypte (17-18 juin) a été en effet fructueuse à plusieurs égards, surtout qu'au début de la crise on a eu l'impression que la situation allait dégénérer, certains esprits revanchards recommandaient même de faire appliquer la loi du talion: répondre à la déviation des eaux du Nil Bleu par la fermeture du canal du Suez à la navigation. Nombre d'analystes estiment, toutefois, que Tedros Adhanom et Mohamed Kamel Amr ont simplement effleuré les questions de fond, ce à quoi d'autres rétorquaient que l'essentiel a été réalisé, la voie à suivre pour résoudre la crise est dorénavant balisée, le reste incombe aux experts. La formule sur laquelle les deux ministres se sont entendus consiste justement à confier le dossier aux scientifiques avec pour mission de mener une étude et juger sur sa base si oui ou non le projet éthiopien nuit aux intérêts des pays en aval. L'équation est à la fois simple et compliquée, estime-t-on, la solution passe par l'implication des experts en vue de préserver les acquis et assurer aux populations de la région l'accès aux ressources du fleuve, sans s'écarter outre mesure des arrangements antérieures conclus par les pays riverains. Pour l'Ethiopie, le projet de construction du barrage est important pour répondre à des impératifs économiques et démographiques hors normes, le fleuve doit accueillir des ouvrages essentiels à l'alimentation électrique et en eau de ses 120 millions d'habitants attendus pour 2025. Quant à l'Egypte, elle insiste sur la vitalité des eaux du Nil pour son agriculture, affirmant en même temps vouloir préserver ses relations de fraternité avec l'Ethiopie. Les analystes expliquent la démarche égyptienne comme un moyen de faire valoir sa position constante sur ce sujet et de contourner une pression étrangère vue les difficultés d'ordre interne que vit l'Egypte, telles que perçues à travers la peine à rassembler tous les partenaires autour d'un programme pour satisfaire les attentes des citoyens. Dans ce cadre, la révision des accords relatifs à la répartition des eaux du fleuve, signés en 1929 et 1959 sous la colonisation britannique, constitue un autre point d'achoppement. Sur cette question, les Etats concernés tenteront de faire preuve de souplesse et d'une approche novatrice pour parvenir à un compromis. Contestant le caractère «anachronique» des accords antérieurs, l'Ethiopie a décidé avec d'autres pays du bassin de conclure en 2010 un nouvel accord dit d'Entebbe auquel l'Egypte et le Soudan refusent d'adhérer en faisant valoir la primauté des accords anté. Pour réconcilier ces positions diamétralement opposées, l'Union africaine (UA) n'a pas trouvé mieux que d'appeler les deux pays à chercher une solution «dans un contexte nouveau qui ne soit pas celui créé par les puissances coloniales», mais qui soit un contexte «panafricain». La Commission de l'UA n'a pas jugé utile de donner plus de détail. Et voilà, la tempête médiatique provoquée par les propos émanant de certains cercles en Egypte et jugés offensants par d'autres, a laissé place au débat sur la validité des accords régissant le fleuve, l'enjeu est de savoir lequel des deux a la primauté: l'accord de 1959 ou celui de 2010. Grace donc à l'action diplomatique, une nouvelle tournure a été imprimée à ce dossier combien épineux. Aussi, les plans de certaines sphères qui distillaient les ingrédients propres à mettre le feu aux poudres ont été désamorcés. En tout cas, dans l'attente des conclusions des experts, une lueur d'espoir pointe à l'horizon, les commentaires incendiaires se sont tus pour l'instant, signe que l'Ethiopie et l'Egypte ont emprunté la voie idoine pour aplanir leur différend et éviter à l'Afrique une crise de plus qui s'ajouterait aux litiges chroniques qui minent son développement.