Huit enquêtes forment l'ouvrage « Dos de femmes, dos de mulets, les oubliées du Maroc profond » de Hicham Houdaïfa (Editions En Toutes Lettres, Casablanca). L'ouvrage a été présenté au SIEL et figure comme premier titre d'une collection dédiée aux enquêtes de journalisme d'investigation. Réalisées en 2014 ces enquêtes de terrains d'actualité permettent d'approcher des réalités de femmes marocaines dans des situations où la souffrance subie est parfois illuminée par une résistance acharnée. Dans ce livre on va des ouvrières clandestines de Mibladen « village fantôme » près de Midelt en quête de gisements de plomb dans les galeries souterraines des mines désaffectées à leurs risques et périls, aux « Barmettate » barmaids de Casablanca, en passant par les « torturées de Sountate » qui portent les stigmates profondes des années de plomb, les « femmes Ninja de Berkane » vaillantes travailleuses des champs victimes de harcèlements sexuels systématiques des employeurs patrons veillant à user de leur droit de cuissage, les « femmes prêtées de Kalaat Sraghna » filles mineures « achetées » à des parents pauvres rongés du souci qu'elles restent sans mari, « Les sans-papiers de l'Atlas » du fait du mariage coutumier par la Fatiha qui compromet l'avenir scolaires des enfants, « La violence contre les femmes tour d'horizon » et les femmes victimes de la traite dans les pays du Golfe. L'auteur met l'accent notamment sur le mariage des mineurs en démontrant que malgré la Moudawana les mariages précoces ont continué à augmenter de manière exponentielle citant à ce propos les statistiques du ministère de la Justice qui parlent de 35.152 mariages précoces en 2013 contre seulement 18.341 en 2004 soit une progression en dix ans de presque le double « sans parler des contrats et des mariages par la Fatiha » non comptabilisés dans les statistiques officielles. Des militants de Droits de l'Homme locaux cités par l'auteur sont convaincus que la solution est de caractère juridique du fait que la Moudawana doit interdire formellement tout mariage de mineurs en biffant tout pouvoir discrétionnaire des juges à ce propos et le code pénal doit pouvoir sévir contre tout manquement à l'application de la loi. Le problème de fond reste certes la scolarisation, l'alphabétisation, le désenclavement, le développement durable. Dans l'introduction l'auteur rend hommage aux militants des droits de l'homme dans les régions reculés pour le travail de proximité inlassable qu'ils ne cessent de déployer notamment les militants des sections locales de l'AMDH et de la Fondation Ytto et précise que l'ouvrage leur est dédié en guise de reconnaissance et d'hommage.