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Transiter d'une économie de rente vers un cadre favorisant l'investissement privé Nouveau modèle de développement pour les provinces du sud : Une vision plus participative et une gouvernance responsable
Vendredi dernier devant la presse, Nizar Baraka, Président du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE), a présenté le nouveau modèle de développement pour les provinces sahariennes. Un modèle référentiel, étendu sur une période de dix années et qui ambitionne de relever plusieurs défis, à commencer par une rupture avec les stratégies de court terme pour leur substituer les impératifs de durabilité et d'enclencher une vraie dynamique de croissance économique et une éclosion de rapports sociaux coopératifs et porteurs de cohésion et d'espérance. La naissance de ce modèle qui prône une vision plus participative et une gouvernance responsable, était devenue nécessaire, voire impérative du fait que les modèles pour le développement des provinces du sud adoptés jusqu'à maintenant, ont montré leurs limites. Il fallait, par conséquent, y remédier pour palier leurs lacunes. Des lacunes qui sont autant des défis aussi bien économiques que sociaux à relever. Un chômage au-dessus de la moyenne nationale, 15% au sud contre 9% au nord. Le modèle fixe pour objectif de créer dans une perspective de dix ans près de 121.000 emplois, de quoi réduire de 50% le taux de chômage. Autre objectif de ce modèle référentiel, transiter d'une économie de rente, axée sur les activités primaires, vers un cadre favorisant l'investissement privé producteur de richesses et générateurs d'emplois et garantissant la transparence et le respect des règles de saine concurrence. Ce modèle exclusif de développement intégré, préconise, en outre, l'élaboration d'une stratégie de moyen et long termes d'exploitation et de valorisation des ressources à même d'assurer une bonne gestion et répartition de ces ressources conformément à des règles de durabilité et d'équité au profit des populations. Pour cela, pas moins de 140 milliards de dirhams seront nécessaires pour la mise en œuvre de cette stratégie. Une stratégie dont l'accouchement a nécessité quelque 12 mois de travail intense. Pas moins de 1500 acteurs et représentants associatifs des populations et des ONG locales ont été écoutés lors de près de 200 auditions. Conformément aux Hautes orientations de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) a élaboré une plateforme d'analyse et de propositions pour un Nouveau Modèle de Développement pour les provinces du Sud du Royaume (NMDPS). Ce projet s'inscrit en droite ligne avec la Constitution de juillet 2011. Il représente une contribution de la société civile organisée au grand projet national de régionalisation avancée. Il est de nature à favoriser la réussite du Plan d'autonomie des provinces concernées par le processus onusien proposé en 2007 par le Royaume. Ce modèle s'est fixé, comme clé de voûte, le respect et la promotion des droits humains fondamentaux, entendus au sens le plus large, économique, social, culturel et environnemental. En traçant ainsi les lignes directrices d'un projet de développement intégré et durable, authentiquement basé sur la participation des citoyens à la gestion de leurs propres affaires locales, l'ambition du Conseil est de contribuer à l'indispensable effort collectif pour relever les défis de la cohésion sociale, de la prospérité et de l'équité dans le bénéfice des richesses des provinces du Sud. Les composantes du CESE - experts, représentants des syndicats, organisations et associations professionnelles, organisations de la société civile et personnalités siégeant es-qualité) se sont accordé pour considérer qu'un moyen décisif sera de diversifier les activités et les acteurs de l'économie locale. Il conviendra en particulier d'encourager l'initiative privée et l'économie sociale et solidaire en bonne synergie avec le nouveau rôle économique de l'Etat. Les finalités au cœur de ce choix sont la création de richesses et la promotion de l'emploi, notamment en faveur des jeunes et des femmes. La réussite de cette approche nécessite une gouvernance rénovée, fondée sur des principes clairs et des règles précises de responsabilité. Les constats et les recommandations du CESE résultent d'un vaste processus d'écoute, de concertation et de consultation mené par le Conseil dans les trois régions auprès de plus de 1500 personnes représentant les élus, l'administration centrale et