Le Maroc a utilisé avec une «grande intelligence» et un «grand discernement» la Ligne de précaution et de liquidité (LPL), mécanisme financier qui sert à donner un signal fort aux investisseurs et aux bailleurs de fonds que le pays peut s'engager sur la voie des réformes importantes et respecter ses engagements budgétaires, a affirmé, jeudi à Rabat, la Directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde. «Malgré que le Maroc n'a pas eu à décaisser la LPL qu'il a décroché, il l'a utilisé avec une grande intelligence et un grand discernement, en tant que mécanisme financier qui constitue un régime d'assurance, un signal fort vis à vis des investisseurs et de ceux qui refinancent la dette, et un indicateur que le pays peut engager sur la voie des réformes importantes et respecter ses engagements budgétaires», a assuré Mme Lagarde dans une présentation au Conseil économique, social et environnemental (CESE) sous le thème «Construire l'avenir: emplois, croissance et équité dans le monde arabe». Dans ce cadre, Mme Lagarde s'est réjouie d'avoir donné au Maroc la primeur d'aborder les thèmes de l'emploi des jeunes, de la croissance et de l'équité dans la région du Moyen Orient et Afrique du Nord (MENA), qui seront débattus lors de la conférence régionale de haut niveau organisée les 11 et 12 mai à Amman où elle se rendra en quittant le Royaume. «Le Maroc recueille les fruits de ses efforts de diversification et de promotion des exportations et de l'investissement public. On le voit notamment dans les secteurs à forte valeur ajoutée comme les industries automobile, aéronautique et électronique», a expliqué la responsable. Dans ce sens, Mme Lagarde a souligné la nécessité de revitaliser la petite et moyenne entreprise (PME) du secteur formel, épine dorsale d'une économie saine et principale pourvoyeuse d'emplois, rappelant que dans l'ensemble de la région, le nombre d'entreprises pour 1.000 habitants est le quart seulement de celui de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la moitié de celui de l'Europe de l'Est et de l'Asie centrale. «La structure industrielle actuelle est quelque peu déséquilibrée, avec un petit nombre de grandes entreprises dans le secteur formel, et une multitude de petites unités dans le secteur informel», a déploré la responsable, relevant que les grandes firmes sont souvent à l'abri de la concurrence, ce qui réduit l'incitation à innover et à rester compétitif. De ce fait, «rares» sont les entreprises de la région qui sont à même de s'attaquer à la concurrence sur les marchés internationaux, a-t-elle noté. «A l'heure actuelle, le nombre d'entreprises qui se créent est insuffisant et celles qui existent manquent d'opportunités pour croitre et prospérer», a fait savoir Mme Lagarde, appelant les pays de la région à donner aux entrepreneurs les moyens de mettre en valeur les idées novatrices et l'esprit créatif. Sur le volet sociétal, la responsable a mis l'accent sur la nécessité de renforcer le pilier central de la société, à savoir la classe moyenne, rappelant la citation d'Aristote disant que «les Etats bien administrés sont ceux où la classe moyenne est plus nombreuse ( ) Partout où la classe moyenne est nombreuse, les risques de séditions et dissensions sont moindres». «Dans beaucoup de pays, tels que l'Egypte, la Jordanie et le Maroc, la part de la classe moyenne dans la richesse sociale est plus faible aujourd'hui qu'elle ne l'était durant les années 1960, et la position relative de la classe moyenne ne s'est pas améliorée depuis les années 1990, alors même que la croissance pendant au moins une dizaine d'années était nettement supérieure à celle observée aujourd'hui», a-t-elle averti. A cet égard, Mme Lagarde a assuré qu'une classe moyenne forte est nécessaire pour propulser l'économie, soutenir la consommation, investir dans l'avenir et renforcer la cohésion et la stabilité de la société. «La classe moyenne est le vivier d'entrepreneurs dont nous avons aujourd'hui besoin pour nourrir l'économie moderne», a lancé la Directrice générale de l'institution de Bretton-Woods, appelant ainsi les pays du monde arabe à donner à leurs citoyens les moyens de gravir l'échelle sociale pour s'affranchir de la pauvreté et rejoindre la classe moyenne, et à veiller à ce que les fruits de la prospérité soient partagés plus largement et plus équitablement. Mme Lagarde a, par ailleurs, recommandé aux Etats de se retirer de certains secteurs, de s'impliquer dans d'autres et de réduire son rôle d'employeur pour devenir davantage un régulateur impartial et efficace, dont le rôle principal est de promouvoir un environnement propice à l'épanouissement du secteur privé, la véritable source génératrice d'emplois. Suivant cette même ligne de réflexion, Mme Lagarde a assuré que la stabilité macroéconomique est la base d'une réussite durable aux niveaux économique et sociétal. Il s'agit, à ses yeux, de prendre les bonnes décisions de politique budgétaire et de faire en sorte que les déficits n'entraînent pas une augmentation de la dette publique qui menacerait la stabilité structurelle, ainsi que de redéployer les dépenses publiques au profit des investissements dans les infrastructures et les ressources humaines. A cet égard, Mme Lagarde a affirmé que les pays de la région s'associent pleinement à cette démarche et qu'ils enregistrent des progrès importants, notant que le Maroc a, durant ces deux dernières années, réussi à réduire les subventions, tout en augmentant les dépenses en faveur des programmes destinés à faciliter l'accès des populations les plus pauvres aux services de santé et à l'éducation. Pour sa part, le président du CESE, Nizar Baraka, a affirmé que cette rencontre conforte la confiance du FMI en la capacité du Maroc à engager les réformes structurelles nécessaires et à consolider l'indépendance de sa décision économique. Mme Lagarde, qui effectue actuellement une visite au Maroc, la première en tant que Directrice générale du FMI, s'entretiendra à Rabat avec plusieurs responsables marocains dont le Chef du Gouvernement et le Gouverneur de la Bank Al-Maghrib. Elle mènera également une visite à l'Université Internationale de Casablanca (UIC), au Technoparc de Casablanca et au Centre Culturel Sidi Moumen.