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Entretien avec Rhizlaine Benachir, membre du bureau de Jossour, Forum des Femmes Marocaines : Aucune visibilité dans les dossiers féminins à l'horizon 2014
Ancienne présidente de l'association Jossour de 2006 à 2013, Ghizlaine Benachir est une militante associative qui a roulé sa bosse en matière de droits, et de revendications du mouvement féminin. Avec elle,on a fait un peu le tour des problématiques de la femme marocaine, des différentes lois à mettre en place et du travail associatif. L'alinéa 2 de l'article 475 et la volonté politique L'actualité étant, de nos jours, l'alinéa 2 de l'article 475, Mme Benachir affirme que cette revendication acquise, émane à coup sûr du mouvement féminin marocain, bien qu'elle soit insuffisante, dans la mesure où elle devrait être suivie, dans l'immédiat, par la refonte du Code pénal. L'actuelle réglementation juridique comporte plusieurs articles de lois incohérents, en déphasage avec la Constitution et les Conventions internationales ratifiées. L'alinéa 2 de l'article 475 a été abrogé à travers, malheureusement, le drame de Amina Filali, la jeune fille violée, qui s'est suicidée, contrainte d'épouser son violeur. Si le gouvernement a obtempéré et enfin daigné sortir cette loi, c'est grâce aux partis politiques, notamment de gauche, au mouvement féminin qui ont fait pression mais aussi par la dimension internationale qu'a prise l'affaire Amina. Projet de loi sur la violence à l'égard des femmes S'agissant du projet de loi sur la violence à l'égard des femmes, déposé au parlement puis retiré, c'est un projet, dit-elle, qui ne protège pas réellement la femme. Il s'inscrit dans un contexte familial ciblant l'enfant en premier lieu et non la femme en tant que citoyenne à part entière, sachant que c'est elle qui subit cette violence. Le printemps a proposé une loi qui n'a même pas été prise en compte lors de l'élaboration du projet de loi par le Ministère de la solidarité, de la femme, de la famille et du développement social. Elle fut mise en place sans concertation ni démarche participative avec les associations féminines, ni même avec les centres d'écoute qui travaillent sur la problématique depuis des années et des années. Il aurait fallu un minimum d'attention et de considération envers le tissu associatif. Maintenant, après plus de deux ans au gouvernement, la loi sur la violence devrait voir le jour pour qu'on puisse travailler normalement. Même depuis la création d'une commission interne, présidée par le chef du gouvernement, il n'y a rien de concret. Cela prouve encore une fois l'absence de volonté politique en matière de prise en charge de dossiers liés aux questions féminines par ce nouveau gouvernement, ce ne sont pas des priorités. Le mariage des mineures Pour ce qui est du mariage précoce, la proposition de loi fixe l'âge du mariage à 18 ans, exceptionnellement à 16 ans pour des raisons extrêmes. Seulement, l'exception devient la règle. Notons que physiquement parlant, le corps d'une fille de 16 ans n'est pas assez développé et manque de maturité. Elle est encore une enfant, sa place est à l'école, le devoir est de l'aider à avoir une vie normale et être épanouie, non la faire marier à un homme qui a parfois trois fois son âge. Un mariage précoce devrait être puni par la loi comme dans les autres pays, on ne se débarrasse pas ainsi de ses enfants. Ni la pauvreté, ni l'analphabétisme ne sont des problèmes à régler par le mariage précoce. Le gouvernement devrait y pallier autrement, jouer son rôle et mettre en place des politiques réelles de lutte contre la pauvreté et l'analphabétisme. Constitution et revendications du mouvement féminin L'association « Jossour » a milité pour la question féminine et s'est constituée en réseau : le Printemps Féminin pour la Démocratie et l'Egalité, (le PFDE). Un mémorandum commun a été élaboré et déposé auprès de la commission chargée de l'élaboration du projet de la Constitution qui a pris en considération 90% des revendications, une vraie victoire pour nous, dit-elle. Malheureusement, les désignations aux postes de responsabilité sont encore minimes alors que l'article 19 de la constitution est clair, il parle d'œuvrer pour la parité. D'autres revendications sont à relever, la fameuse autorité pour l'égalité qui n'a pas encore vu le jour, une priorité majeure. Jossour a fait une proposition claire comportant les attributions de cette autorité, son indépendance... La ministre, dans sa vision de cette autorité est actuellement juge et parti en même temps, il y a plusieurs aspects qui font que l'on se sente écartés et choqués. Alors que la Constitution attribue à la société civile le droit de participation, de contribution au travail et de proposition. La société civile a fait son printemps de l'égalité depuis longtemps, au moment de la conception du Code de la famille. Un exploit qui n'existe nulle part ailleurs dans le monde arabe. Le mouvement féminin et celui des droits de l'homme au Maroc constituent une force de proposition intéressante, ils sont solidaires et sont modèles dans la région. Constitution et égalité Puisque la nouvelle Constitution de 2011 prône l'égalité hommes-femmes, il est temps d'entamer le chantier de l'harmonisation des articles du Code pénal avec les articles constitutionnels d'une part et l'harmonisation des articles nationaux avec les conventions internationales ratifiées par le Maroc d'autre part. Notre Constitution prône l'égalité homme-femme et la parité dans 13 de ses dispositions et à tous les niveaux mais aussi la suprématie des conventions internationales sur les conventions nationales. L'article 19 de la Constitution est très clair en matière d'égalité des droits : civil, économique, juridique, environnemental, culturel....D'ailleurs tout ce que revendique l'association « Jossour », et le mouvement féminin marocain, c'est l'application de cette constitution. Perspectives et priorités en 2014 En 2014, la priorité des revendications, c'est la mise en place de cette autorité, le moteur qui va veiller à l'application de