territoriale, les acteurs de la société civile, les organisations syndicales, les opérateurs économiques, avec une ouverture particulière sur les jeunes et les femmes. Ce travail a bénéficié de nombreux rapports et études et l'appui d'un vaste réseau de chercheurs et d'experts locaux, nationaux et internationaux. Cette note résume les principaux constats issus du diagnostic de la situation du développement dans les provinces du Sud et fait ressortir les ambitions, les principes et les objectifs à partir desquels il est possible de faire éclore un nouveau modèle de croissance, qui soit industrieux, écologiquement durable, socialement juste, à la hauteur des exigences constitutionnelles et des engagements solennellement pris par notre pays en faveur de la démocratie et de la régionalisation avancée. Diagnostic Les provinces du Sud, qui représentent 59% du territoire national, comptent 1.028.806 habitants soit 3,2% de la population du Royaume1. Le taux d'urbanisation y est plus élevé que dans le reste du pays (74% contre moins de 60% pour la moyenne nationale). Ces provinces figurent parmi les déserts les plus arides de la planète. Premier investisseur et premier employeur dans les provinces du Sud, l'Etat a joué un rôle structurant dans la mise en place des infrastructures, dans l'accès effectifs des citoyens aux services essentiels et dans la lutte contre la pauvreté. Les indicateurs en matière d'éducation, de santé ou de recul de la pauvreté dépassent désormais la moyenne nationale, traduisant les premiers succès dans l'action du Royaume pour sortir de façon tangible les provinces du Sud des stigmates du colonialisme. Les acquis des politiques publiques sont certains et précieux sur plusieurs points. L'unité des institutions nationales, la continuité territoriale, l'application du droit commun, la sécurité des biens et des personnes, l'exercice des libertés fondamentales individuelles et collectives dans les mêmes conditions et avec les mêmes garanties constitutionnelles que partout ailleurs dans le pays sont une précieuse expression de leur communauté historique de destin avec les autres régions du Royaume. On ne peut cependant pas considérer qu'un décollage économique de ces régions a eu lieu. L'effet d'entraînement du cadre incitatif et de l'investissement public sur le secteur privé est demeuré limité. Principalement centré sur les activités primaires, le tissu économique ne s'est pas encore suffisamment orienté vers des activités de transformation à haute valeur ajoutée. De même, les savoir-faire locaux et les acteurs de l'économie sociale et solidaire ont jusqu'ici été peu valorisés. Partant, les opportunités d'emploi sont restées insuffisantes. Le niveau élevé du chômage (15% contre 9% en moyenne nationale), en particulier des jeunes (28%), des diplômés du supérieur (41 %), et des femmes (35%) est un des défis à la fois économique et social parmi les plus importants à relever. Les femmes sont davantage confrontées aux difficultés d'accès à l'emploi. Les difficultés d'insertion professionnelle se doublent de frustrations, de sentiments d'injustice et d'expression d'impatience, souvent en rapport avec la faible lisibilité des politiques d'aides sociales. De fait, les dispositifs d'assistance, bien que substantiels en termes budgétaires et en termes d'allocations versées en nature et en espèces, ne favorisent pas la prise d'initiative ni l'amélioration de l'employabilité de leurs bénéficiaires, et ils apparaissent insuffisamment ciblés sur les plus vulnérables. Pour ouvrir un cercle vertueux dans la dynamique de développement des provinces du Sud, il y a besoin d'une gouvernance rénovée qui soit capable d'agir efficacement sur les causes qui suscitent l'attentisme des opérateurs privés et la défiance des citoyens à l'égard des politiques publiques. Au-delà même des paramètres purement techniques ou financiers, il est nécessaire de fonder l'exercice de l'autorité et la délégation des mandats sur le respect de la règle de droit, la reddition de l'information et des comptes, le respect des droits humains fondamentaux et la transparence dans les mécanismes d'allocation des licences et des droits d'exploitation des ressources naturelles. Cette orientation est indispensable à une prise en compte responsable des récriminations largement exprimées parmi les citoyens de la région contre les atteintes au principe de l'égalité des chances et les privilèges. La régionalisation avancée ouvre à cet égard des perspectives de modernisation et