C'est une œuvre d'art en guise de procès, commente si bien le docteur Moulay Ahmed Idrissi, qui connait parfaitement l'homme et son œuvre. Car, entre soumission et dénonciation, l'élu et militant politique Mohamed Yahi choisit sans détours de raconter, sous forme de fidèle et sincère autobiographie, ce que furent, et sont peut-être, ces péripéties électorales qui ont tant marqué la scène politique marocaine. Son ouvrage, « Péripéties électorales » se lit comme une aventure d'un homme en campagne... et en colère. *Les événements que vous évoquez se déroulent dans les années 70 Pourquoi vous nous délivrez aujourd'hui ces sulfureuses « péripéties »? -Mohamed YAHI : Dans les années soixante-dix, j'ai évoqué avec détail l'événement de ma candidature aux élections suite à un entêtement, événement qui s'est soldé par un procès pour une mise en cause imaginée et fabriquée de toutes pièces par l'autorité locale. C'est grâce à l'équité d'un magistrat que j'ai du échapper à une condamnation certaine. Ensuite, le gouverneur de l'époque, avec lequel j'ai eu un entretien franc et sincère, m'a convaincu que le temps n'était pas encore à la démocratie et m'a conseillé de m'écarter de la galère politique. C'est ce que j'ai fait, pour ne reprendre l'expérience que vingt deux ans plus tard, en 1997, expérience que j'ai longtemps évoquée dans mon récit. *C'est un véritable pamphlet autobiographique contre la corruption et les falsifications des élections et le détournement de la volonté du peuple. Comment expliquez-vous que rares d'élus réagissent comme vous l'avez fait, avec tant de virulence? -Chacun réagit à sa manière. Beaucoup sont ceux qui dénoncent les irrégularités des élections, mais souvent les partis interviennent pour noyer le poussin dans l'œuf ! Une compromission n'est pas à exclure. Rares sont les partis qui ne font pas le jeu du système. *Est-ce pour vous un "exercice osé" que de dénoncer la corruption et le népotisme au Maroc? -Je ne pense pas que c'est un exercice osé de dénoncer la corruption et le népotisme. L'usage du phénomène généralisé pousse à la résignation. On s'habitue. On se tait par accoutumance. *Vous assurez que l'achat des voix, entre autres « achats », est devenu usuel et organique au Maroc. Est-ce une tare qui continue, qui continuera de sévir? -L'achat des voix est non seulement devenu usuel et organique, mais devenu malheureusement un mal incurable. Tous les moyens testés pour juguler ce fléau n'ont pas abouti et n'aboutiront jamais. C'est une question de conviction et de maturité politique qui fait défaut. Il faudrait beaucoup d'efforts et une prise de conscience chez les citoyens pour espérer des élections authentiques. Seuls les militants des partis où l'encadrement demeure de mise échappent à la tentation et aux délices de la corruption. *Actualité oblige, comment percevez-vous les prochaines élections, annoncées comme crucial ? -Il y aurait surement une petite amélioration, mais l'usage de l'argent continuera tant qu'il n'y a pas une volonté politique contraignante. L'investissement de sa Majesté le roi serait salutaire à mon avis. On s'y attend.