Miné par le phénomène de la contrefaçon et de la contrebande, le marché de la pièce détachée de rechange qui pèse près de 7 milliards de DH, reste au cœur des préoccupations des professionnels de l'automobile. Les opérateurs automobiles tirent la sonnette d'alarme : le marché de la pièce détachée de contrefaçon gangrène de plus en plus le secteur formel de la pièce de rechange. Un secteur qui, selon les dernières estimations génère un chiffre d'affaires de 7 milliards de DH. «Nous sommes au cœur d'un véritable débat de société car la vie des usagers est en jeu», nous indique ce responsable qualité et service d'une grande enseigne d'importation automobile dans le Royaume. Et de poursuivre : «selon nos estimations, 20 à 30 % des pièces détachées qui circulent dans notre pays sont issus de la contrefaçon». Et pour cause : une voiture se compose d'environ 30.000 pièces, un vaste champ économique pour celui qui va s'intéresser à ce type de business. En effet, on estime à plus de 60 millions le nombre de pièces contrefaites qui sont saisies par les autorités des pays faisant partie de l'organisation mondiale de douanes. Ce qui représente près de 12% du chiffre d'affaires global du secteur automobile mondial, un enjeu qui attise bien des convoitises. Un système bien rôdé D'où provient cette marchandise ? Comment est-elle écoulée dans le Royaume ? Certaines réponses sont connues, comme la provenance de ces produits qui proviennent généralement de Turquie, d'Espagne, d'Italie, mais aussi des pays asiatiques tels Taïwan ou la Chine... Des produits qui ne répondraient pas aux normes marocaines dès lors qu'ils seraient saisis. Faut-il souligner que dans l'objectif d'améliorer la compétitivité de l'industrie du secteur automobile au Maroc, le Ministère de l'Industrie et du Commerce, en collaboration avec l'Amica a crée courant 2005 le Centre Technique des Industries des Equipements pour véhicules (CETIEV) avec l'appui de la commission européenne. Un organisme sollicité notamment, pour assurer la veille technologique et réglementaire de toutes pièces relatives à l'automobile et qui réalise via un matériel dernier cri des essais de conformité sur des composants automobiles. La question reste posée : comment de telles pièces, compte tenu de l'arsenal réglementaire et juridique mis en place par les autorités peuvent-elles être écoulées sur le marché. Qu'en est-il des procédures de contrôles au quotidien au sein de ces officines de revente dont certaines ont pignon sur rue ? «Vous savez, certaines cargaisons de ces pièces contrefaites proviennent de pays frontaliers», laisse entendre cet opérateur de pièce détachées. Toujours est-il que l'identité des malfaiteurs reste difficile à dévoiler. Ce genre importateurs peu scrupuleux font entrer ce type de marchandises en bonne et due forme, sans se soucier des répercussions de leurs actes. La contrefaçon tue ! Les risques sont évidemment connus pour le consommateur, premier dupe de ce commerce, dont celui de l'insécurité routière. «Les pièces les plus contrefaites sont des pièces d'usures qui ne restent pas en stock, des pièces de carrosserie, de filtration du genre filtre à gasoil» poursuit notre spécialiste qualité et service. Or l'attrait de ces pièces pour la majorité des consommateurs est avant tout le facteur prix. Selon les spécialistes automobiles, la majorité des automobilistes marocains entretiennent leur voiture essentiellement dans les petits garages. Est-ce à dire que les tarifs pratiqués par les importateurs automobiles sont trop chers ? « Résumer cette problématique à celle du prix est un peu réducteur, mais cela ne doit pas réduire le débat», nous explique ce directeur du SAV d'un importateur automobile. La ferraille, source de tous les maux ? Pour les opérateurs, les ferrailleurs favorisent à leur manière le phénomène de la contrefaçon et de la contrebande. «Comment arrivent-ils à proposer des prix aussi attractifs de pièces ?» nous lance ce revendeur de pièces de rechange. Et de préciser : «un moteur neuf de voiture japonaise peut valoir 100.000 DH alors qu'à la ferraille, il ne vous coûtera que 10.000 DH. Il est donc légitime de s'interroger sur les activités des ferrailleurs». La commercialisation de ces produits soulève alors une interrogation : pourquoi les services de douane ne font-ils pas le nécessaire pour arrêter ces produits contrefaits aux frontières ? L'ensemble des professionnels interviewés à ce sujet sont unanimes quant au rôle que ne joue pas l'administration. Ces mêmes services auraient-ils donc une responsabilité dans cette affaire ? Même s'ils essaient d'être les plus vigilants possible, force est de constater que des opérateurs arrivent à déjouer le règlement. «La traçabilité des produits pourrait également permettre de lutter contre le phénomène», selon ce revendeur de pièces détachées. Et de conclure : «elle permettrait de sécuriser et de contrôler les pièces, de la conception à l'assemblage final». Le chiffre 30.000 C'est environ le nombre de pièces contenues dans un véhicule. De quoi susciter bien des convoitises de la part des contrefacteurs.