des chances de rapprochement entre les citoyens et les instances de décision. Le rapport du CESE passe en revue les éléments de politique de santé, d'éducation, de logement, d'accès aux services et aux biens culturels, de transports et de loisirs qu'une approche participative va pouvoir considérablement dynamiser. Cette orientation doit aussi permettre de répondre aux déficits observés en matière de dialogue social et de dialogue civil. Dans les provinces du Sud, à l'instar des autres régions du Royaume, les opérateurs économiques, les syndicats de salariés et les associations de la société civile ont besoin d'instances locales de dialogue et de concertation, entre eux, et entre ces acteurs et les élus ainsi que les pouvoirs publics pour faire vivre la démocratie participative. Cette dynamique est indispensable pour permettre aussi l'éclosion de la personnalité et de la création culturelle de chacune des régions du Sud, ainsi que la protection et la valorisation des patrimoines de chacune d'elles. La conjugaison de ces facteurs devrait servir à sortir les politiques de développement du primat de la logique sécuritaire qui entrave leur intelligibilité et obère leur efficacité. La dynamique de transformation économique et sociale des provinces du Sud est, par nécessité, confrontée à des enjeux de durabilité environnementale. L'urbanisation et la littoralisation rapides combinées à l'aridité du milieu questionnent la protection des éco-systèmes fragiles. La question de la préservation des ressources hydriques est vitale. En dépit des règles de contrôle et de suivi des risques environnementaux et de l'identification des aires précaires et de leur classification en zones protégées, l'action des pouvoirs publics appelle encore de nombreux efforts. Certains sites biologiques et paysages uniques, dont la diversité est reconnue par une qualification nationale (les sites d'intérêt biologique et écologique) et mondiale, sont aujourd'hui menacés. Il en va ainsi de la baie d'Oued Ed Dahab. La baie de Cintra pourrait être confrontée aux mêmes risques. Un constat parmi les plus frappants est que l'aménagement du territoire n'a pas fait l'objet d'un schéma directeur cohérent. Il en résulte que le développement urbain semble anarchique en de nombreux endroits, sans rapport avec les contraintes climatiques ou la «personnalité culturelle des lieux» et menaçant d'étouffement certaines agglomérations. L'urbanisme dans les provinces du Sud, souffre par ailleurs de problèmes d'assainissement du foncier et absence d'un marché structuré du logement (intervention massive de l'Etat, quasi absence des opérateurs privés, inadaptation de certains équipements aux besoins des populations). Enfin, les connexions nationales et surtout internationales sont restées limitées entravant la mobilité et les capacités de rayonnement régional des provinces du Sud. Le modèle de développement appliqué jusque-là dans la région a atteint ses limites. Il y a besoin d'une nouvelle dynamique, fondée sur des exigences de durabilité, de démocratie participative, et de cohésion sociale, orientée vers la créatrice de richesses et l'emploi. Les fondements du nouveau modèle Le nouveau modèle s'appuie sur les fondamentaux définis par la Constitution, par les conventions internationales ratifiées par le Maroc ainsi que sur les objectifs de la Charte sociale élaborée par le CESE. Quatre principes sont au cœur du modèle: Le développement humain inclusif et durable; La participation des acteurs représentatifs et de la population locale à toutes les phases d'élaboration et de mise en œuvre des programmes de développement de la région; Le respect et l'effectivité des droits humains fondamentaux des citoyens; La consolidation de la place de l'Etat dans son rôle de régulateur et de garant de l'application de la loi. Les ambitions du modèle Le nouveau modèle préconise une vision et des processus qui soient plus participatifs, plus inclusifs et adossés à une gouvernance responsable. Ces inflexions sont indispensables au déclenchement d'une vraie dynamique de croissance économique et à l'éclosion de rapports sociaux coopératifs, et porteurs de cohésion et d'espérance. Ce modèle est conçu pour être déployé en deux temps. Une première phase à court et moyen terme (horizon de 10 ans) pour le lancement et l'opérationnalisation de la nouvelle dynamique de développement et pour la préparation des relais de croissance à plus long terme. L'objectif de cette phase est d'optimiser l'exploitation du potentiel