Accompagnant les constats cruciaux que le ministère de la santé établit lui-même à propos de la cherté des prix des médicaments au Maroc, comparativement avec d'autres pays, et qui constitue «une vraie barrière à l'accès des citoyens aux soins» et suite aux nombreux débats qui ont eu lieu entre l'administration et les industriels, les grossistes répartiteurs ainsi que les pharmaciens d'officine et l'accord sur la baisse des prix des médicaments qui en a découlé, un avant projet de loi a été élaboré visant à introduire des règles nouvelles de fixation du prix public de vente des médicaments (PPV). Cet avant projet de loi précise que dans le système de santé, le médicament est un bien économique stratégique. II constitue l'arme essentielle pour la prévention et le traitement efficace de nombreuses maladies. L'effectivité du droit constitutionnel d'accès aux soins de santé passe nécessairement et en grande partie par la définition d'une politique sociale du médicament dont le levier principal est le prix. C'est la raison pour laquelle ce dernier représente un des axes de la stratégie sectorielle 2012-2016. La réglementation des prix du médicament au Maroc date de la fin des années soixante (1969). Cette réglementation introduit deux modes distincts de fixation des prix des médicaments : l'un pour les médicaments fabriqués localement et l'autre pour les médicaments importés. Ce système, aujourd'hui dépassé, ne répond plus aux nouveaux paramètres économiques, ni aux critères de fixation des prix des médicaments adoptés par la plupart des pays. Faute d'une mise à jour régulière, ce système occulte la spécificité du médicament générique. Les diverses études et enquêtes réalisées ces dernières années sur les prix des médicaments au Maroc ont toutes confirmé que ces prix sont chers comparativement avec ceux des pays à économie similaire. Il s'agit en particulier de : - L'enquête sur les prix des médicaments réalisée par l'OMS en collaboration avec le Ministère de la Santé en 2004 ; - Le rapport de la mission d'information sur le Prix du Médicament au Maroc (PPM) présenté à la commission des Finances et du Développement Economique de la Chambre des Représentants du 03 Novembre 2009 ; - L'étude sur la concurrentiabilité du secteur de l'industrie pharmaceutique effectué par le conseil de la concurrence en 2010. Il ressort des principales conclusions de ces différentes études et enquêtes que : - Le prix des médicaments au Maroc est anormalement élevé, quel que soit le critère de comparaison choisi et la catégorie de médicaments ; - La responsabilité principale incombe à une partie de l'industrie pharmaceutique ainsi qu'aux procédures définies par l'Administration pour la fixation des prix des médicaments et de leur remboursement par l'Assurance Maladie ; - La problématique du prix des médicaments constitue une vraie barrière à l'accès des citoyens aux soins. - Il est possible de baisser rapidement et de manière significative les prix des médicaments au Maroc et leur coût pour la collectivité nationale en appliquant un ensemble de mesures qui dépendent essentiellement des Autorités Publiques. La régulation du prix des médicaments revient en effet à trouver le juste équilibre entre des intérêts antagonistes que représentent l'exigence de l'accessibilité de la population au médicament, les impératifs d'efficience du système de santé, le développement des différents opérateurs économiques dans le secteur et leur incitation à l'innovation et à la recherche développement. De nombreux débats ont eu lieu entre l'administration et les industriels, les grossistes répartiteurs ainsi que les pharmaciens d'officine. Ces négociations ont abouti finalement à un accord sur la baisse des prix des médicaments. Suite à ce processus et en application de l'article 17 de la loi 17-04 portant code du médicament et de la pharmacie qui prévoit que le prix public de vente des médicaments demeure réglementé, le Ministère de la Santé a élaboré le présent projet de décret qui vise à : - introduire des règles nouvelles de fixation du prix public de vente des médicaments (PPV) ; - harmoniser les règles applicables aux médicaments qu'ils soient fabriqués localement ou importés ; - Renforcer la transparence notamment pour le consommateur de biens médicaux, tels les médicaments ; - Donner plus de visibilité aux opérateurs économiques. Tel qu'il ressort de ce projet, le PPV d'un médicament est calculé à partir du prix fabricant hors taxe (PFHT) auquel s'ajoutent les marges de distribution du grossiste et du pharmacien d'officine ainsi que la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) lorsqu'elle existe. PPV= PFHT + marge du grossiste + marge du pharmacien + TVA Les nouvelles modalités proposées, de concert avec les professionnels, reposent, à l'instar de ce qui est appliqué dans beaucoup de pays arabes et occidentaux, sur l'analyse comparative des prix fabricants hors taxe (PFHT) des pays retenus par le Benchmarking, en l'occurrence la France, l'Espagne, le Portugal, la Belgique, l'Arabie saoudite et la Turquie. Ce projet fait la distinction entre le mode de fixation du prix d'un médicament princeps et celui de son générique : Le PFHT du médicament princeps (fabriqué localement ou importé) est fixé par le ministre de la santé. il doit être égal au PFHT le plus bas des pays du benchmark, converti en dirhams. Le PFHT du médicament générique est homologué par le ministre de la santé qui fixe un prix maximum de référence par application de la règle de décrochage (% minimum de réduction entre le princeps et ses génériques) dont les taux sont définis dans le projet de décret. Cette approche est recommandée par l'OMS partant du principe selon lequel le prix du générique doit être toujours inférieur à celui de son princeps. Ainsi chaque établissement pharmaceutique propose librement à l'homologation du ministre de la santé, conformément aux modalités prévues par le présent décret, le prix du médicament générique qu'il est autorisé à commercialiser. La marge de distribution (Grossiste + Pharmacien) est définie selon le niveau du PFHT d'un médicament. En effet plus le prix du médicament est cher, plus sa marge de distribution est faible. Le prix de chaque médicament (Princeps et générique) est révisé au moment du renouvellement quinquennal de son autorisation de mise sur le marché. Le prix de tous les médicaments actuellement commercialisés sera révisé en se basant sur les règles suivantes : - Le prix du princeps sera fixé sur la base de la moyenne des PFHT des pays du benchmark, - Le prix du générique ne peut être supérieur à celui de son princeps, - révision ne doit se traduire par aucune augmentation pour le consommateur. Toute autre révision ne pourra être examinée par l'administration que pour des raisons objectives dûment justifiées. Nous reviendrons sur ce sujet dans notre supplément économique de demain.