De nombreux matériaux (pièces détachées, bois, fer, pneus, etc.) sont exposés journellement à la ferraille de Bensouda près du quartier industriel de la ville de Fès. Transformés par des ferrailleurs ou vendus à certains clients, le tout est exploitable. Se promener dans le quartier de Bensouda donne une image très différente de la capitale spirituelle : ici, pas de beaux immeubles de l'ère coloniale. Le quartier, composé d'immeubles de logements d'ouvriers serrés les uns contre les autres, accueille depuis des siècles les petits fonctionnaires et les émigrés. Depuis le 20ème siècle, la ferraille de Bensouda abrite l'un des importants chantiers de fer de la ville de Fès. De 8h du matin à 5h de l'après-midi, dans les grandes rues de la ferraille étalée sur une superficie de 40 hectares approximativement, avec un effectif employé de plus de 2000 personnes, des groupes de ferrailleurs – vingtenaires et jeunes quinquagénaires pour la plupart, portant jeans déchirés et noircis par la graisse (que l'on s'amuse à deviner la couleur originelle), pulls troués et baskets usées - se rassemblent devant les portes de leurs grands magasins, ils bavardent, ricanent et se taquinent comme des lycéens. Si un client passe en voiture ou à pieds, ils se mettent directement à sa poursuite en lui demandant : « lm alem khask chi biassa ? ». Préjugés. C'était un jour de soleil, de la boue et des petits flocons d'eaux d'anciennes pluies s'évaporaient au long de la route. Coups de marteau, aboiement de chiens errants, démarrage de voitures, bruits de fer à souder, prénoms criés par-ci par-là, ceci est un bouquet du quotidien de ces hommes solitaires. Contrairement à une idée toute faite, la ferraille ne blairait pas la fumée, la poussière ou les ordures ; un désordre bien ordonné. J'ai fais la connaissance de certains de ces hommes à l'entrée du « mahal ». A mon arrivée, je les ai trouvés debout contre une voiture. Ils regardaient les passants acheter des mandarines, étalées sur un carrosse à quatre roues. Abdelmoughit est l'un des plus jeunes ferrailleurs de ce groupe. Homme de couleur, petit de taille, habillé en jean, pull veste et Caterpillar jaune. Lorsqu'il parle, sa voix reflète de la force et de la confiance. Il tient ce commerce avec son frère ainé. La plupart des hommes présents ont la même origine : fassie. Le frère d'Abdelmoughit se tient en face de moi. Il est vêtu d'un vieux jean, pull en laine et jaquette noire malgré la chaleur. Il m'explique la nature de son travail. " Ici on vend les restes, les pièces de voitures de provenance étrangère ou marocaine. Il y a des pièces qui partent de Fès vers Casablanca ; où l'on fait fondre le fer pour d'autres usages". Abdelmoughit ajoute : " Pour les pièces détachées, on travaille avec des clients normaux et des petites entreprises. Toute personne à la recherche d'une pièce quelconque peut la trouver chez nous, et en ce qui concerne les entreprises, elles achètent souvent de grandes pièces comme les moteurs", notamment comme l'affirme une étude commandée par l'Association Marocaine de l'Industrie et de la Carrosserie Automobile (AMICA). «La clientèle est constituée de garagistes ou prescripteurs finaux et de particuliers. Les raisons de l'approvisionnement par ce canal sont le prix, mais également la disponibilité». Un mécanicien, en passant près de nous, s'est arrêté, ami des deux frères, sourire au visage - voulait savoir de quoi on discutait, Abdelmoughit l'introduisant comme un spécialiste du domaine et lui demanda d'avouer combien il gagne par jour : " Tu gagnes plus que nous ! 200 dirhams par jour, allez dit le ! " Le mécanicien sourit en me répondant : " Non, je ne gagne que 100 dirhams par jour, et mon métier c'est démonter les voiture en pièces et réparer ce qui doit être réparé ". Abdelmoughit, souriant à son tour, me dit qu'il est en train de mentir, et qu'il gagne plus de 100 balles. Petit zoom sur la ferraille «Tour .» Lorsqu'un client n'arrive pas à trouver une pièce de voiture, moto, ou machine, à la ferraille, il se dirige vers ceux qui exercent l'activité du «Tour ,»c'est-à-dire la reproduction identique d'une pièce par les ferrailleurs. Les barils et les grandes citernes où sont emmagasinés : colles, huiles, produits chimiques, olives ou chocolats liquides, constituent des matières premières pour les petites et moyennes entreprises qui les transforment ou les utilisent pour en faire des produits finis. Les grandes citernes blanches peuvent contenir jusqu'à une tonne de fluides et coûtent 1000 dirhams chacune. Bienvenue en En-Fer. Derrière une matière recyclée tout un travail de «transformers » a été fait. À l'heure où blanchit la campagne, certains parcourent la ville en camion. Ils cherchent les chantiers en attente, les immeubles destinés à la destruction, les décharges et les déchetteries. Nos «transformers » passent leurs journées à soulever, fouiller, trier, dézinguer, brûler, pour embouteiller leurs mines d'or rouillé à la ferraille. Un travail sans règles, mais une organisation spontanée et silencieuse. Ce n'est ni légal ni illégal, certains même emploient une main-d'œuvre infantile. Eux, ils en vivent, solides et débrouillards. Rien ne se perd, tout se transforme. Un monde mal connu où les déchets des uns sont les trésors des autres. Bois, pneus, matériaux de céramiques pour les salles de bains, débris de fer, bouts d'aluminium, câbles de cuivre ... Ramassés par des griffes d'acier, avalés, mâchés, digérés, tout est échangé contre du cash; c'est le cycle hallucinant de la ferraille.