existant tout en structurant, de façon volontariste, le cadre et les mécanismes en faveur de l'emploi, de la formation, et de la protection sociale. Une deuxième phase à moyen et long terme au cours de laquelle le développement basé sur le potentiel existant aurait atteint sa vitesse de croisière et serait soutenu par de nouveaux relais de croissance (secteur de la transformation à plus forte valeur ajoutée, économie de la connaissance, exploitation inclusive de nouvelles ressources naturelles,... ). Un effet essentiel de cette démarche de progrès sera de faire de nos provinces du Sud un espace géostratégique de référence, pour la paix, la stabilité et la prospérité partagée pour l'ensemble de la région euro-africaine. L'ambition chiffrée du modèle est de parvenir, dans un horizon de la ans,à doubler le PIB de ces régions et d'y créer plus de 120.000 nouveaux emplois. A taux d'activité constants et avec une croissance de la population en âge de travailler de 2% par an, le chômage serait réduit au moins de moitié. Par ailleurs, le nouveau modèle, en instituant un système social plus équitable, fondé sur des filets sociaux ciblant les populations les plus vulnérables, sur la base de critères transparents et connus de tous, devrait permettre, dans le même horizon, de réduire de façon significative la pauvreté et d'élargir ainsi la base sociale des classes moyennes dans les provinces du Sud. Cette dynamique peut légitiment aspirer à conférer aux provinces du Sud une fonction de hub entre le Maghreb et l'Afrique subsaharienne à travers notamment un cluster maritime, un plan de connectivité adéquat basé sur le développement des autoroutes électriques, la construction de la rocade atlantique et de la route du désert, le renforcement du réseau portuaire et du transport maritime et aérien, et la mise en place d'une plateforme d'aménagement numérique du territoire et de plateformes logistiques et de commerce. Cette ambition s'appuiera sur l'émergence de pôles d'excellence, ouverts à la coopération régionale maghrébine et subsaharienne en matière d'éducation, de formation qualifiante, d'enseignement supérieur, de santé et de recherche scientifique appliquée. Propositions et actions majeures Le rapport du CESE énumère d'importantes inflexions appuyées sur les éléments du diagnostic établis par le Conseil dans son rapport intermédiaire publié en mars 2013 et tirés du recueil des points de vue auprès de ses membres comme auprès des parties prenantes rencontrées tout au long des dix mois de travaux consacrés à cette mission. Rétablir la confiance en favorisant la participation des populations et la primauté de la loi Le renforcement de la confiance entre la société et les représentants de l'Etat appelle l'affirmation de la primauté des Droits humains, le respect par tous de l'autorité de la loi et par un accès garanti à la justice. Pour ce faire, l'institution judicaire devra être renforcée en assurant la proximité et en améliorant l'accessibilité de l'aide judiciaire. La crédibilité de l'Etat et de son action dans les provinces du Sud dépendent de sa gestion efficace des affaires publiques dans un cadre transparent et clair qui garantit l'accès à l'information aux citoyens. Dès lors, les administrations et les établissements publics doivent rendre publics leurs comptes et les principes de leur gestion, conformément à l'article 154 de la Constitution, en veillant au respect du principe d'égalité de traitement des citoyens (dans le traitement des dossiers et des allocations des droits et des ressources). La garantie de participation des populations et de leurs représentants aux grands choix structurants qui impactent leur avenir et celui de la région ainsi qu'à leur mise en œuvre concrète est une condition clé de l'adhésion au nouveau modèle et le ressort de sa réussite future. Les politiques publiques doivent être adossées à une démarche ascendante fondée sur des principes de démocratie participative locale et de débat public. Dans ce but, chaque région du Sud devrait être dotée d'une instance consultative de concertation et de dialogue civil. Composée, à parité hommes-femmes, des organisations professionnelles, sociales et associatives, des milieux académiques et des personnalités qualifiées, en particulier les dépositaires de la mémoire culturelle locale (Chioukhs de tribus), elle sera consultée systématiquement pour les plans de développement régionaux, les contrats-programmes avec l'Etat et pour l'ensemble des questions économiques, sociales