Depuis plus de 30 ans, le Polisario et l'Algérie refusent systématiquement et de façon catégorique les sollicitations du Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) pour procéder au recensement des populations des camps de Tindouf (dans le Sud-Ouest de l'Algérie). Si le refus de l'Algérie, injustifiable, peut néanmoins s'expliquer facilement eu égard à l'état de ses relations avec le Maroc et par son besoin de propagande politique sur la question des séquestrés présents sur son sol, le refus du Polisario est, quant à lui, principalement motivé par les profits illégaux que les dirigeants du Front séparatiste opèrent grâce à une surestimation du nombre de séquestrés et, par voie de conséquence, à une aide humanitaire plus importante. C'est ce que révèlent Claude Moniquet, Président de l'ESISC (European Straegic Intelligence and Security Center) et Dimitri Dombret, chercheur associé à cette organisation, qui se réfèrent à un rapport confidentiel de l'Union Européenne dont ils ont « pu prendre connaissance ». La note du Centre européen fait référence à un récent rapport de l'ONG américaine US Committee for Refugees and Immigrant (USCRI) qui vient de dresser un « bilan catastrophique des conditions de vie des populations sahraouies » et a fait référence à des passages du rapport de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) de 2005 pour mettre en évidence le détournement de l'aide humanitaire par des responsables algériens et les membres du Polisario, en précisant que : « le nombre des bénéficiaires est inférieur à celui pour lequel l'assistance humanitaire est fournie par la communauté internationale ». C'est en 1976, peu après le retrait de l'Espagne du Sahara marocain et le déclenchement des affrontements liés à son contrôle, que les séquestrés sahraouis (considérés comme réfugiés) ont commencé à être acheminés en Algérie. La plupart d'entre eux vivent dans les camps de Tindouf depuis plus de 30 ans. Le recensement des réfugiés est une obligation statutaire du HCR, répétée à plusieurs reprises par des résolutions de l'Assemblée Générale des Nations Unies qui réaffirment aussi que : « c'est au pays d'accueil qu'il incombe au premier chef de préserver le caractère civil et humanitaire de l'asile (...) de veiller à ce que le caractère civil et humanitaire des camps des réfugiés ne soit pas compromis par la présence ou les activités d'éléments armés (...) de veiller à ce que les camps ne soient pas utilisés à des fins incompatibles avec leur caractère civil » et par des recommandations du Comité exécutif du HCR. En effet, l'enregistrement et le recensement sont des préalables à l'exercice du mandat du Haut Commissariat qui consiste à prodiguer l'aide humanitaire nécessaire aux populations dans le besoin. L'Algérie affiche depuis de longues années un mépris total face aux demandes réitérées du HCR puisqu'elle conditionne le recensement à un règlement global du conflit au Sahara. Or, en tant que « Etat d'accueil » des camps, les autorités d'Alger ont des obligations légales, politiques et morales vis-à-vis des populations sahraouies. Ces obligations incluent celles de faciliter l'exécution du mandat du HCR et de lui permettre d'assurer la protection des populations en l'autorisant à effectuer un enregistrement et un recensement de ces populations. En l'absence d'un recensement fiable, l'aide humanitaire ne se base sur aucune donnée vérifiable. Le dernier recensement officiel date de 1974, à l'époque où le territoire était sous colonie espagnole. Une chiffre, comme l'explique François Soudan dans Jeune Afrique : « à la fois sous-estimé, puisqu'il ne prenait pas en compte les nombreux Sahraouis en exil à l'époque, et surestimé, dans la mesure où des nomades venus de pays voisins (...) auraient été inclus dans l'opération ». En 1978, l'Algérie parle de 50.000 réfugiés dans un rapport remis au HCR. Dans les années 1980, le Polisario revendique 300.000 personnes alors que certaines ONG acquises à sa cause avancent le