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Santé : Le tatouage au henné noir : Des séquelles qui peuvent être indélébiles
Publié dans L'opinion le 31 - 03 - 2014

La belle saison, qui annonce la couleur timidement mais sûrement, rime avec une pratique traditionnelle qui se modernise pour se répandre se retrouver entre les jeunes aussi, se colorant de teintes pas toujours sécuritaires. Il s'agit des tatouages au henné dont la pratique s'accentue en été en raison des fêtes familiales puisque le henné a un sens symbolique positif lié à la joie et aux événements heureux, conjugales, des touristes qui affluent au Maroc et qui raffolent de ce tatouage éphémère, accentué, pour ressembler au tatouage permanent, par l'ajout d'une teinte noire qui fait toute la différence autant sur le côté esthétique que sur les effets du henné sur la peau.
Le henné pur est une substance naturelle sans danger aucun. Utilisé depuis l'antiquité pour teindre les cheveux, la peau, les ongles, il entre dans une infinité de préparations cosmétiques et même curatives et antiseptiques. Utilisé seul, il est d'une teinte marron ou orange. C'est la teinte noire ajoutée, appelée « henné noir » pour renforcer sa teinte et sa fixation sur la peau, qui constitue un véritable danger pour la peau et la santé. Les dermatologues vous le diront : il peut entraîner des risques d'allergie de la peau. Cette teinte brune est connue, au Maroc, sous l'appellation Takaout, dont l'appellation scientifique est paraphenylène diamine (PPD). C'est une amine aromatique dérivée de l'aniline, utilisée depuis 1863 par les femmes pour colorer les cheveux d'un beau noir ébène ou complément au henné dans plusieurs pays d'Afrique et de Moyen Orient.
Des statistiques inquiétantes…
Dans sa revue de «Toxicologie Maroc» du 4ème trimestre 2011, le CAPM note que parmi les produits les plus incriminés figure en tête la Paraphénylène Diamine (PPD) ou «Takaout Roumia» avec 64,8% des cas. Il parait que les Marocaines célibataires ont recours à ce minéral pour se suicider. Une analyse a révélé que le toxique responsable de ces décès était exclusivement la PPD et que la tranche d'âge la plus touchée était l'adulte (63,07%), suivie de l'adolescent (23,84%), de l'enfant (13 cas) et du bébé marcheur (1 cas). Le sexe ratio montre une nette prédominance féminine dans les cas d'intoxication.
Ce qui remet sur le tapis le phénomène de l'engouement d'un grand nombre de Marocains envers des produits cosmétiques naturels vendus en herboristeries sans aucune indication sur leur composition ni sur leur mode d'emploi ni sur leur toxicité éventuelle et encore moins une réglementation qui permet de contrôler la fabrication, l'importation et la vente des produits cosmétiques.
Le PPD se trouve dans de nombreux produits comme le caoutchouc, le vernis, le plastique, le cirage, les textiles, le cuir, les colorants capillaires...
Des effets plus inquiétants
Le produit montré du doigt peut avoir des effets assez fâcheux et qui devraient faire réfléchir plus d'une fois avant de se lancer dans cette aventure téméraire. Parmi les réactions cutanées qu'il peut provoquer l'eczéma à l'endroit du tatouage qui peut apparaitre 7 à 10 jours après le tatouage et qui peut laisser une cicatrice ineffaçable, ou 2 à 3 jours chez les personnes déjà sensibilisées. On retrouve aussi l'urticaire , l'oedème de quincke (gonflement rapide de la peau, des muqueuses et des tissus sous-muqueux) qui peuvent nécessiter une hospitalisation.
M. nous raconte sa mésaventure avec le tatouage au henné noir, ou plutôt celle de ses enfants âgés respectivement de 5 et 9 ans. Alors qu'ils profitaient des bonheurs de la baignade en plein été, une jeune tatouage promenait son matériel sur le sable, proposant ses services aux baigneurs. Ses enfants, une fille et un garçon, eurent le goût de se faire tatouer. La maman les laissa faire. La dame, une experte en la matière, exécuta en quelques motifs des motifs alléchants bruns sur une des mains de la fille et sur le bras du garçon.