et environnementales. Le principe de contractualisation qui sera la base de la gestion de la relation Etat/région, devra être étendu à tous les acteurs économiques et sociaux, avec mise en place de mécanismes transparents d'évaluation et de suivi des droits et obligations de chaque partie. Rompre avec l'économie de rente en libérant l'initiative privée Il est aussi nécessaire de passer d'une économie de rente, axée sur les activités primaires, à un cadre qui favorise l'investissement privé producteur de richesses et d'emplois et qui garantit la transparence et le respect des règles de saine concurrence. Créer une nouvelle dynamique de croissance nécessite que l'Etat assure le passage à un cadre économique lisible, prévisible et incitatif pour les investissements et les activités marchandes. Pour améliorer le climat des affaires, il convient d'offrir à l'initiative privée un système fiscal basé sur des textes clairs et stables sur une longue durée. La fiscalité devrait renforcer l'attractivité des provinces (IS et IGR avantageux, TVA et taxes locales normalisées). Il est également nécessaire d'immatriculer et de régulariser le foncier public par l'exécution des jugements et le règlement des litiges. Dans ce cadre, la préservation des espaces traditionnels (oasis, terres collectives) ira de pair avec des mécanismes encourageant l'équipement et l'assainissement du foncier destiné aux activités économiques dans le cadre de zones économiques spécialisées. Diversifier l'économie nécessite d'y intégrer de nouveaux acteurs. Encourager l'esprit d'entreprise impose de lever les freins aux financements pour les acteurs de taille modeste, y compris ceux de l'économie sociale et solidaire. A cette fin, un fonds inter-régional d'impulsion économique destiné à soutenir le financement de l'économie régionale sera créé. Il permettra de faciliter l'émergence de grands projets et d'accompagner les petites et moyennes entreprises ainsi que les coopératives et les mutuelles. La diversification de l'économie impose également de renforcer la création de la valeur ajoutée locale autour de l'exploitation des ressources naturelles. L'attribution du foncier, des licences et des quotas de pêche, comme des autorisations de prélèvement de la ressource hydrique devra dès lors être conditionnée à la création de richesses et d'emplois locaux. De même, la transformation sur place des activités minières et l'exploitation des hydrocarbures devront bénéficier d'un cadre qui permet d'attirer les investisseurs et les opérateurs nationaux et mondiaux majeurs. D'une manière plus générale, l'accès aux ressources naturelles devra être plus équitable et favorable au développement local avec un cadre de taxation en fonction de l'investissement et du niveau de création de valeur ajoutée et d'emplois locaux. Les revenus publics tirés de l'exploitation de ces ressources seront majoritairement réaffectés au développement des provinces du Sud. Enfin, les mécanismes d'appui identifiés sont à inscrire dans des politiques sectorielles favorables à la transformation du plein potentiel des secteurs économiques porteurs en s'appuyant sur les atouts de chaque territoire pour faire émerger des pôles de compétitivité régionaux. Aussi, le nouveau modèle de développement économique des provinces du Sud déclinera-t-il cette orientation en priorité pour ces provinces. Ainsi, de manière différenciée, la connaissance actuelle permet de faire ressortir les tendances suivantes qui seront reprises et affinées dans le cadre des contrats programmes régionaux : Région Laâyoune-Boujdour: Pôle économique diversifié, en exploitant les atouts de la région dans le secteur primaire, (valorisation halieutique, développement de la filière cameline, du potentiel agricole), en développant un pôle industriel du Sud (transformation du phosphate dans le cadre d'un complexe chimique intégré permettant de produire une gamme élargie d'engrais, production de matériaux de construction), et dans le secteur tertiaire (plateforme logistique et de commerce, pôle touristique et artisanal de niche). La région consolidera sa place de centre administratif et évoluera vers un hub pour les provinces du Sud et pour l'Afrique subsaharienne. Région Oued-Eddahab-Lagouira : un pôle économique en pointe sur la pêche, l'agriculture à haute valeur ajoutée, les énergies renouvelables, le tourisme de niche ainsi que la logistique et le commerce. Elle présente des atouts pour jouer un rôle central dans l'intégration avec les pays