Avec 7,4 milliards de dollars (environ 5,14 milliards d'euros) promis au lieu des 5,6 demandés par l'Autorité palestinienne, la Conférence des donateurs pour l'Etat palestinien, qui s'est tenue hier à Paris, est un succès. Mais l'aide promise reste à confirmer et elle ne remplacera pas un processus politique pour l'instant à l'arrêt. Quels objectifs ? La Conférence des donateurs pour l'Etat palestinien est présentée comme le volet économique de la réunion d'Annapolis du 27 novembre aux Etats-Unis, qui s'était fixée pour objectif la création d'un Etat palestinien d'ici fin 2008. L'argent récolté, qui répond à un ambitieux «plan de réformes et de développement», présenté par le Premier ministre palestinien, Salam Fayyad, connu pour son sérieux et sa probité, est destiné à combler le déficit budgétaire de l'Autorité palestinienne et à lancer des projets d'infrastructures et de développement pour les trois années à venir. Les deux tiers de la somme promise serviront à payer les fonctionnaires et à équilibrer les comptes du budget, qui ont plongé dans le rouge depuis l'imposition d'un blocus par Israël dans la foulée de la victoire électorale du Hamas, en janvier 2006. L'essentiel de cette aide est donc destiné à faire face à l'urgence et éviter une explosion sociale, plutôt qu'à poser les bases d'un futur Etat. Quels bénéficiaires ? L'aide annoncée n'est pas sélective : elle est censée profiter aux Palestiniens de Gaza comme à ceux de Cisjordanie, qui vivent désormais sous deux tutelles politiques antagonistes. Mais la division entre le Fatah - qui contrôle la Cisjordanie, où siège l'Autorité palestinienne reconnue par Israël et la communauté internationale - et le Hamas, qui règne sur la bande de Gaza, n'est pas sans poser de problèmes : seuls les fonctionnaires refusant de servir le Hamas pourront être payés dans la bande de Gaza, où la population est le plus durement affectée par le blocus israélien. Deux tiers des habitants y sont désormais dépendants de l'aide alimentaire des Nations unies et des ONG qui y travaillent. Malgré une nette augmentation de l'aide internationale depuis 2006, le revenu des Palestiniens a chuté de 10 % en moyenne. Dans ces conditions, cette conférence, la plus importante depuis 1996, risque de se résumer au mythe du tonneau des Danaïdes. Quels obstacles ? Malgré le volontarisme affiché à Annapolis, le climat est peu propice à une reprise du processus de paix. Une quarantaine de Palestiniens ont été tués par l'armée israélienne, ces trois dernières semaines, surtout à Gaza. Tsahal s'est déclaré prêt à envahir à nouveau la bande de Gaza pour mettre fin aux tirs de roquettes. En outre, le gouvernement israélien a annoncé, la semaine dernière, la mise en chantier de plus de 300 logements dans la colonie de Har Homa, à Jérusalem-Est. Enfin, la première de la série de réunions - censées se tenir au rythme de deux par mois - entre dirigeants israéliens et palestiniens s'est soldée par un dialogue de sourds : Mahmoud Abbas a demandé un gel de la colonisation et Ehud Olmert a réclamé en retour un démantèlement des organisations terroristes palestiniennes, dont le Hamas. On est revenu à la feuille de route morte-née de 2003. A la différence que la situation a nettement empiré. La Banque mondiale souligne aussi l'inanité d'une aide économique aux Palestiniens sans levée des 550 barrages israéliens en Cisjordanie, qui asphyxient littéralement l'économie locale. Même le Comité international de la Croix-Rouge, ordinairement discret, a demandé des «mesures politiques immédiates» pour mettre fin à la prise en «otage» de la population. Il y a une certaine contradiction à prétendre préparer la construction d'un Etat palestinien après avoir laissé Israël détruire, pendant l'Intifada, la plupart des infrastructures, construites dans les années 90, sans dire un mot.