L'attente est à la mesure des dévastations infligées par les bombardements israéliens. Un mois et demi après le cessez-le-feu, la communauté internationale se réunissait hier dimanche au Caire afin de parrainer la reconstruction de la bande de Gaza. L'Autorité palestinienne, chargée de piloter le processus, dit avoir besoin de 4 milliards de dollars (environ 3,2 milliards d'euros) sur trois ans. Mais la moisson s'annonce laborieuse, tant les grands donateurs semblent las de financer la remise en état de l'enclave après chaque campagne militaire. Conscients de ces réticences, les principaux acteurs de la reconstruction vont tenter de tracer des perspectives d'avenir. Au-delà de l'urgence, qui consiste à rebâtir les 18.000 maisons et les 26 écoles totalement détruites, chacun sent en effet que le développement de ce territoire surpeuplé est une condition nécessaire au rétablissement durable du calme. Sur 1,6 milliard d'aides réclamées par l'agence des Nations unies en charge des réfugiés palestiniens (Unwra), le tiers sera ainsi consacré au développement de l'enclave à long terme. «L'avenir de Gaza ne peut plus être défini par l'instabilité et la pauvreté que génèrent le blocus, observe Pierre Krähenbühl, le chef de cette structure. Il est temps que la communauté internationale dépasse le stade de la seule action humanitaire pour s'attaquer aux causes réelles de la crise.» 100.000 Palestiniens sans abri Quelque 100.000 Palestiniens se retrouvent sans abri dans cette bande de territoire exigu et surpeuplé, où 45% de la population active et 63% des jeunes étaient au chômage avant même cette guerre, dernier avatar d'une crise israélo-palestinienne qui dure depuis près de sept décennies. Et l'argent promis lors d'une précédente conférence internationale de reconstruction de Gaza, en 2009, n'était en partie jamais arrivé ou n'avait pas contribué à améliorer sensiblement la vie des Gazaouïs. Priorité à la construction de logements L'Autorité palestinienne a présenté un projet de reconstruction de Gaza de 76 pages, pour un montant de 4 milliards de dollars dont la plus grande partie est affectée à la construction de logements. Infrastructures et entreprises ont été endommagées alors que l'électricité et l'eau manquent dans ce territoire qui reste sous blocus israélien et égyptien. Le PIB devrait diminuer de 20% au cours des neuf premiers mois de 2014 par rapport à 2013. Une stabilité politique indispensable La reconstruction devrait donc prendre de longues années. Mais, si le besoin d'argent est énorme, les motifs de réticence sont considérables. La conférence pourrait produire un chiffre de promesses élevé, mais «un certain pessimisme est de rigueur, les gens en ont assez de payer sans horizon politique», affirmait récemment un diplomate sous couvert d'anonymat. Les Etats-Unis sont les seuls pour le moment à avoir pris un engagement pour verser 118 millions de dollars mais l'Europe et les pays arabes devraient aussi promettre des sommes importantes. Une grande partie de la communauté internationale espère pouvoir miser à terme sur plus de stabilité politique à Gaza avec la réconciliation récente entre l'Autorité palestinienne, dominée par le parti nationaliste Fatah de Mahmoud Abbas, et le Hamas, qui contrôle la petite enclave coincée entre l'Egypte et Israël, mais est considéré comme un mouvement terroriste par Israël, les Etats-Unis et certains pays européens. Le gouvernement d'union palestinien s'est réuni dans la bande de Gaza jeudi pour la première fois depuis sa formation en juin, après des années de déchirements entre Hamas et Fatah. Il s'agit d'envoyer aux donateurs un message clair: l'argent destiné à la reconstruction sera bien utilisé par une autorité composée de personnalités indépendantes. Et Ban Ki-moon a prévenu: il n'y aura pas de solution durable aux problèmes de Gaza sans règlement global entre Palestiniens et Israéliens. Sur le terrain, les bonnes intentions risquent cependant de buter sur l'absence de solution politique. Malgré l'engagement pris par les deux parties de mener rapidement des négociations sur la levée du blocus, l'unique point de passage reste pour l'heure hermétiquement fermé aux matériaux de construction et les travaux n'ont pas débuté. Cherchant à obtenir une amélioration à court terme, le coordinateur de l'ONU pour le processus de paix, Robert Serry, a certes convaincu le gouvernement israélien et l'Autorité palestinienne de ratifier un «mécanisme de reconstruction» censé entrer en vigueur prochainement. Mais ce dispositif, qui permettra à l'État hébreu de surveiller l'usage des matériaux de construction entrant à Gaza, fait l'objet de nombreuses critiques. Les stratèges israéliens craignent que le ciment, le béton et les barres d'acier soient détournés à des fins militaires. Ils ont obtenu un droit de veto sur chaque chantier ainsi qu'un accès illimité à une base de données qui répertoriera l'ensemble des acteurs - propriétaires, commerçants ou industriels - impliqués dans le processus. Il est urgent de la simplifier», déplore le représentant d'une des principales ONG internationales, qui prédit: «S'il est appliqué, il ne faudra pas trois ans, mais plusieurs décennies pour reconstruire Gaza». Ajmad Shawa, responsable d'une fédération de 65 ONG gazaouies, s'interroge pour sa part: «Comment l'ONU, gardienne de la légalité internationale, peut-elle cautionner un mécanisme qui perpétue le siège illégal de Gaza et place les besoins sécuritaires d'Israël au-dessus de la reconstruction?» Gaza n'aura peut-être pas les milliards pour sa reconstruction Les Etats-Unis craignent que la conférence des donateurs pour la reconstruction de Gaza ne puisse réunir les quatre milliards de dollars demandés par les Palestiniens pour reconstruire l'enclave en grande partie détruite cet été par 50 jours de conflit entre Israël et le Hamas. «Il faut dire qu'il y a d'importantes questions soulevées par les donateurs», a déclaré un responsable du département d'Etat, ajoutant que ceux-ci ne voulaient pas se retrouver à la même table dans «un an ou deux» dans le même but. La dernière offensive israélienne contre Gaza visait à faire cesser les tirs de roquettes du Hamas en direction d'Israël. Le conflit, qui a commencé début juillet, a fait plus de 2.100 morts chez les Palestiniens. Il y aura des «contributions significatives» au Caire, a dit le responsable américain, surtout de la part des Etats arabes du Golfe, mais, a-t-il ajouté, «je ne sais pas si quelqu'un pense que nous allons obtenir quatre milliards ou si nous avons besoin de ce genre de promesses tout de suite.» Le Premier ministre palestinien, Rami al Hamdallah, a chiffré le coût de la reconstruction des infrastructures et des 18.000 logements détruits à Gaza à environ quatre milliards de dollars (plus de trois milliards d'euros) sur trois ans. L'Autorité palestinienne espère que le nouveau gouvernement d'unité nationale qui va prendre le contrôle de l'enclave méditerranéenne administrée de fait par le Hamas depuis 2007 sera de nature à rassurer les investisseurs.