Un hommage émouvant a été rendu récemment au vétéran des arts plastiques au Maroc, Abdellatif Zine, lors des activités de la 8ème édition du Forum national d'arts plastiques à Settat initiée sur la place d'El Kasbah Al Ismailia par l'Association Tamesna des Beaux-arts-Settat, avec le soutien de la direction régionale du ministère de la Culture, et le conseil municipal de la ville de Settat. Cet hommage, comme l'indiquent les organisateurs, est une reconnaissance de son génie et son parcours artistique riche en aventures et en expériences avant-gardistes. En effet, cet artiste de renom a été honoré lors de la cérémonie d'ouverture et un trophée lui a été remis par le Wali de la région, et ce en présence de plusieurs personnalités officielles, civiles et culturelles. Lors de cet hommage Abdellatif Zine a estimé que cet « acte symbolique est un geste louable et un véritable hommage à tous les artistes précurseurs qui ont posé réellement les jalons de l'école marocaine en peinture, notamment mes deux amis Cherkaoui et Gharbaoui » A cette occasion, le poète et écrivain Azzeddine Idrissi a mis en relief son expérience créative d'ici et d'ailleurs, notant que l'artiste Abdellatif Zine est considéré aujourd'hui comme l'un des noms majeurs de l'art plastique au Maroc et à l'étranger. Il a commencé très tôt à peindre. Né en 1940 à Marrakech, il a fait ses études à l'Ecole des Beaux-arts de Casablanca de 1960 à 1962 avant d'aller les continuer à Paris à l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts (1963-65). Entre-temps, Zine a participé à quelques expositions collectives (63) ou organisé des individuelles, entre autres à Tunis en 64 et Los Angles en 65, comme il a eu l'occasion de travailler comme critique pigiste à la radio télévision RFI. On ne saurait certes citer toutes les expositions de l'artiste au cours des années 60/70 dont surtout les biennales de Paris et du Brésil en 65, dates essentielles dans un parcours émergeant. Le travail plastique de Zine est habité par le souci de la forme et du mouvement. Le cadre expérientiel évoluera aussi avec le contenu, toutes tendances post modernistes confondues : Art fonctionnel, Colors of Jazz, Trans'Art, Sport Art, Tbourida'Art... Zine vu par des critiques d'art et des écrivains de renom « Comme Gharbaoui et Charkaoui, Zine a été formé aux Beaux – Arts, dans son cas, à la fois à Casablanca puis à Paris .Il eut un projet essentiellement esthétique. Il tenta, mais pendant peu de temps, de développer sa création selon les normes nouvelles au Maroc de l'abstraction importée d ‘Europe. Il l'abandonna rapidement .Si on ne considère que la thématique de Zine, on pourrait parler de son œuvre post- orientaliste. Il reprend en effet les mêmes sujets que les peintres de la période précédente. Mais dés que l'on considère les moyens employés, non les outils, couteaux et pinceaux, mais les couleurs et la manière se peindre, on est obligé d'ajouter le préfixe « post » à orientalisme. » (Jean- Francois Clément – Ecrivain). « Partant d'un modèle à l'état de vestige, il opère successivement des métamorphoses pour aboutir à un objet identifiable ; à savoir une toile qui vous parle de votre réalité, de vos racines et de vos potentialités. Si tant est qu'une toile, comme un poème, peut aider à vivre, en libérant l'inconscient des couches mortes, d'une peau morte, eh bien ! Une toile de Zine libère celui qui la voit d'une certaine cécité. Cette œuvre remarquable et qui a déjà sa place dans le patrimoine pictural mondial, pour s'être accomplie solidairement dans un milieu difficile, imperméable à la nouveauté, doit figurer, comme une ambassadrice, dans toutes les expositions de la peinture marocaine à l'étranger. » (Mohammed Khair- Eddine- Poète et romancier, Jeune -Afrique). « (...) Il a évidemment son approche qui est une approche anthropologique et culturelle. Mais il fait partie d'une famille éparse qui sera de plus en plus nombreuse et qui sera justement celle de la création d'une culture appropriée à ce présent permanent qui est le nôtre depuis que cette société postmoderne coexiste avec la