Notre école est devenue au centre de nos principales préoccupations quotidiennes, tellement un sentiment de désolation envenime les esprits et risquerait même de pencher dangereusement vers l'alarmisme. Qu'on le veuille ou non, les dysfonctionnements surtout structurels sont grands pour ne pas dire graves et les slogans « école pour tous » et « école de la réussite » risquent malheureusement de noyer dans l'imbroglio. A cet effet, l'opinion publique nationale, notamment les parents d'élèves et les enseignants, continue d'appeler à des options stratégiques moins ambiguës et plus réalistes afin de dépasser le discours de crise car il serait illusoire de compter sur les seuls documents de réformes, conçus, eux aussi, selon une logique linéaire et descendante alors qu'un système efficace est surtout un système qui accepte, qui propose, qui prévoit d'être évalué et qui s'engage à rendre compte de ses performances, mais aussi et surtout de ses carences. Il faut donc œuvrer dans le sens d'un retour de confiance puisque la dynamique déclenchée sur fond d'une approche participative marque déjà un aller en avant dans les principaux chantiers de réforme, notamment l'éradication de toutes les susceptibilités qui nuisent au processus éducatif et entre autres ce fléau des heures supplémentaires qui crée un véritable débat au sein des familles surtout les plus indigentes. En effet, à peine l'année scolaire entamée, nos élèves sont sollicités ou même harcelés pour faire des heures supplémentaires de soutien, ou de rattrapage, ou de consolidation, ou de tout ce que vous voulez, ou de tout ce que vous ne voulez pas, ou tout simplement de tout ce que vous ne comprendrez jamais. Mais dans tous les cas, ce sont des heures supplémentaires c'est-à-dire secondaires, subsidiaires, circonstancielles, annexes et donc censées répondre à un déficit. Le phénomène des cours de soutien payants est donc un marché qui investit les rouages de notre enseignement, dans le formel et l'informel, en parallèle à l'école publique. En effet, nous constatons, d'année en année, une prolifération de ce genre de prestations, de façon quasi informelle et en l'absence de structures, ces cours sont souvent assurés par les mêmes professeurs du public, soit dans les locaux du privé, au rez-de-chaussée ou dans une chambre ou même salle de bains aménagés pour les circonstances, au café du coin ou encore dans les locaux d'une association quelconque. Comment les enseignants, les apprenants, leurs parents et les autres acteurs impliqués dans le champ éducatif justifient-ils le recours à ce genre de prestations ? Quel pourrait être l'impact sur le niveau didactique des élèves, sur le budget familial et sur le principe de l'égalité des chances tant chanté par le ministère de tutelle ? Un phénomène qui a déjà pris de l'ampleur notamment, mais s'il fait l'objet de multiples controverses, il ne fait pas encore l'objet d'études sociologiques et psychopédagogiques approfondies. Or, sur une simple analyse du fonctionnement de l'école publique en présence de ces cours de soutien payants, on constate que la gratuité de l'enseignement est déjà remise en cause. Concernant la législation régissant les cours de soutien, le ministère de l'Education Nationale propose aux enseignants, sans aucune obligation légale, de dispenser régulièrement et gratuitement des séances d'appui au profit des élèves qui en éprouvent le besoin. Or, ce projet ne connut aucune suite réelle puisque les cours de soutien payants se poursuivent en dehors des murs de l'établissement public et les enseignants du public ont carrément investi les foyers et ont surtout ébranlé les budgets familiaux. La majorité des élèves considère les cours de soutien plus intéressants que les cours classiques dans le cadre de l'école. Le professeur y est plus engagé et les élèves, moins nombreux, font preuve d'une réelle concentration. Ainsi, les élèves qui ne sont pas inscrits aux heures de soutien dénoncent le « chahut » en classe auprès de leurs professeurs en déclarant : « les élèves qui font les cours de soutien payants font du bruit en classe, eux, ils comptent sur les cours payants