subsahariens. Région Guelmim-Es-Smara : une région reliant entre le Nord et le Sud du Royaume, dont le développement sera basé sur l'émergence d'une économie sociale et solidaire dynamique et diversifiée (agriculture/ élevage, artisanat), sur le tourisme balnéaire responsable et l'offre d'écotourisme d'oasis et de montagne et sur le rattrapage des indicateurs de développement humain et de lutte contre la pauvreté. Les provinces du Sud bénéficient d'atouts leur permettant de se positionner en pôle majeur de production d'énergies renouvelables notamment éolienne autour des sites de Dakhla, de Tiskrad et Boujdour, de Tarfaya et Akhfennir et Laâyoune, en assurant l'interconnexion de Dakhla en 400 kva au réseau national en perspective d'une connexion au réseau Mauritanien. Un système de transferts monétaires conditionnels ciblés sur les populations vulnérables La logique des aides actuelles doit laisser place à un système de transferts conditionnels ciblés sur les plus vulnérables qui vise à renforcer les capacités des individus et à accompagner leur insertion ainsi que celle des populations récemment intégrées au territoire. Dans ce cadre, le système des filets sociaux doit être revu et rénové sur la base de la responsabilisation des acteurs pour mieux cibler les plus pauvres et les plus vulnérables et permettre d'orienter les personnes qui le peuvent vers les programmes d'insertion professionnelle. Il est dès lors recommandé, d'une part, de substituer des aides monétaires aux aides alimentaires et d'autre part, de procéder dorénavant pour toute nouvelle aide à un ciblage adapté au profil des ménages des provinces du Sud selon une grille de catégorisation prenant en compte les indicateurs de pauvreté multidimensionnelle. Ce nouveau système d'aide devra être conditionnel et organisé dans le cadre de filets sociaux. Toute politique sociale dans les provinces du Sud, doit prendre en charge la problématique des villages de pêcheurs pour une mise à niveau sociale et un développement économique. Ces villages devraient être érigés en chef-lieu de commune (agrégation et fédération des pêcheurs en faveur de l'amélioration de leurs conditions de vie et de leur sédentarisation). Le retour des populations des camps de Tindouf doit également être anticipée et préparée pour permettre leur intégration dans l'environnement économique et social du Royaume. Leur prise en charge socio-économique se fera par famille et leur accompagnement sera assuré sur la base de solutions d'intégration à la vie sociale et économique qui facilitent les liens sociaux avec le reste de la population. Afin de mettre en place cette politique de filets sociaux et d'accompagner l'insertion des populations de retour de Tindouf, un fonds interrégional dédié au soutien social et à l'intégration des populations de retour des camps de Tindouf sera créé. La gestion de ce fonds et l'accompagnement des bénéficiaires sera confiée à une Agence de soutien social des provinces du Sud qui coordonnera les actions avec les communes et les trois régions du Sud. Gérer et répartir les ressources naturelles selon les règles de la durabilité et de l'équité au bénéfice des populations La géo-économie des provinces du Sud, l'importance de leur potentiel en matière de ressources naturelles (ressources halieutiques, eau et terres à usage agricole, mines, hydrocarbures) et leurs impacts sur la création de richesses, la promotion de l'emploi et la génération de ressources capables de financer à terme l'action sociale et la solidarité au profit des populations de ces régions, font que le NMDPS ne peut être viable sans l'intégration d'une stratégie de moyen et long termes d'exploitation et de valorisation desdites ressources naturelles. Cette perspective implique une vision et des pratiques rénovées en matière d'exploitation des ressources naturelles, l'objectif étant que les populations et leurs représentants soient consultés et associés et qu'elles en bénéficient effectivement et équitablement. La mise en œuvre desdites nouvelles formes de gouvernance, permettra une valorisation locale optimale, la préservation et la soutenabilité de la ressource et l'affectation prioritaire des revenus publics générés par l'exploitation et la valorisation des ressources naturelles de la région au profit du développement économique des provinces du Sud et de l'amélioration du développement humain de leur population. Substituer aux politiques sociales actuelles une stratégie intégrée de développement humain Il devient nécessaire