Neuf étrangers ont été enlevés lors d'une attaque survenue, vendredi 6 mars, contre le champ pétrolier d'Al-Ghani, au sud de la Libye, a annoncé le porte-parole du ministère philippins des Affaires étrangères, le lundi 9 mars. Le champ pétrolier d'Al Ghani, à 750 km au sud-est de Tripoli, a été la cible d'une attaque vendredi. Les forces de sécurité alliées au gouvernement internationalement reconnu du Premier ministre Abdallah al Thinni ont annoncé en avoir repris le contrôle. Onze gardes ont cependant été tués. Quant à la disparition des travailleurs étrangers, elle a été signalée samedi. Parmi les personnes enlevées figurent quatre Philippins, mais également deux européens, un Autrichien et un Tchèque, ainsi que deux Bangladais et un Ghanéen. Cette attaque a été imputée par des sources libyennes aux jihadistes de Da'ech. Néanmoins, le porte-parole philippin, qui s'appuyait sur un rapport de l'ambassade des Philippines à Tripoli, a déclaré qu'il n'était pas en mesure de confirmer l'identité des ravisseurs, ajoutant qu'aucune revendication n'avait été formulée. Toutefois, à Vienne, le ministère autrichien des Affaires étrangères a estimé que des informations sérieuses permettaient de supposer que le groupe d'otages était "aux mains des terroristes de Da'ech". De même source, tous les étrangers enlevés étaient "indemnes" au moment où ils ont été emmenés à bord de véhicules en direction du Nord. Au total, depuis le début de l'année, sept Philippins ont été enlevés en Libye. Trois ressortissants philippins avaient été capturés début février dans le champ pétrolier d'al-Mabrouk, à l'est de Tripoli, et leur sort reste inconnu. En juillet 2014, lorsque le gouvernement philippin avait ordonné le rapatriement de ses ressortissants du pays, environ 13 000 d'entre eux y travaillaient. Depuis lors, des milliers de Philippins ont quitté la Libye, mais 4 000 y travaillent encore, attirés par des salaires bien plus élevés que ceux qu'ils percevraient chez eux. Depuis plusieurs semaines, la Libye est le théâtre d'une série d'attaques revendiquées ou attribuées à Da'ech. La Ligue arabe a, pour sa part, appelé, lundi 9 mars, le Conseil de sécurité à «lever l'embargo sur les armes visant le gouvernement libyen», lors d'une réunion des ministres des Affaires étrangères de ses pays membres. Elle a également demandé à la communauté internationale d'«empêcher le flux d'armes et d'armement lourd, par voie aérienne et maritime, d'atteindre les groupes et organisations terroristes». Dans un communiqué publié lundi soir, la Ligue assure qu'elle apportera tout son soutien politique et financier au «gouvernement légitime de Libye». Elle ajoute qu'elle «fournira au gouvernement l'aide requise pour lui permettre de protéger la souveraineté du pays, y compris afin que son armée (...) puisse continuer sa mission d'éradication du terrorisme». La demande de dérogation à l'embargo sur les armes bloquée Toutefois, sept des 15 membres du Conseil de sécurité ont bloqué une demande de la Libye de déroger à l'embargo sur les armes pour lui permettre de mieux lutter contre les groupes jihadistes, ont indiqué, lundi, des diplomates. Cette demande du gouvernement libyen d'exemption à l'embargo portait sur des dizaines d'hélicoptères, d'avions de combat et de tanks, ainsi que sur des milliers de fusils d'assaut avec leurs munitions. La Libye souhaitait acheter cet arsenal à l'Ukraine, à la Serbie et à la République tchèque. Le Conseil s'était donné jusqu'au lundi pour prendre une décision. Mais l'Espagne a demandé que la demande soit mise de côté, en attendant le résultat des efforts de médiation de l'émissaire de l'ONU, Bernardino Leon, qui tente de convaincre les factions libyennes de constituer un gouvernement d'union nationale. La demande espagnole a été soutenue par six autres pays, la France, les États-Unis, le Royaume-Uni, le Chili, la Nouvelle-Zélande et la Lituanie. La décision est désormais ajournée sine die, a précisé un diplomate du Conseil. Le gouvernement libyen souhaitait commander à l'Ukraine six hélicoptères d'attaque, 150 chars T-72 et une trentaine d'avions de combat Sukhoi et MIGs, et à la République tchèque et à la Serbie des milliers de fusils d'assaut et de mortiers et leurs munitions. Lors d'une réunion du Conseil le 5 mars, l'ambassadeur libyen à l'ONU Ibrahim Dabbashi avait réitéré la demande libyenne, affirmant que son gouvernement en avait absolument besoin pour surveiller les frontières et protéger les champs pétrolifères. Mais beaucoup de pays membres craignent que les armes livrées ne tombent entre de mauvaises mains et souhaitent que soit d'abord constitué en Libye un gouvernement d'union nationale. Livrée aux milices, la Libye est dirigée par deux Parlements et deux gouvernements rivaux, l'un proche de Fajr Libya qui contrôle la capitale Tripoli, et l'autre reconnu par la communauté internationale qui siège à Tobrouk (est). Les demandes d'exemption doivent passer par un Comité des sanctions qui dépend du Conseil. Dans une lettre datée de vendredi et adressée à ce Comité, l'équipe d'experts de l'ONU chargé de superviser l'embargo souligne que le matériel demandé «est destiné à équiper un grand nombre de soldats, alors que la composition des forces armées libyennes est peu claire». Tout en reconnaissant que le gouvernement libyen «fait face à des défis sécuritaires exceptionnels», les experts font part de «leurs inquiétudes sur les risques de détournement du matériel militaire», en particulier les tanks et les armes individuelles. Ces armes pourraient être transférées à des milices après livraison, ou des miliciens pourraient s'en emparer à l'issue de combats, expliquent-ils. Ils craignent aussi que les armes «ne servent dans des attaques sur des zones tenues par d'autres milices, qui ne sont pas des groupes terroristes», comme cela a été le cas quand le gouvernement a lancé des raids sur Tripoli et Misrata. Enfin, la lettre rappelle le risque de «pertes civiles» dans de telles opérations. La chef de la diplomatie de l'Union européenne, Federica Mogherini, a exhorté, de son côté, les factions libyennes à faire des concessions pour conclure un accord de gouvernement dans les jours qui viennent, évoquant une « ultime chance » de règlement du conflit. « Les dirigeants politiques libyens doivent faire tout leur possible pour trouver les compromis nécessaires, pour saisir cette ultime chance et se mettre d'accord sur un gouvernement transitoire d'union nationale », a affirmé Mme Mogherini devant le Conseil de sécurité.