chiffre ahurissant de 700.000 réfugiés. Depuis le milieu des années 90, tant le Polisario que les autorités algériennes estiment la population sahraouie des camps à 165.000 personnes. En 2005, dans l'attente d'un recensement sérieux, le PAM (Programme Alimentaire Mondial) et le HCR ont décidé d'accorder leur assistance humanitaire à une population évaluée à 90.000 personnes. Or, selon différentes évaluations de la population effectuées par des experts en démographie sur bases d'images satellites ou encore sur base de témoignages de responsables du Polisario, le nombre de réfugiés se situerait entre 40.000 et 50.000. Le décalage entre la population réelle et la population estimée pose de nombreux problèmes : 1. Elle rend l'ajustement de l'aide impossible. Or, il est crucial de pouvoir fournir, notamment aux enfants en bas âge, une régime nutritionnel adapté. 2. Elle contribue à entretenir les trafics en tous genres et le détournement de l'aide humanitaire puisque le HCR ne dispose pas d'une présence permanente dans les camps de Tindouf et que, de façon générale, les visites « étrangères » dans les camps sont très largement limitées et contrôlées par l'Algérie. Les populations sahraouies sont, bien entendu, les premières victimes de ces pratiques de détournement de l'aide internationale, largement condamnées par différentes organisations internationales. Au premier chef, bien entendu, par le HCR mais aussi par le PAM et par l'ONG américaine US Committee for Refugees and Immigrant (USCRI) qui, dans un récent rapport, dresse un bilan catastrophique des conditions de vie des populations sahraouies L'USCRI fait également référence à des passages du rapport de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) de 2005 pour mettre en évidence le détournement de l'aide humanitaire par des responsables algériens et les membres du Polisario, en précisant que : « le nombre des bénéficiaires est inférieur à celui pour lequel l'assistance humanitaire est fournie par la Communauté internationale ». Le plus récent rapport de l'OLAF (2009) met en exergue la persistance, depuis le début du conflit, des mêmes problèmes : incertitude sur le nombre réel de réfugiés, absence d'enregistrement et de recensement, manque de transparence et de responsabilité du Croissant Rouge algérien et le déficit du monitoring. Mais il y a beaucoup plus grave. Pour cette enquête, l'OLAF a utilisé les moyens les plus sophistiqués, allant jusqu'à dissimuler des balises de géo-localisation dans des containers destinés au Polisario. A l'arrivée, les découvertes qui ont été faites valaient bien cet effort inédit : ainsi, une fois que l'aide humanitaire arrive à Oran, elle met en moyenne 48 jours ( !) pour être finalement acheminée aux camps de Tindouf alors qu'une grande partie des chargements ne parvient jamais aux populations sahraouies dans le besoin. Le rapport détaille comment le Croissant Rouge algérien est le premier bénéficiaire du détournement de l'aide, suivi par les dirigeants du Front Polisario qui profitent de cette manne financière pour acquérir des armes, mais aussi et surtout des biens immobiliers personnels aux Canaries ou en Espagne. Les enquêteurs de l'OLAF sont allés jusqu'à localiser avec précision les caches utilisées par les chefs du Polisario pour stocker l'aide détournée avant de la redistribuer sur les marchés sub-sahariens. Ils ont également identifié les responsables du Front Polisario coupables de ces détournements et ont retrouvé une partie des villas de luxe achetées dans le Sud de l'Europe. Ce rapport est le fruit d'une enquête longue de 6 mois menée à Bruxelles (auprès de l'ECHO, l'Office d'aide humanitaire de la Commission européenne), en Algérie, au Sahara marocain et dans d'autres pays de la région. Eu égard aux nombreuses violations du droit international et des règles européennes qu'il dénonce, le rapport, d'une vingtaine de pages, n'est accessible qu'à une poignée de hauts fonctionnaires européens sur le site Internet sécurisé de