de dépasser les politiques sociales passives et de mettre l'accent sur l'employabilité et le renforcement des capacités des individus. Cette rupture doit conduire, dans les meilleurs délais, à renforcer le rôle de l'école et de l'éducation en tant que moteurs de l'égalité des chances et de l'accès à l'emploi et aux responsabilités. De même, la politique sanitaire, tout en réduisant les inégalités d'accès, doit promouvoir une offre de soins de qualité à vocation régionale. Cela implique de renforcer l'attractivité des provinces du Sud pour les professions médicales et de mieux mobiliser et encadrer le secteur privé. Une telle stratégie appelle le renforcement des équipements existants en transformant les centres hospitaliers provinciaux de Dakhla et Guelmim en centres hospitaliers régionaux, en augmentant la capacité d'accueil du centre hospitalier régional de Laâyoune, et en créant des services d'assistance médicale d'urgence (SAMU) au niveau de l'ensemble des provinces du Sud. Il est enfin nécessaire de déployer un plan d'urgence pour l'amélioration de la santé maternelle et infantile autour des Objectifs du Millénaire, en promouvant un programme de sensibilisation et de généralisation de la gratuité du suivi des grossesses et en augmentant l'effectif du personnel et des équipements dans les services de maternité. Cette politique d'urgence permettra de réduire la mortalité maternelle et infantile et de positionner à terme les provinces du Sud en tant que pôle de référence en matière de santé. Reconnaître la culture en tant que droit et l'ériger en levier du développement La culture hassanie joue un rôle important dans le capital symbolique et unitaire de la conscience locale et mérite son intégration et sa mise en valeur parmi les composantes plurielles de la personnalité nationales, telles qu'elles sont affirmées par la Constitution. Le respect des droits culturels appelle la mise en place de mécanismes de financement pour la valorisation de la culture et la création d'un Conseil interrégional pour sa promotion qui veillerait à la préservation du patrimoine, à l'intégration de la culture dans les politiques éducatives et audiovisuelles au niveau régional et à la multiplication des espaces d'expression, de rencontre et de créations culturelles pour les jeunes et les femmes. La diversification de l'offre culturelle et la valorisation des lieux de mémoire (sites archéologiques, patrimoine architectural, création de musées régionaux) doit s'accompagner d'une promotion audiovisuelle de la culture hassanie et des autres composantes de la diversité locale, ainsi que d'une intégration de la culture hassanie, comme langue et patrimoine, dans les contenus pédagogiques des politiques régionales d'enseignement. Les composantes de la culture hassanie peuvent également être exploitées en matière de gestion des ressources locales et environnementales. L'écotourisme constitue un des secteurs parmi d'autres où la culture hassanie peut constituer un relais efficace à travers la conception de programmes d'investissement en la matière et la professionnalisation de l'organisation des festivals culturels en termes de conception, de planification et d'animation. Seraient ainsi réunies les conditions susceptibles de promouvoir l'emploi des jeunes et leur intégration dans une nouvelle dynamique culturelle respectueuse du patrimoine et génératrice de revenus. Rompre avec la stratégie de court terme et rétablir les impératifs de durabilité La stratégie de court terme consistant à répondre aux exigences de la conjoncture doit être corrigée en rétablissant des impératifs de durabilité. Les provinces du Sud abritent des éco-systèmes oasiens ou littoraux uniques, qu'il faut aujourd'hui préserver et qu'il est possible de valoriser économiquement dans le respect des savoir-faire locaux. Plus encore que dans les autres régions marocaines, les impératifs de préservation de l'environnement et de la ressource naturelle (en particulier hydrique) doivent être pris en compte dans tout projet de développement économique et humain, étant donné la vulnérabilité écologique de la région. Dans une logique participative, dont les modalités seront définies par types de ressources, trois grandes ressources méritent d'être mieux régulées afin d'en améliorer l'exploitation raisonnée et les bénéfices pour la population locale: les ressources hydriques, halieutiques et minières. La première d'entre elle, déjà surexploitée et raréfiée, est la ressource en eau. Pour assurer un accès