Avec Ammouri Mbarek, c'est certainement un des créateurs les plus innovants qui nous quitte. C'est une disparition qui marque les esprits, tout simplement parce que le chanteur, auteur, compositeur avait sans doute encore beaucoup à donner, non seulement à la cause culturelle amazighe, mais bien au-delà. Ammouri Mbarek a très tôt choisi de ne pas trop se calfeutrer dans un milieu géographique et créateur étriqué, mais de naviguer dans les vastes méandres du champ musical, ce qui lui a d'ailleurs valu d'acerbes reproches et réprimandes de la part des puristes de la musique amazighe. Ils ont vu un sacrilège dans le fait que Ammouri –et par extension le groupe phare Ousmane- introduise une dose de modernité dans la traditionalité jusque là ambiante, pour ne pas dire « momifiée ». Mais, après les critiques, advint la reconnaissance et le succès, illustrés par la carrière fulgurante et richissime-musicalement parlant !- de Ammouri Mbarek, carrière qui ne fut brusquement interrompue dans son élan que par la maladie, en l'occurrence un vilain cancer de la gorge qui-O ironie du sort !- finit par faire perdre la voix à notre rossignol, notre virtuose, révélé à la musique dés son enfance, quand il trouvait refuge, lui le petit enfant orphelin, chez les bonnes sœurs dans sa ville natale et fief, Taroudant, là où il émit le vœu d'être enterré. Ousmane, la révolution musicale Ousmane est un groupe de musique qui a modernisé la musique amazighe Ousmane (re)présente une expérience singulière dans l'histoire de la musique moderne au Maroc. Ousmane est d'abord le fruit d'un travail culturel d'une association amazighe, l'Association marocaine de la recherche et de l'échange culturel (Amrec). Poussée par la situation marginale de la culture amazighe dans le Maroc indépendant, l'équipe animatrice de l'Amrec décide de créer un groupe musical pour porter au grand jour ses préoccupations culturelles. Le groupe porte d'abord le nom de Yah. Il est le prolongement d'une commission de musique créée au sein de l'association par Ali Moumeni et Brahim Medrane. Dès 1974, Yah se produit dans des mariages et autres fêtes et cérémonies, en reproduisant les chants anciens. Le 29 mars 1975, Yah donna son premier et ultime grand concert à Rabat au Théâtre Mohammed V. À l'issue du spectacle, les responsables de l'association, confortés par le succès du concert, décident de renommer le groupe. Ousmane (Éclairs) est né et se compose de six membres : Ammuri Mbarek, Said Bijàaden, Said Butroufine, Belàid el-Akkaf, Tarik el-Maàrufi et Lyazid Korfi. Dès sa constitution, Ousmane a opéré un tournant décisif dans la musique amazighe. Le groupe interprète la poésie moderne que composent certains membres de l'Amrec, tels Azaykou, al-Jachtimi, Akhyat et Moustaoui. Les thèmes abordés sont alors l'amour, l'exil, l'identité... Outre des concerts dans les grandes villes, Ousmane effectue des tournées dans certaines régions du Sud, comme Taroudant au printemps de 1975. Deux 45 tours sont enregistrés en 1976. Un tournée européenne les mène sur les planches de l'Olympia à Paris les 5 et 6 février 1977. Le succès d'Ousmane n'a pas été le fruit du hasard. Outre la qualité des poèmes chantés, la désormais historique formation musicale se distingue par des arrangements modernes inspirés des rythmes anciens. Ousmane a également chanté dans trois parlers de la langue amazighe : tachelhit, tarifit et tamazight. Suite à des dissensions au sein du groupe, Ousmane se sépare en 1978. Le soliste vocal du groupe, Ammouri Mbarek, ainsi que Belaïd El Akkaf entament alors une carrière solo qui va perdurer de longues années durant, avec le succès et la reconnaissance que l'on connait.