A un jour d'intervalle, deux stars du cinéma italien nous ont quittées. Il s'agit du cinéaste Francisco Rosi et de l'actrice Anita Ekberg. Le premier était un réalisateur connu, qui a commencé sa carrière tout petit en assistant un grand cinéaste du nom de Luchino Visconti qui lui fournit ses premières armes. Devenu réalisateur lui-même, Rosi va imposer son propre style tout à l'opposé de celui de Visconti, aussi bien dans le fond que dans la forme. Visconti, ex-communiste, va réaliser un bon nombre de films à décortiquer la classe dont il est issu, celle de l'aristocratie italienne, avec ses styles de vie et ses extravagances. Rosi lui, va opter pour les problèmes sociaux qui rongent sa propre société comme principale thématique de ses films. Les cinéphiles du Maroc se souviendront de la programmation dans les ciné-clubs, durant les années 70, du film "Main basse sur la ville", film que réalisa Francisco Rosi sur les pouvoirs mafieux dans son pays, privilégiant les intérêts des affairistes à ceux d'une population en détresse. Taxé de film politique en pleine effervescence idéologique post-mai 68, Francisco Rosi va encore aller de l'avant avec "L'affaire Mattei", celui qui sera assassiné pour avoir pris trop d'engagement auprès des classes déshéritées aussi bien en Italie qu'ailleurs. Les Marocains lui sont redevables car, grâce à lui, la raffinerie de Mohammadia la "Samir", projet industriel co-édifié avec l'Italie, a vu le jour, construit dans la lancée d'une autonomie dont doivent bénéficier les pays du sud, selon les visions idéologiques d'avant-garde de Mattei, militant joignant la théorie à la pratique. Cependant, il n' y a pas que le film politique qui a intéressé Rosi. L'adaptation de "Carmen" va prouver son goût pour l'opéra populaire et avec lequel il va conquérir encore une fois le public et la critique. Ses films suivants de divers thèmes et tout aussi dénonciateurs, vont continuer à rallier les deux catégories de publics. Aussi connue que Rosi, sa compatriote Anita Ekberg, d'origine suédoise mais ayant choisi l'Italie comme pays d'adoption depuis les années 60. Son passage à Hollywood ne lui a presque rien apporté sur le plan de la carrière. Il a fallu "La dolce vita" de Federico Fellini pour qu'elle sorte de l'incognito et vite propulsée star européenne. Bien que le film ne va pas faire l'unanimité au festival de Cannes, la participation d'Anita Ekberg dans ce film va devenir légendaire surtout grâce de cette séquence en compagnie de Marcello Mastroiani sous les eaux d'une fontaine et en pleine nuit, séquence reproduite et plagiée dans plus d'un film notamment dans "Casablanca by night" de Mustapha Derkaoui, en guise de clin d'œil au cinéaste italien. Nonchalante, indifférente, spontanée, belle et dénudée sous les eaux limpides de la fontaine, Ekberg procurait délibérément du rêve au public. Le cinéma n'est-il pas une grande machine à rêves?