Abordant la question de l'autonomie des universités marocaine, l'étude de la BAD note, d'abord, qu'une autonomie accrue des établissements suppose que ces derniers ont une maîtrise des facteurs impactant leur développement : le choix de leurs dirigeants, les ressources propres, la gestion de leur personnel (salaires, embauche et sanctions), les conditions d'accès, les droits d'inscription. Cela implique également, pour les établissements concernés, de devoir rendre compte des résultats qu'ils produisent à la puissance publique qui a en charge de réguler l'ensemble du dispositif de formation. Au Maroc, jusqu'en 2009, les universités ne jouissaient que peu d'autonomie et le système manquait de flexibilité. L'administration centrale contrôlait la plupart des décisions stratégiques, financières et administratives, et laissait peu de marges de manoeuvre aux présidents d'universités pour poursuivre des stratégies spécifiques à leur institution et réallouer les ressources à l'intérieur de chacun deux. Les universités sont autonomes depuis 2009 : chacune d'elles reçoit une subvention globale du ministère des finances pour atteindre des objectifs fixés contractuellement avec le Ministère de l'enseignement supérieur, et est dotée d'un conseil comprenant les représentants de l'université (facultés, étudiants), d'autorités locales et gouvernementales et d'opérateurs économiques. Ce conseil approuve le budget et les orientations stratégiques. L'autonomie demeure cependant limitée ; les universités ne disposent pas de l'autonomie de gestion ni de rémunération de leurs ressources humaines. De plus, les facultés n'ont de contrôle ni sur le nombre d'étudiants admis, ni sur le profil académique des nouvelles recrues, le baccalauréat garantissant à lui seul l'accès à l'enseignement supérieur. C'est une contrainte importante pour les universités souhaitant gérer leurs ressources de manière plus flexible, offrir des formations les plus adaptées aux besoins de l'environnement dans lequel elles opèrent, et assurer la pleine responsabilité des résultats obtenus. Au niveau de la formation professionnelle, le Maroc a initié une série de réformes au milieu des années 1990 pour renforcer le rôle du milieu professionnel dans l'offre de formation ou la réalisation des travaux réels de production. Ainsi a-t-il introduit l'alternance en 1996, et la formation par apprentissage en 2000. A ce jour, plus de 14 000 entreprises ont contribué à l'accueil des apprentis. De manière générale, le mode de gestion de la formation professionnelle sur la base de contrats programmes semble être privilégié. Ils clarifient le rôle des différents acteurs impliqués dans la formation (Département de la formation professionnelle, Ministères techniques, Organisations professionnelles, Opérateurs publics et privés), définissent les actions de formation attendues, les conditions de leur déroulement et les résultats attendus. Le département de la formation professionnelle promeut également des partenariats publics-privés qui apparaissent sous-deux formes majeures. La première consiste en la délégation de la gestion certains centres de formation à des sociétés privées de gestion créées par des branches professionnelles. Ce régime est en cours d'expérimentation dans les secteurs du textile et de l'habillement (depuis 2010), de l'automobile et de l'aéronautique (depuis 2011). Des initiatives similaires sont envisagées pour les secteurs des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique, ou de la logistique portuaire (à l'horizon 2013 ou 2014). La gouvernance de ces centres est formalisée en termes de missions, responsabilités et d'engagements dans un cadre conventionnel entre l'Etat, l'organisation professionnelle concernée et la société de gestion créée à cet effet. La formation professionnelle par apprentissage intra-entreprise constitue également une autre modalité partenariale qui d'une part, permet à l'entreprise concernée de satisfaire une partie de ses besoins urgents en compétences, mais également, d'offrir à un public externe à l'entreprise une offre de formation sur des créneaux pour lesquels le MEFP ne dispose d'aucune offre de formation. Ce mode de formation est notamment mise en oeuvre par une entreprise du secteur du bâtiment depuis 2011 et, depuis 2012, par une entreprise spécialisée dans l'industrie de transformation de la viande. Au total, les réformes vers l'autonomie des universités, la contractualisation de la formation professionnelle et la promotion de partenariats publics-privés permettent d'introduire une certaine flexibilité dans l'offre de