Entretien avec le Pr Abderrahamane Maâroufi, Directeur de la Direction de l'épidémiologie et la lutte contre les Maladies«Le Maroc n'est pas touché, un plan de préparation de riposte a été établi» Le Maroc a mis en place un plan de préparation de riposte à cette maladie. Département concerné, Gendarmerie Royale, Office des Aéroports, Office des ports, Services de contrôle des frontières, Royale Air Maroc, tout le monde est sur le pied de guerre. Le plan d'action concocté s'articule sur deux mesures : la première, c'est d'éviter l'introduction de cette maladie, la deuxième, c'est de détecter et d'analyser les risques. Entretien... L'Opinion : Ébola, cette fièvre hémorragique, est–elle plus désastreuse que les épidémies du siècle précédent tels que : la variole, la poliomyélite, la grippe espagnole, le choléra ou encore le sida ? Pr Abderrahamane Maâroufi : Il faut dire que ce siècle a commencé avec une épidémie qui s'appelle : virus du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) puis le coronavirus MERS qui a tué près de 40 % des personnes infectées, principalement au Moyen Orient puis, depuis quelques mois, c'est Ébola. Il faut noter que la recherche scientifique a réalisé de très hautes performances le siècle précédent. Le sida est une maladie qui fait l'objet d'un programme et une stratégie nationale qui comporte plusieurs axes et interventions par exemple des pistages avec le traitement. On peut même limiter la propagation. D'ailleurs, les dernières statistiques montrent que le chiffre des malades VIH est en baisse (0,15 % actuellement) alors qu'il y a des pays qui ont un chiffre qui dépasse les 30 %. L'Opinion : Qu'est-ce que c'est le virus Ebola ? D'où vient-il ? Pr Abderrahamane Maâroufi : Ébola est un virus appartenant à la famille des Filoviridae (filovirus). Les filovirus sont caractérisés par leur apparence filamenteuse et comptent parmi eux des agents infectieux responsables de fièvres hémorragiques aiguës. Le virus Ebola a été nommé ainsi en référence à une rivière passant près de la ville de Yambuku, dans le Nord de la République démocratique du Congo, alors appelé Zaïre. C'est à l'hôpital de cette localité que le premier cas de fièvre hémorragique Ebola fut identifié, en septembre 1976, annonçant une première épidémie qui allait alors toucher, d'après les dernières statistiques du 18 août 2014 de l'OMS, près de 2473 cas de personnes touchées et 1350 de décès (54 %). Il y a 6 mois, s'est déclenché le premier cas en Guinée Conakry par un enfant de 2 ans ensuite il s'est installé rapidement depuis le mois de mars chez les pays frontaliers comme le Libéria, la Sierra Leone et récemment le Nigeria. Une fois une personne touchée, elle peut manifester des symptômes très divers allant des maux de tête aux nausées et vomissements, qui sont souvent confondus avec ceux du paludisme, de la fièvre typhoïde ou de la dysenterie, de céphalées, de maux de gorge. Puis, les symptômes empirent, des hémorragies surviennent. Quand il devient plus clair qu'il s'agit d'Ebola. L'Opinion : Quelles sont les plus récentes informations concernant les médicaments expérimentaux utilisés pour traiter le virus Ebola ? Ou encore, quelle est la position de l'ONU à ce sujet ? Pr Abderrahamane Maâroufi : Tous les efforts sont focalisés sur les médicaments et vaccins expérimentaux qui ont été produits par certains laboratoires nord-américains pour le traitement possible de la maladie à virus Ebola., dont certains sont en cours de test. L'Opinion : Quelles sont les risques de propagation du virus dans notre pays et quelles sont les mesures prises pour empêcher que cela ne se produise ? Pr Abderrahamane Maâroufi : L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a convoqué une réunion de son Comité d'urgence qui a conclu, le 8 août dernier, que l'épidémie Ébola est une urgence à portée internationale. Ceci dit, ça explique aussi qu'il faut suivre les conseils de l'OMS et prendre toutes les mesures pour contrôler et empêcher l'entrée de cette épidémie chez nous. Le Maroc, sous l'égide du ministère de la Santé, a mis en place un plan de préparation à la riposte de cette maladie, avec notre direction et la participation de nos partenaires locaux des services concernés : Gendarmerie Royale, Office des Aéroports, Office des ports, Services de contrôle des frontières, Royale Air Maroc. Ce plan s'articule sur deux mesures : la première, c'est d'éviter l'introduction de cette maladie, la deuxième, c'est de détecter