Des députés rivaux du Parlement libyen ont tenu lundi une première réunion d'un dialogue politique, initié par l'ONU et qu'ils se sont engagés à poursuivre en vue de mettre fin aux violences et à l'anarchie institutionelle. L'ONU a salué une rencontre «positive», qui s'est achevée sur un appel au cessez-le-feu dans tout le pays et devait être suivie d'autres réunions après la fête de l'Adha. Le nouveau Parlement, issu des élections du 25 juin et dominé par les anti-islamistes, est reconnu par la communauté internationale mais est contesté par les milices de Fajr Libya qui contrôlent Tripoli depuis août. Des élus, dont certains soutiennent ces milices, boycottent les travaux du Parlement qui se voit contraint de siéger à Tobrouk, à 1.600 km à l'est de Tripoli, pour échapper à la pression des milices. Le chef de la mission de l'ONU, Bernardino Leon, est parvenu, à l'issue de discussions marathoniennes qui s'étaient poursuivies jusqu'à dimanche soir, à convaincre des élus des deux camps de s'asseoir à la table du dialogue. La réunion de lundi a duré moins de deux heures et n'a abouti à aucun accord concret, mais M. Leon a salué une rencontre de «très constructive et très positive». «Nous nous sommes mis d'accord pour entamer un processus politique et aborder pacifiquement tous les problèmes», a-t-il dit, ajoutant que la réunion a été conclue par un «appel des parties présentes à un cessez-le-feu complet» en Libye. M. Leon a indiqué que de nouvelles réunions de dialogue doivent avoir lieu après la fête musulmane de l'Adha célébrée à partir de vendredi en Libye, sans préciser de date. Des représentants des gouvernements de Grande-Bretagne et de Malte ont assisté à la réunion qui s'est tenue à huis-clos. Lundi dernier, l'UNSMIL avait précisé que le dialogue serait fondé essentiellement sur la «légitimité des institutions élues», en l'occurrence la Chambre des représentants et sur le rejet du terrorisme. Selon l'UNSMIL, le dialogue doit aboutir à un accord sur le règlement intérieur du Parlement et sur un lieu et une date pour la passation du pouvoir entre le Congrès général national (CGN, le Parlement sortant) et le nouveau Parlement, un des points de discorde entre les deux camps. Dialogue de sourds ? Depuis la chute du régime Kadhafi en 2011 à l'issue d'un conflit de huit mois, les différentes milices l'ayant combattu font la loi dans un pays plongé dans le chaos et où aucune autorité n'a réussi à rétablir l'ordre. Outre les violences qui ponctuent leur quotidien depuis la chute il y a trois ans de Mouammar Kadhafi, les Libyens font face ainsi à une situation inédite: deux Parlements et deux gouvernements, compliquant encore un peu plus la difficile transition politique. Fajr Libya avait pris le contrôle de Tripoli après avoir conquis fin août l'aéroport aux dépens des milices pro-gouvernementales de la ville de Zenten (au sud-ouest de la capitale). Forte de son succès militaire, Fajr Libya a formé un gouvernement parallèle à Tripoli, tandis que le CGN dont le mandat a expiré théoriquement avec l'élection du nouveau Parlement, a repris ses travaux, compliquant d'avantage la situation. Après Tripoli, Fajr Libya a élargi ses opérations militaires à l'ouest de la capitale, dans la région de Ouercheffana alliée des Zentanis, et accusée d'abriter des fidèles de l'ancien régime. Théâtre de violences quotidiennes, la deuxième ville du pays Benghazi (est) est tombée depuis par ailleurs entre les mains depuis juillet de milices islamistes, dont Ansar Asharia, un groupe jihadiste classé organisation terroriste par Washington. Or, pour certains observateurs, un accord sur une fin des violences a peu de chance d'aboutir, sans notamment la participation au débat de ces autres milices. Le nouveau Parlement et le gouvernement d'Abdallah al-Theni sont accusés par la coalition Fajr Libya de «traîtrise» et d'avoir été complices, lors des combats pour le contrôle de l'aéroport de Tripoli, des raids aériens menés, selon eux, par les Emirats arabes unis, avec le soutien de l'Egypte, contre leurs combattants. Le nouveau Parlement, quant à lui, n'a cessé de dénoncer les «exactions» des miliciens de Fajr Libya, n'hésitant pas à les qualifier de «groupe terroriste», comme Ansar Asharia.