pour assimiler les cours et poser des questions et ne prêtent pas assez d'intérêt aux cours ordinaires... ». En général, le soutien scolaire payant est souvent dénoncé comme facteur aggravant des inégalités et donc contradictoire avec l'égalité des chances et la réussite pour tous, ce qui est après tout, ou tout du moins devrait être, le fondement de l'action de l'enseignement public. En effet, à présent, aucun niveau scolaire n'échappe aux cours supplémentaires : du primaire au secondaire qualifiant, et aux adolescents se préparant pour les examens du baccalauréat, chacun se sent obligé de payer des cours supplémentaires. En outre, les parents, trop occupés, n'ont plus le temps de bien suivre leurs enfants et préfèrent les solutions de facilités et c'est pour cela que les parents préfèrent sous-traiter l'opération de révision des leçons pour leurs enfants afin de bénéficier de leur temps libre. L'idée qu'on se faisait des cours supplémentaires a changé au fil du temps. Ils sont, en effet, devenus une mode à suivre alors qu'il y a quelques années ils étaient considérés comme un soutien pour les élèves de niveau faible ou médiocre seulement. Enfin, dans le but d'éclairer l'opinion publique sur ce phénomène qui est devenu un véritable cauchemar quotidien qui harasse réellement les parents d'élèves, nous avons procédé à une enquête dans le milieu scolaire qui nous a permis de dégager les conclusions suivantes que nous partageons au sein de ce débat national ouvert par le ministère de tutelle. Cette enquête fut réalisée à la base d'un questionnaire proposé à 100 élèves de différentes couches sociales et de différents niveaux scolaires : ● Qui dispense ces heures supplémentaires ? - 86 % enseignants du public. - 8 % autres enseignants. - 06 %s diplômés chômeurs. ● Pour savoir pourquoi les élèves optent pour leurs propres professeurs, nous avons évité d'évoquer la contrainte sous toutes ses formes, mais nous avons sollicité les justifications du choix : - 65 % optent pour le passe-droit des notes. - 20 % optent pour la communication implicite des devoirs surveillés. - 15% optent pour la compétence. ● Pour les lieux où se déroulent les cours de soutien : - 70 % : dans des établissements privés (moins cher qu'à domicile). - 20 % : au domicile de l'enseignant. - 10 % : au domicile de l'élève (individuellement ou en groupe). ● Pour les rétributions ou honoraires, le paiement se fait selon deux options : - Dans les établissements privés : négociations pour contrat verbal entre l'enseignant et le « patron » de l'école. - Cours à domicile : marchandages et paiement direct sur fond, des fois, de jeux de spéculations et d'intermédiations. Ainsi, à la lecture de toutes ces données, on déduit que ces pratiques illégales des heures supplémentaires semblent vraiment difficiles à éradiquer. Certes, des notes ministérielles ont été émises et diffusées pour blâmer ces agissements répréhensibles, mais les choses ne font qu'empirer puisque la concurrence est ouverte entre certains « donneurs » d'heures sup. Devant cette situation fort déplorable, le ministère de tutelle est, aujourd'hui et plus que jamais, appelé à traiter ce phénomène qui est en train de souiller la réputation de l'enseignement et de l'enseignant en creusant de graves écarts de confiance entre les parents et les enseignants. Par conséquent, ce mode de soutien pédagogique devrait être légalement réglementé afin de contribuer efficacement et réellement au renforcement des acquis et des processus et mécanismes de résolution des déficits scolaires. Dans cette optique, ces cours de soutien devront être conçus comme des processus de régulation et d'amélioration des compétences et des aptitudes de l'élève de façon qu'il puisse combler ses lacunes spécifiques et donc s'intégrer dans le groupe – classe. Pour conclure, nous lançons un appel à ces enseignants qui abusent et à ces directeurs des écoles privées rapaces du gain et surtout aux responsables du MEN pour qu'ils rendent à ces cours de soutien la réelle valeur de leurs objectifs et à notre école ses lettres de noblesse et tout n'en sera que pour le mieux dans le meilleur des mondes.