Après le départ de la tatoueuse les enfants commencèrent à sentir des picotements sur les parties taouées et s'en plaignirent auprès de la maman qui leur demanda de faire preuve de patience pour que le tatouage donne une belle couleur. Mais la douleur commença à se faire plus forte jusqu'au point où la maman lava vite les dessins et écourta le séjour en plage.
Dès la disparition de la croûte de henné des bras des enfants la douleur disparut. Mais il resta à la place une trace en relief qui mis quelques jours à disparaitre définitivement.
Quelques semaines plus tard la même tatoueuse qui avait jeté son dévolu sur la plage aborda encore la femme pour proposer ses services. La mère lui rapporta ce qui est arrivé à ses enfants l'accusant d'avoir mis un produit chimique dans son henné. La tatoueuse nia bien sûr avoir mis quoi que ce soit de non naturel et que la réaction venait sûrement du fait que les enfants se soient baignés avant que le henné sèche ; et comme l'eau de la mer est salée la combinaison avec le henné a pu provoquer le picotement. Une raisonnement monté de toutes pièces que ne goba pas la maman mais l'incident l'a décidé à ne plus tenter l'expérience.
Il peut y avoir également une apparition de manifestations allergiques à d'autres produits : teintures capillaires, médicaments, colorants textiles...Les réactions sont plus ou moins graves et peuvent exiger une hospitalisation. La plupart des réactions consiste en une allergie sous forme d'éruption de papules et de vésicules suivies de démangeaisons au niveau du tatouage. Il n'est pas rare que la fièvre accompagne la réaction. Le tatouage peut provoquer également de l'eczéma ainsi que des réactions inflammatoires qui peuvent laisser des marques ou encore une pigmentation permanentes.
Les précautions à prendre
Il faut savoir que lorsqu'on est sujet à une sensibilisation causée par le contact au PPD c'est définitif. Si après cela on est toujours décidé à tenter l'expérience il faut prendre certaines précautions afin de limiter les dégâts, ou, mieux encore, les esquiver. Il faut d'abord demander, autant que faire se peut, la composition du produit tatoué et s'assurer qu'il ne contient pas de PPD. On ne tombe pas à tous les jours sur des tatoueuses ayant fait des études en biologie mais on peut au moins savoir quelles matières elle a utilisé dans son mélange. Quand ma fille a eu le goût de se faire appliquer du henné sur ses petites mains, une fois, j'ai demandé à la tatoueuse de me faire un mélange de henné pur à part pour elle et non celui auquel elle ajoute le diluant, un produit que les tatoueuses utilisent pour renforcer la couleur ocre du henné... malgré ses tentatives de m'inciter à utiliser celui qui donne de meilleurs résultats. Le diluant est un produit non moins nocif et j'en ai fait les frais une fois quand mon tatouage, qui me picotait un peu pendant le séchage, a disparu pour laisser un petit relief avec la même forme que le tatouage et qui a mis quelques semaines pour disparaître, fort heureusement sans laisser de séquelles dermiques. Ce procédé a l'avantage de voir la tatoueuse préparer le mélange devant soi. On va constater que la poudre est de couleur orangée et non foncée ou noire.
Il faut aussi recourir aux services d'une tatoueuse qu'on connait bien, qui puisse comprendre nos attentes et préparer un mélange pur ou, au moins, utiliser des produits naturels sans danger sur la peau ou la santé, et qui permette de fixer la couleur comme l'eau de fleur d'oranger, l'huile d'olive ou encore du jus de citron, optionnellement. Car dans certaines régions, la tatoueuse est une affaire de famille, comme le coiffeur, la couturière, le adoul, le médecin...
Si, malgré tous ces conseils suivis ou ignorés, on se retrouve avec des réactions après un tatouage, Il faut consulter le plus rapidement possible un médecin ou allergologue qui prescrira des médicaments corticoïdes sous forme de pommade ou de comprimés.


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