L'action publique -ensemble de politiques publiques- a évolué au fil du temps à travers les différents systèmes politiques et économiques. D'une action publique unilatérale, monopolisante, planifiée et réductrice des risques... elle a évolué vers une action pluraliste, ouverte, participative, partenariale, concertative, souple, adaptable, plus conjoncturelle et fluctuante au gré des aléas économiques, financiers, politiques et sociaux. La crise économique et financière de 2008 continue aujourd'hui d'infliger des conséquences économiques et sociales générant un chômage de masse (y compris pour des fonctionnaires), des pertes de salaires et de pensions. Alors que le monde reste fixé sur l'austérité dans les économies à revenus élevés, les pays en développement ont mis en œuvre chez eux de vastes mesures d'austérité. En conséquence, ces économies en développement sont contraintes de réduire les dépenses publiques, annuler des subventions, y compris sur les denrées alimentaires et le carburant (cas du Maroc), rechercher d'autres mesures de réduction budgétaires, comme les augmentations d'impôts sur les biens et services de base consommés par les pauvres, ce qui peut continuer à contracter l'activité économique. Ces réformes pourraient avoir des conséquences graves et l'agitation sociale augmente à mesure que les gens perdent leur confiance envers les gouvernements et les institutions publiques. Ces bouleversements socio-économiques, ajoutés au bouillonnement politique et aux menaces extérieures, démontrent la complexité de nos systèmes politiques actuels dans le sens d'une «criticalité auto-organisée» les rendant dans une situation de fragilité et les forcent à s'armer de reformes en vue de développer une Résilience aux différentes secousses qui les menacent, se préparer pour rebondir aux chocs et traumatismes (éco socio polit securit...) et être capable de revenir sur la trajectoire de croissance pour un développement social économique humain. Au Maroc, la révolution Constitutionnelle de juillet 2011 a consolidé le processus de démocratisation et d'ouverture opèré au cours de la dernière décennie et a profondément transformé les choix politiques et les mécanismes de prise de décision vers une plus grande participation des acteurs politiques et sociaux et le développement de nouveaux processus de décision. Le consensus des acteurs autour des principaux fondements politiques est maintenant un préalable pour les choix qui engagent le pays à long terme. Toutefois, si le pluralisme permet un équilibre entre les pouvoirs, l'administration publique marocaine, quant à elle, demeure centralisée ; elle transfère très peu de pouvoirs au niveau territorial avec la prédominance des représentants de l'État au niveau régional et provincial. Dans ce domaine, les rôles doivent être mieux clarifiés et renforcés dans le sens d'une plus grande proximité du citoyen et le passage d'un système fermé vers un système réellement libéral et ouvert avec un renouvellement de l'ancienne génération de dirigeants par une autre. Une nouvelle génération de dirigeants ayant une culture du service public tournée vers le citoyen-usager se préoccupant de l'amélioration de sa qualité et de l'ouverture vers l'ensemble des acteurs sociaux économiques. Ce passage, malgré sa douceur, ne sera pas effectué sans douleur. Il sera accompagné d'une perte des certitudes qui étaient propres au système fermé et l'instauration de sentiment d'incertitudes d'insatisfaction propre au système libéral ouvert. La transition et l'ouverture démocratiques du système politique marocain l'exposent naturellement à un certain nombre de risques en raison du fait qu'il met l'individu au centre d'intérêt et donc le responsabilise, offre toutes sortes d'opportunités. Mais en même temps, il lui ôte les garanties et les prises en charge assurées autrefois par l'État. C'est ce qui crée un sentiment de perte de repères. Sentiment, somme toute normal pour un être qui atteint sa maturité, commence à assumer ses responsabilités et à la place de qui on ne décide plus. Au plan économique, le Maroc est un pays à revenu moyen. Le PIB au Maroc est de 100,22 milliards dollars américains à prix courants en 2012, avec un revenu moyen par tête d'habitant de près de 5 000 $US en 2012. Le Maroc est classé parmi les pays à revenu intermédiaire tranche inférieure. La politique d'ajustement structurel initiée à partir de 1983 n'a pas modifié les structures de production et les performances de l'économie demeurent encore largement tributaires de l'agriculture. La libéralisation du commerce extérieur a permis un accroissement de la contribution des exportations à la croissance. Tel qu'il est mesuré par le ratio «Exportations FOB/PIB». Le Maroc est intégré à l'économie mondiale davantage par les importations que par les exportations. Par ailleurs, s'agissant de l'investissement, on relève une hausse significative du taux d'investissement depuis une dizaine d'années. L'amélioration juridique de l'environnement des affaires a permis une reprise notable. En dépit des nombreuses contraintes que connaît l'économie marocaine pour des causes tant structurelles que conjoncturelles, le gouvernement a multiplié les initiatives tendant à relancer la croissance par une politique d'incitation et d'encouragement à l'investissement, notamment à travers l'amélioration de l'environnement des affaires. Parmi ces mesures, il convient de citer la réforme de la réglementation des marchés publics, l'adoption de la Charte de la petite et moyenne entreprise, la mise en place des Centres régionaux d'investissement (guichets uniques pour les investisseurs), l'adoption du cadre réglementaire favorable au développement des investissements qui profite à l'ensemble des PME pour l'accès au financement à travers la mise en place d'un environnement incitatif pour le développement du capital-risque ; la création de Fonds de garantie et de cautionnement mutuel, la création de Fonds collectifs et de sociétés d'investissement en capital ainsi que la constitution d'organismes de crédit mutuel et coopératif et la révision de la loi relative aux crédits jeunes promoteurs. Toutefois, le Maroc, comme la plupart des pays de la région MENA, est menacé par plusieurs incertitudes et défis qui constituent des risques baissiers pour la croissance à court terme. La persistance de la crise en Europe accentuerait la baisse des recettes du tourisme, qui représentent une part importante des recettes en devises. La hausse du coût du capital se traduira par une déprime de l'investissement, limitant ainsi les perspectives de croissance. Le fléchissement éventuel des entrées d'investissements directs étrangers et l'augmentation des sorties de capitaux à court terme sont susceptibles d'exercer des pressions à la baisse sur les taux de change. Le Maroc ne disposant pas de ressources énergétiques et ayant une économie dépendant de l'agriculture et des aléas climatiques avec un taux important de pauvreté, a misé sur la bonne gouvernance, a su gérer sa complexité en amortissant les secousses en amont au moyen de réformes anticipées ce qui lui a évité les avalanches, a maintenu sa durabilité et prouvé sa solidité. Toujours est-il que le Maroc ne disposant pas de rente issue de ressources énergétiques (ni pétrole ni gaz) souffre du manque de ressources financières pour financer son développement. Pour dépasser cette contrainte financière, le Maroc a opté pour les grands défis en matière d'équipement du pays en mobilisant les partenariats internationaux et en levant des fonds sur la base de projets structurants bien conçus. Parallèlement à l'investissement en l'humain en adoptant une approche participative. Il a prouvé par là même que le développement d'un pays n'est pas tributaire uniquement d'une manne financière...mais d'un certain type de gouvernance qui anticipe de manière rationnelle, réagit dans l'urgence et développe le bon geste au bon moment. Ce nouveau cadre de l'action publique a donné lieu a une Gouvernance que je qualifierai de «Gouvernance conjoncturée» que les pouvoirs publics ont été contraint d'adopter face à l'urgence, sous le poids et la pression des événements...et ce dans le but de développer une sorte d'anticorps» indispensable à la survie et à la continuité du système face aux «virus» et «traumatismes» de toutes sortes auxquels il se trouve exposé. * Professeur, Université Hassan II, Casablanca. FSJESAS.