et d'analyser les risques. L'Opinion : La mondialisation facilite l'exportation des épidémies est-ce que les vols de la RAM vers ces pays peut entrainer des risques ? Pr Abderrahamane Maâroufi : Le premier point c'est de contrôler la voie aérienne des pays de l'Afrique de l'Ouest. Avec la RAM, on a mis un plan qui consiste à garder le même équipage qui travaille sur ces destinations, l'équipage ne participera pas au système de rotation et tous ses membres ont reçu des informations pour être vigilants et doivent déclarer toute personne suspecte et informer le commandant de l'avion. Aussi, on a installé dans les aéroports des parcs de mise en isolement (quarantaine) bien équipé avec du personnel d'expérience. Egalement, on a mis à la disposition le moyen de transport strictement sécurisé pour transporter la personne suspectée. Le deuxième point, il s'agit des ports qui reçoivent des bateaux de marchandises en provenance de l'Afrique de l'Ouest, et le troisième point ce sont les entrées frontalières. A ce sujet, le contrôle à l'entrée de la Mauritanie a été renforcé. Toutes ces équipes de contrôle sanitaire et médical sont autorisées à prendre des informations du commandant de vol ou du bateau ou de la frontière pour avoir une idée sur l'état des voyageurs, et puis il y a aussi le contrôle systématique par la caméra thermique et par le thermomètre infrarouge c'est-à-dire sans avoir de contact avec le voyageur. Aussi parmi les mesures décidées, on demande à tous les voyageurs les informations personnelle ( telle l'adresse ) pendant le séjour au Maroc, parce que la période d'incubation varie de 2 à 21 jours, le plus souvent de 4 à 9 jours où la progression de la maladie atteint généralement le fonctionnement des organes vitaux comme je vous ai expliqué. Donc nous restons en contact avec le voyageur pendant cette durée de jours pour suivre son état de santé et s'assurer qu'il n'a pas eu de fièvre ou présenté quelques symptômes. Nous avons aussi renforcé le laboratoire de l'Institut Pasteur pour analyser tout prélèvement de cas suspect. D'ailleurs, je me permets de vous dire à propos du cas du voyageur libérien, qui est décédé à l'aéroport, ses prélèvements ont été diagnostiqués chez nous à l'Institut Pasteur, et cette personne venait régulièrement au Maroc. Il avait un suivi médical à l'hôpital Ibn Sina. Il avait le diabète et souffrait d'un problème cardiaque, et il n'a pas de symptôme de l'Ébola contrairement à tout ce qui a été avancé par des sites de médias sociaux. Je signale aussi que l'OMS a exigé aux pays de l'Afrique de l'Ouest de contrôler les départs de tous les voyageurs et toute personne suspecte ou qui a l'air de fatigue seront interdits de quitter le territoire pour voyager. L'Opinion : Suite à des rumeurs qui avaient fait état, il y a quelques jours, d'un possible transfère à autre pays de la coupe du monde des clubs et le championnat d'Afrique des nations de foot en raison de l'Ébola, vous n'avez pas réagi pour démentir jusqu'à ce que la FIFA et la CAF ont démenti ces rumeurs. Quelles ont été les raisons de silence ? Pr Abderrahamane Maâroufi : La réponse de la FIFA et la CAF était fondée sur des bases scientifiques, ce sont des instances mondiales. Elles sont en contact direct avec l'OMS (l'organisation mondiale de la santé), il faut poser juste une question : quel est le risque pour les sportifs qui vont venir chez nous ? La réponse est : le risque est nul parce que l'on n'a pas cette maladie, on n'a pas ce virus donc par quoi et comment ces sportifs vont-ils être contaminés ? C'est ça la réponse de l'OMS. La deuxième question : est-ce qu'il y a un risque qu'un sportif africain introduit cette épidémie chez nous pendant sa participation avec son équipe nationale ? La réponse est claire : il n y a pas de risque, pourquoi ? Comme j'ai expliqué, les symptômes d'Ébola sont accompagnés de : « L'asthénie » qui est la faiblesse générale se caractérisant par une diminution du pouvoir de fonctionnement de l'organisme. Donc, ce sportif ne peut pas s'entrainer, ne peut pas jouer, ne peut pas faire un effort. D'autre part, les clubs et les fédérations ont un staff médical qui donne l'autorisation de participer ou non. Enfin, il y a le contrôle avant de quitter l'aéroport de départ dans leur pays d'origine où il existe des mécanismes de contrôle par l'OMS, donc le risque est aussi nul. Je vous confirme qu'il est illogique et non fondé les craintes et rumeurs véhiculées par quelques médias marocains.