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Entretien avec Caroline Apers, Juriste à l'Association pour le droit des étrangers située à Bruxelles : Code de la Famille en migration : Quelle évaluation après 10 ans de pratiques judiciaires
L'Association Marocaine d'Etudes et de Recherche sur les Migrations a organisé fin novembre, en partenariat avec la Faculté des sciences économiques, juridiques et sociales, un séminaire international sur le Code de la Famille en migration. Le colloque a réuni plusieurs juristes, avocats et experts nationaux et internationaux en matière de droit familial. Parmi les intervenants, Caroline Apers, Juriste, Point d'Appui DIP Familial, Association pour le droit des étrangers (ADDE) située à Bruxelles. Le débat a porté sur « La vie familiale des ressortissants marocains en Belgique face aux pratiques administratives ». A propos de l'association... L'association pour le droit des étrangers, située à Bruxelles, dispense des conseils juridiques sur les questions d'accès au territoire et de droit de séjour en Belgique mais également sur les questions de droit familial international. Elle reçoit beaucoup de ressortissants marocains vivant en Belgique qui ont des questions familiales comportant forcément un élément d'extranéité. Quelles sont les difficultés que rencontrent ces femmes marocaines au niveau juridique, en termes d'ambigüité entre la loi marocaine et la loi belge ? En premier lieu, ce sont des difficultés de cultures juridiques différentes qui font qu'il y ait une certaine tendance des autorités belges de faire appel à la question d'ordre public pour écarter l'application, dans certains cas, de droit marocain. Cela est dû au fait que le statut personnel des étrangers est souvent réglé par le droit national, même si de plus en plus, on fait référence au droit de la résidence actuelle. Au-delà de ces questions d'ordre public, il y a des difficultés qui résultent de la méconnaissance du droit marocain à appliquer par des administrations belges, lesquelles ne sont pas, à la base, spécialement des juristes sociaux. Mais aussi de la pratique juridique qui peut être différente, essentiellement au niveau des actes de divorces. Catégoriser et qualifier un divorce est une grande problématique pour nous, il y a une confusion entre les actes de divorce dans le droit marocain. Au Maroc, il y a plusieurs procédures de divorces, et le divorce sous contrôle judiciaire est une procédure qui n'est pas reconnue en Belgique pour des raisons égalitaires, c'est une procédure judiciaire qui n'est accessible qu'à l'homme. Par principe, au niveau de l'ordre public, ce type de divorce n'aura pas d'effet en Belgique. Il est assez difficile pour une autorité administrative belge de distinguer ce divorce par rapport à un autre divorce accepté comme le divorce par consentement mutuel ou le divorce moyennant compensation. La conséquence, c'est que parfois, on va faire passer un divorce par consentement mutuel pour un divorce moyennant compensation et du coup refuser la dissolution du mariage et empêcher ainsi la constitution d'une vie familiale future. Est-ce qu'il y a des cas de mariage de mineures ? En droit belge, Il y a une disposition du droit de l'état civil qui permet à une mineure de se marier sur autorisation du tribunal. Il ne faut pas nécessairement le consentement des parents, même si à la base, ce sont les parents qui font cette demande. Si les parents ne sont pas d'accord, le mineur peut lui aussi faire la demande pour des raisons impérieuses et le juge peut accorder une dispense d'âge. En tout cas, on contrôle ces motifs sur lesquels s'est basée cette autorisation. Cet acte est assez rare et la jurisprudence ne descend pas au dessous de 16 ans. En droit marocain, je sais qu'il y a aussi cette possibilité sur autorisation du tribunal et le consentement des parents. Quelles sont les procédures en Belgique en cas de polygamie et regroupement familial ? Pour ce qui est de la polygamie et en cas de regroupement familial, au niveau de l'ordre public, il n'y a pas de possibilité de faire venir sa seconde épouse. Dans tous les cas, un mariage polygamique ne pourra jamais être contracté en Belgique. Si parfois il y a des mariages qui se font de manière polygamique, c'est que les autorités belges ne sont pas au courant que la personne est déjà mariée dans son pays d'origine. Le second mariage sera annulé. Par contre, pour un mariage polygamique célébré à l'étranger, si le lien matrimonial n'est pas reconnu officiellement, il y a certains effets de ce mariage qui pourraient éventuellement être reconnus. C'est ce qu'on appelle les faits atténués de l'ordre public. Par exemple, on pourrait très bien, dans certains cas, reconnaitre le lien de filiation de l'enfant né dans le cas de ce mariage polygamique. Il y a également des effets atténués en matière de pension. En matière de droits sociaux pour la seconde épouse, la pension de veuve va être divisée en deux. Qu'est ce que vous attendez de ce colloque ? M'informer sur le droit marocain. Je me rends compte qu'on applique le droit marocain en se basant sur la lecture de la Moudawana, qui est tout un volet et une dimension pratique inhérente à toute application de droit qu'on ne connait pas. La lecture des dispositions du code de la famille marocain se fait sous le prisme de notre connaissance et de notre pratique juridiques du droit belge. L'interprétation peut parfois être erronée. A titre d'exemple, on a tendance à considérer en Belgique que le droit marocain ne permet pas d'établir une filiation hors mariage. Ce sont des cas très spécifiques rencontrés au cours de notre travail, toujours liés à un mariage, dans le cas des fiançailles... On se rend compte qu'au Maroc, il est possible de faire d'abord l'aveu du père, en dehors de tout contexte matrimonial. En Belgique, on a tendance, quand on a une reconnaissance de paternité demandée par un ressortissant marocain, à l'écarter parce qu'on dit que le droit marocain ne permet pas d'établir la filiation hors mariage.