formation pour l'arrimer au mieux aux besoins du marché du travail. Elles sont toutefois récentes ; les expériences conduites jusqu'alors mériteraient d'être évaluées et les bonnes pratiques étendues à un plus grand nombre d'institutions de formation. Améliorer les outils de pilotage de la relation formation-emploi En tant que segments « terminaux » du système éducatif, la vocation première de la formation professionnelle et de l'enseignement supérieur est de produire du capital humain pour le marché du travail. Leur performance est à cet égard très contingente de la capacité de leurs diplômés à s'insérer de manière efficace et productive dans le monde du travail. Il parait donc nécessaire, pour chacun de ces deux sous-secteurs de se doter, i) d'outils permettant d'évaluer et de qualifier cette insertion, et ii) de capacités pour traduire les résultats obtenus en actions de reformes pour réguler au mieux l'offre de formation selon les besoins de l'économie. Les enquêtes de suivi : une nécessité pour l'enseignement supérieur et des améliorations nécessaires pour ceux de la formation professionnelle Alors que le Département de la formation professionnelle réalise régulièrement des enquêtes d'insertion ou de cheminement depuis 1987, ce n'est pas le cas du Ministère de l'enseignement supérieur qui n'a jamais conduit ce type d'enquête. Pour l'enseignement supérieur, on doit se contenter d'une évaluation sommaire de l'efficacité externe des formations sur la base des enquêtes générales sur l'emploi. Il n'est donc pas possible d'apprécier l'efficacité relative des différents dispositifs (universitaire, formation des cadres) selon le statut (public, privé), les domaines et filières de formation. En outre, alors que les analyses du chapitre 5 suggère que l'offre de formation est globalement excédentaire par rapport aux capacités d'absorption du marché du travail, on n'a aucune indication précise sur les filières les plus en causes dans le déséquilibre structurel relevé, encore moins sur les filières qui, en revanche, seraient en tension et pour lesquelles l'offre de formation n'est pas suffisante. On voit donc bien que si les enquêtes emplois permettent de progresser dans le diagnostic sur l'efficacité externe de l'enseignement supérieur, elles ont besoin d'être complétées par des enquêtes plus spécifiques, au plus près des filières de formation, qui rendent compte des informations utiles à une gestion courante de l'offre d'enseignement supérieur. Mais pour pouvoir fournir les pistes de politique éducative les plus appropriées, deux conditions supplémentaires paraissent indispensables : i) d'une part, ces enquêtes insertion (ou de cheminement) devraient de toute évidence avoir une taille suffisante ; ii) d'autre part, un travail analytique est nécessaire pour tirer de ces enquêtes les informations les plus pertinentes pour orienter la prise de décision. Sur ce second aspect, on note que dans les rapports publiés par le MEFP, les analyses semblent privilégier des analyses comparatives selon les opérateurs, au détriment d'analyses selon les niveaux et les domaines de formation. C'est donc davantage une approche institutionnelle qui prévaut, au lieu d'une approche centrée sur l'efficacité relative des différentes formations offertes (avec la possibilité d'introduire une différentiation selon les opérateurs et le niveau de formation). Ce sont pourtant des informations nécessaires à un meilleur pilotage de la relation formation-emploi. Au total, le sous-secteur de l'enseignement supérieur devra conduire des enquêtes de suivi de ses diplômés et pourrait à cet égard s'inspirer de l'expérience du MEFP. Chaque institution d'enseignement supérieur pourrait développer des instruments qui lui sont propres. Sans préjuger sur les choix qui seront faits, il serait souhaitable que de telles initiatives soient encouragées, en ligne avec le processus d'autonomisation des universités. Mais également, l'administration centrale devrait disposer d'un outil de pilotage macro rendant compte des tendances nécessaires à la régulation de l'ensemble du dispositif. Le conseil supérieur de l'enseignement (CSE) aurait entamé une réflexion dans ce sens. Elle n'a pas encore aboutit à la réalisation d'une enquête effective. En complément des améliorations suggérées sur le plan analytique, le dispositif d'enquêtes de suivi pourrait utilement être complété par des enquêtes auprès des entreprises pour évaluer leur perception de la qualité des formés qu'ils emploient et recueillir leurs avis sur les voies et moyens pour améliorer l'offre de formation au sens large.