l'OLAF. Plusieurs députés européens ont tenté en vain de réclamer tantôt qu'il soit rendu public, tantôt un accès pour les membres des Commissions et Délégations concernées au Parlement européen. Ce refus peut malheureusement s'expliquer facilement. En effet, les plus hautes autorités européennes ont conscience des conséquences désastreuses qu'engendrait la publication du rapport sur les relations entre l'Europe et l'Algérie, cette dernière étant l'un des principaux fournisseurs de gaz et de pétrole de l'Union Européenne. Par ailleurs, comme il est de règle, une partie de l'aide humanitaire européenne est fournie sous forme de fonds devant servir à financer des achats sur place, donc en Algérie. Des achats sur lesquels les autorités d'Alger appliquent, illégalement, des taxes ! En d'autres mots, non seulement l'aide est détournée mais, de plus, l'Etat algérien récupère les taxes sur des biens achetés sur son territoire ! In fine, une part de l'argent des contribuables européens destiné à l'aide humanitaire sert donc à enrichir l'Etat algérien par le biais de son système fiscal. L'OLAF n'est pas le seul à mettre en évidence ces pratiques mafieuses, en totale contradiction avec le droit humanitaire. De nombreuses enquêtes diligentées par plusieurs ONG internationales ont, elles aussi, établi l'existence sur les marchés, notamment mauritanien et algérien, d'importantes quantités de vivres provenant de l'aide humanitaire internationale. La note de l'ESISC précise qu'en règle générale, 2 à 3% de l'aide humanitaire est systématiquement détournée. Dans le cas de l'aide européenne aux camps de Tindouf, il s'agit, selon le rapport, d'un détournement « massif », largement supérieur aux 2 à 3 % de référence. En février 2010, c'est l'Association sahraouie de défense des droits de l'Homme (ASADEH) qui condamnait le blocus imposé par le Polisario à la population dans les camps de Tinfouf. Le président d'ASADEH, Mesaud Ramdane, dénonçait « le détournement systématique par le Polisario des aides humanitaires adressées aux populations des camps de Tindouf » et pointait du doigt « le refus qu'oppose la direction du Polisario à tout recensement des populations dans les camps ». Mesaud Ramdane expliquait également « qu'il n'est pas dans l'intérêt du Polisario, qui reçoit ses ordres de l'Algérie, de procéder à un recensement des populations sahraouies des camps de Tindouf, car le Polisario gonfle le nombre de ces populations pour recevoir des aides humanitaires conséquentes ». La dernière session du Comité exécutif du HCR (28 septembre-2 octobre 2009) et la 47ème réunion du Comité Permanent du HCR (3 mars 2010) ont été l'occasion de longs débats sur la responsabilité de l'Algérie à l'égard des réfugiés sahraouis et sa totale démission envers eux. Le Maroc n'est pas le seul pays à s'inquiéter du non respect du droit international par son voisin et à réclamer de l'Algérie qu'elle s'acquitte de ses obligations statutaires. Des ONG, l'Union Européenne (la Commission – par l'intermédiaire de l'OLAF et des députés européens) s'y sont aussi intéressés et sont pour la plupart d'entre eux arrivés aux mêmes conclusions. Des députés européens qui rencontreront, le 28 avril prochain, António Guterres, le Haut Commissaire pour les Réfugiés des Nations unies (UNHCR) lors d'une réunion conjointe de la sous-commission Droits de l'Homme et de la Commission Libertés civiles, Justice et Affaires intérieures. Depuis plus de trente ans, la population sahraouie est instrumentalisée par le Polisario et par l'Algérie pour faire pression sur les instances internationales. Malheureusement, au contraire de l'Algérie qui conditionne le recensement de la population au règlement du conflit du Sahara, ni l'Europe, ni les Nations Unies ne peuvent se permettre de conditionner leur aide à la tenue d'un recensement. C'est, en effet, le seul outil qui permettrait, in fine, tant de continuer à répondre aux besoins des populations séquestrées que d'endiguer le détournement de l'aide.