vieille modernité qui essaye de se mettre à jour, tant que la post- modernité vit le plein présent de ses recherches et de ses intuitions. Ces intuitions postmodernes : c'est justement la démarche de Zine que je voudrais saluer ici comme un facteur de culture nouvelle qui vient se rapprocher et s'insérer dans une très grande interrogation qui n'a pas de limites et qui est vraiment planétaire. » (Pierre Restany- Critique d'Art). « La cérémonie traditionnelle est ici synthétique par l'accomplissement successif des cinq danses qui correspondent aux cinq couleurs et aux cinq forces spirituelles invoquées. Au cours de chacune de ces cinq danses, Zine, muni d'un pot de couleur ; asperge le danseur qui, vêtu de blanc, reçoit la couleur sur ses habits et dépose sur la toile les empreintes de cette couleur qui se révèle en lui au moment de la transe et de l'incarnation de l'esprit. Lorsque chaque danseur a imprimé sa couleur sur les deux supports sol- mur, l'artiste asperge de toutes les couleurs un dernier danseur qui dépose lui aussi les empreintes de la transe sur la toile. Enfin, Zine clôture l'intervention en achevant la toile -mur avec du blanc et du noir. La toile au sol devient un mélange complexe des cinq couleurs utilisées, constat plastique de l'énergie de tous les intervenants, y compris des spectateurs qui se sont approchés pour voir, filmer ou photographier l'artiste, les danseurs et les musiciens. » (Joppolo Giovani- Critique d'Art, Opus International). « Le peintre sollicite tout un rituel libérateur des forces enfouies, comme pour conjurer la mort et renouer, par la transe et l'extase, avec la nostalgie mythique du paradis perdu. Cependant, la fluide colorée que lance ZINE pour irriguer le danseur enfiévré, est le trait d'union visuel éphémère entre deux signifiances antithétiques : l'expression corporelle et l'intensité picturale... Zine, par son dispositif, n'est pas le maître d'œuvre distant d'une liturgie dionysiaque : en artiste, il s'implique. Sur l'autel de la peinture et du délire, il ose sacrifier la figuration de ses œuvres initiales à l'abstraction rythmique jaillissant qu'il dompte puis exorcise(...) Aux « empreintes magiques » de la toile signée ne faut-il pas ajouter, comme produits artistiques, la bâche colorée du sol part tant de pieds foulés, les tuniques maculées des protagonistes come les images exclusives, fixes et mobiles, des gestes prémonitoires, de cette étrange dance mystique de la lumière ? » (Khalil M'rabet- Artiste plasticien et critique d'Art, Le Monde). « Les silhouettes esquissées des musiciens se couvrent de taches, de virgules, de spirales, d'arabesques, de lignes fulgurantes ; « Les signes que je trace sur le tableau n'ont aucun sens, précise l'artiste, mais ils possèdent une charge émotionnelle. Avec ces musiciens, nous avons le même ange inspirateur ». Le saxo et le piano soutenus par la batterie et la contrebasse résonnent, gutturaux, tracassés dans l'arc-en-ciel dense et tellurique que dessine Zine. Mais la musique n'accompagne jamais le peintre. On se regarde, on s'entend, et on passe le cap (...) La nuit vient de passer telle une étoile filante. Le plaisir n'a pas de mesure. » (Jean Marie Tasset - Critique d'Art, Le Figaro). « Zine a choisi les instruments des sportifs : ballon, balles, boules, roues de bicyclette, autant d'objets qui sont le prolongement naturel et obligé du geste du sportif. Zine a recours au couple sportif-instrument du sport comme moyen de faire œuvre de création, tout en restant distant d'elle. Ce couple s'entend non seulement au sens de dualité mais aussi au sens de la machine physique dont le Petit Robert nous rappelle qu'elle est « un ensemble de deux forces parallèles égales entre elles, de sens contraire » : ce dernier couple est défini comme moteur. Et il est terriblement moteur chez ZINE. N'y a-t-il pas antagonisme entre le ballon qui échappe à toute préhension humaine et le sportif qui en fait son outil, son esclave, le moyen de son dépassement et de sa réussite. L'art du sportif est de maîtriser le non maîtrisable.»(Claude Mollard- Ingénieur culturel).