la constitution. Le danger réside dans ses attributions. En deuxième lieu, il faut penser sérieusement à loi sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes. De ce côté, la coalition le printemps de la dignité, dont fait partie Jossour s'y attelle depuis si longtemps. On ne voit toujours pas le bout du tunnel, l'avenir de la cause féminine est encore incertain. Il n'y a ni communication ni information, avec le ministère de tutelle, surtout à la veille des élections communales et régionales de 2015. Serait-il possible de laisser tout en instance, la mise en œuvre des articles constitutionnels, la refonte du Code pénal, jusqu'après ces élections ? A propos de l'association Jossour En tant que mouvement féminin, « Jossour » travaille depuis de longues années sur la refonte du Code pénal. Elle a élaboré plusieurs propositions et les a soumises au gouvernement, au parlement et aux acteurs concernés. L'association Jossour a été créée en 1995 par des femmes engagées militantes, venant de différents horizons, travaillant sur le terrain depuis longtemps. L‘objectif majeur est d'œuvrer pour l'égalité des femmes et ses droits à tous les niveaux, selon deux axes prioritaires: l'axe de la proximité qui est le centre de la citoyenneté des femmes et l'axe du plaidoyer. Le centre de la citoyenneté des femmes est un centre d'alphabétisation fondamentale et juridique dédié aux femmes. On leur apprend à se considérer comme des citoyennes marocaines à part entière, avec leurs droits et leurs devoirs, à travers le guide de l'association sur les droits et les devoirs, conçu à cet effet. En même temps que l'apprentissage de la langue, on leur donne des cours de sensibilisation et d'information sur le Code de la famille, la Constitution et ses apports, la citoyenneté, la santé reproductive... La tranche d'âge varie entre 20 et 70 ans, une frange de la société pour la plupart analphabète et pauvre de l'ancienne médina de Rabat. Actuellement, ce centre comprend trois classes, soit 200 femmes bénéficiaires de ces programmes. Plusieurs colloques ont été organisés depuis 1995, liés à des thématiques et au contexte du moment. « Questions féminines et processus de démocratisation au Maroc », à la veille du gouvernement de l'alternance ; « Questions féminines et rôle de la jurisprudence ou ijtihad dans l'islam », ce qui a permis le dialogue entre différentes tendances de l'échiquier idéologique de notre pays ; « Questions féminines et élites au Maroc », pour impliquer les élites marocaines ; « Code de la famille, 5 ans après » qui a réuni les députés et la société civile. Après la mise en place de la Constitution, l'association a travaillé sur une étude, avec le printemps féminin pour la démocratie et l'égalité, constituant une force de propositions. Il fallait faire le constat, le diagnostic de tout ce qui a été fait et ce qui reste à faire. L'étude comporte deux axes : l'état des lieux et les perspectives, avec un volet qui s'attelle à l'harmonisation des conventions internationales avec l'arsenal juridique marocain. Plusieurs tables rondes ont été organisées afin de présenter l'étude, sensibiliser et interpeler toute la société civile, aussi bien les associations féminines que celles des droits de l'homme. Les associations locales ont été interpelées autrement, à travers des thématiques précises en relation avec la localité où se tenait la table ronde. A Azilal, le travail a ciblé les femmes immigrées et le Code de la famille, à Marrakech, l'article 49 du Code de la famille sur le partage des biens a été soulevé, au niveau de Agadir, la concertation était sur le mariage des mineures. Les objectifs de Jossour FFM Jossour FFM mène des actions de plaidoyer et de proximité visant à : - préserver les acquis et renforcer les droits des femmes, - promouvoir les valeurs et les principes de la citoyenneté, - renforcer la présence féminine sur la scène nationale en particulier dans les postes de décisions, - enrichir la connaissance sur leur vécu, leurs attentes et leurs aspirations, - contribuer à l'autonomisation des femmes, - favoriser la communication entre les femmes, - contribuer au rayonnement des femmes marocaines sur le plan international - encourager la recherche sur la question féminine, - dynamiser l'action et créer les mécanismes de solidarité avec d'autres organismes ayant les mêmes objectifs. Les principaux axes de plaidoyer Dans le cadre de la coordination avec les autres associations féminines et du plaidoyer : - Formation des candidates éventuelles à chaque élection législative, régionale et locale, - Participation à la rédaction du « plan d'intégration de la femme au développement » - Participation avec d'autres ONG féminines à la création de réseaux pour la défense des droits de la Femme marocaine à titre d'exemple, le « Printemps de l'égalité » et le réseau « Femmes pour Femmes». - Elaboration de mémorandums revendicatifs concernant le Code de la Famille adressés au Cabinet Royal, à la Commission Royale chargée de l'élaboration du nouveau Code de la Famille et au gouvernement, partis politiques..... - Organisation de tables rondes pour une campagne d'information et de sensibilisation pour la révision du Code de statut la famille adressée aux adhérentes de JossourFFM ainsi qu'à un large public notamment féminin' - Participation à la campagne de révision en concertation avec les autres associations au Code de Statut des ONG, - Membre fondatrice du réseau «Printemps de la dignité» pour la révision du code pénal, - Organisation de tables ronde pour l'information et la sensibilisation relatives à la réforme du Code de la nationalité. Membre fondatrice de la coalition nommée « Printemps des femmes pour la démocratie et l'égalité » regroupant différents acteurs de la société civile pour la défense des droits des femmes et la prise en compte des revendications du mouvement des droits des femmes dans la nouvelle Constitution. le PFDE continue de se mobiliser en force de pression afin de veiller à l'activation de l'application du nouveau texte. Aujourd'hui Jossourffm assure la coordination de ce réseau.