François Hollande a nommé lundi Manuel Valls au poste de Premier ministre pour mener un gouvernement "de combat" soucieux de "justice sociale" dans la foulée de la déroute subie par la majorité au second tour des élections municipales. Le chef de l'Etat a confirmé dans une allocution télévisée le remplacement de Jean-Marc Ayrault par le ministre de l'Intérieur en réponse au "clair" message des urnes. "Il est temps aujourd'hui d'ouvrir une nouvelle étape. Et j'ai donc confié à Manuel Valls la mission de conduire le gouvernement de la France, il en a les qualités", a-t-il dit. Le moment de la nomination des membres du gouvernement destiné à "redonner force à "l'économie" voulu par le président n'est pas connu, mais elle aura vraisemblablement lieu mardi. La ministre du Logement écologiste Cécile Duflot, qui n'a jamais caché son inimitié à l'égard de Manuel Valls, a déjà annoncé qu'elle ne ferait pas partie de la nouvelle équipe. Face aux critiques déjà exprimées à gauche du PS et chez les Verts, qui jugent Manuel Valls trop à droite, François Hollande a envoyé un message d'apaisement en annonçant des baisses d'impôts pour les ménages et en laissant entendre que la France demanderait à l'Union européenne un nouveau délai pour ramener le déficit du pays sous les 3% du PIB. L'UE doit prendre en compte la contribution de la France à la compétitivité et à la croissance dans le respect de ses engagements, a-t-il dit, alors que la France s'est engagée à parvenir aux critères de Maastricht avant fin 2015. François Hollande a salué le travail du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, qui a travaillé pendant 22 mois avec "courage et abnégation". Ayrault s'est Battu jusqu'au bout Deux heures plus tôt, l'ancien maire de Nantes avait annoncé sa démission dans un communiqué. L'initiative est sans précédent dans la Ve République, où ces annonces sont réservées au président et c'est Emmanuel Grégoire, le chef de cabinet de Jean-Marc Ayrault, qui a apporté la lettre de démission à François Hollande à la présidence. Jean-Marc Ayrault et François Hollande s'étaient rencontrés pendant près de deux heures à l'Elysée lundi matin. A Matignon, le Premier ministre a réuni ses équipes pour les remercier de leur "courage" et de la "persévérance", a raconté un membre de son cabinet, où des cartons sont arrivés lundi. La passation de pouvoir entre les deux hommes n'est pas attendue avant mercredi, dit-on aussi à Matignon. Le remaniement était réclamé par les Français, à 74% selon un sondage BVA pour Le Parisien publié lundi, une opinion partagée par toutes les catégories de la population, sympathisants du PS compris. Et 31% des Français se prononçaient pour son remplacement par Manuel Valls. Jean-Marc Ayrault a défendu son bilan ces derniers jours, estimant qu'il était le mieux à même de faire voter le pacte de responsabilité proposé par le chef de l'Etat aux entreprises mais critiqué par la gauche de la majorité parlementaire. François Hollande a annoncé à cet égard qu'un "pacte de solidarité" serait lancé en parallèle de ce pacte jugé par ses détracteurs de gauche trop favorable au patronat. Selon ces derniers, le profil de Manuel Valls ne correspond guère aux aspirations de l'aile gauche du Parti socialiste ou des Verts, qui réclament un changement de cap économique. Des réactions négatives Les réactions négatives n'ont d'ailleurs pas tardé et illustrent la difficulté qu'aura Manuels Valls à rassembler une large majorité pour faire voter le pacte de responsabilité et des économies de 50 milliards d'euros au moins. Au lendemain de sa nomination à Matignon, les rangs socialistes se divisent entre les partisans de l'ex-ministre de l'intérieur et ses détracteurs. Pour le député PS des Landes, Henri Emmanuelli, interrogé sur BFM-TV : « Ce n'est pas le choix que j'aurais fait. (...) La réponse qu'il fallait, ce n'est pas un coup de barre à droite. Je ne condamne pas, mais j'ai prévenu le chef de l'Etat que mon vote pour la confiance n'est pas acquis. » « Je m'abstiendrai, a ensuite ajouté Henri Emmanuelli. Et je pense qu'aujourd'hui il y a un certain nombre de députés dans mon cas. » L'ex-ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, a, lui, affiché son soutien au nouveau premier ministre. Interrogé sur France Inter quant à la nomination de Valls, M. Montebourg a ainsi déclaré que « le choix de Manuel Valls [était] celui d'un gouvernement de combat contre la crise ». Pour sa part, Emmanuel Maurel, vice-président socialiste du conseil régional d'Ile-de-France, a exprimé sa surprise à son arrivée à une réunion à huis clos d'une trentaine de dirigeants et de parlementaires de l'aile gauche du PS. "(Manuel Valls) a porté une ligne minoritaire dans le peuple de gauche et je crois qu'il fallait au contraire prendre le temps de discuter entre nous", a-t-il déclaré. La sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, elle aussi de l'aile gauche du PS, a abondé dans le même sens. "M. Valls, c'est l'opposition aux 35 heures, c'est la TVA sociale", a-t-elle dit. "Dimanche, ce sont les électeurs de gauche qui ne sont pas venus. Alors a priori le choix de Manuel Valls ne répond pas à cela." Le PS a subi dimanche une des pires déroutes électorales de son histoire, avec la perte de 155 villes de plus de 9.000 habitants, parmi lesquelles des bastions historiques de la gauche comme Limoges, Saint-Etienne ou Belfort. Une déroute dans laquelle Jean-Marc Ayrault a reconnu sa part de responsabilité et qui en laisse présager d'autres, aux européennes de mai, puis aux sénatoriales, qui devraient se solder par la perte par la gauche de sa majorité au Sénat.