durable à cette ressource et inciter à économiser son usage, il est nécessaire de s'orienter vers une tarification de l'eau, différenciée selon les usages, et permettant d'assurer le coût de son remplacement pour les activités économiques à forte valeur ajoutée (sur la base du coût du dessalement). La croissance des besoins en eau, pour des usages domestiques ou économiques, ne pourra être satisfaite sans le recours au dessalement d'eau de mer nécessitant l'extension des stations existantes et l'installation d'autres. Cette augmentation des besoins impose aussi de mettre en place des mécanismes destinés à protéger la ressource notamment à travers des contrats de nappe. Par ailleurs, la préservation et la protection des écosystèmes fragiles passent par la lutte contre la désertification, la préservation du chapelet oasien et de l'écosystème forestier, l'aménagement et la mise en valeur des espaces pastoraux pour le développement et la valorisation de la filière cameline. La protection de certains sites en péril, en particulier les baies de Oued Eddahab et de Cintra, nécessite un plan d'urgence permettant de mieux séparer les zones de concentration urbaine et économique des espaces à protéger. Dans ce but, une nouvelle entité de régulation environnementale pour les provinces du Sud sera créée pour assurer la protection et l'aménagement à long terme des sites fragiles, aussi bien continentaux que littoraux. Elle s'occupera en priorité de la baie de Oued Eddahab puis de Cintra et de Niilaa. Cette entité sera, en premier lieu, responsable du foncier autour des sites concernés et définira le plan d'aménagement du territoire. Elle assurera, ensuite, la maîtrise d'ouvrage des projets définis dans le cadre du développement et de l'aménagement de la baie. Elle aura, enfin, un pouvoir de régulation et de sanction. Le développement d'un aménagement urbain respectueux des lieux de vie et de la personnalité culturelle de chaque région nécessite, enfin, de freiner les extensions urbaines tentaculaires et de valoriser une richesse patrimoniale insoupçonnée et inexploitée. La durabilité de l'aménagement urbain sera assurée par l'établissement de ceintures vertes et par une politique d'assainissement plus systématique. Sa vocation sociale sera réaffirmée par l'adaptation des équipements de proximité aux besoins des habitants et aux exigences de convivialité et de mixité. Sa vocation économique ne saurait être valorisée sans un désengagement progressif de l'Etat du processus de production et de commercialisation du logement permettant d'attirer les opérateurs privés. Le Conseil envisage à travers les grandes lignes du NMDPS de réussir la transition écologique et énergétique au niveau de ces provinces, d'en faire un modèle de territorialisation des fondements du développement durable et de la protection de l'environnement et d'ériger leurs villes en modèle au niveau national et régional en prenant en considération les dimensions écologiques (villes écologiques), urbanistiques et numériques (villes intelligentes). Désenclaver les provinces du Sud Il importe d'améliorer la connectivité des régions du Sud pour favoriser leur intégration réussie dans le vaste bassin économique maritime allant de la côte nord du pays à celle de l'Afrique de l'Ouest et des Îles Canaries. Des projets structurants peuvent contribuer à cette connectivité telle que la réalisation du port Atlantique Sud à Ntirift au nord de Dakhla (qui couplé avec une zone industrielle érigée en zone franche permettra de doubler la valeur ajoutée du secteur et de valoriser le stock C de pélagique) et la mise à niveau des ports et installations existantes (améliorant par la même la création de valeur autour du stock B). La création d'une compagnie aérienne régionale spécifique pourrait permettre les dessertes aériennes de pays cibles pour le tourisme et l'exportation. Les infrastructures numériques, aujourd'hui encore insuffisantes, devraient faire l'objet d'un plan de développement qui intègre des réseaux de qualité à haut et très haut débit. Ces infrastructures représentent un triple enjeu de développement: elles sont un facteur d'amélioration de l'attractivité des provinces, de compétitivité des entreprises et un outil décisif de transformation de la qualité du service public en mettant à disposition des citoyens des services à distance. Réussir la régionalisation avancée Réussir ces inflexions, nécessite de passer d'une logique centralisée à une gestion plus décentralisée et déconcentrée. Pour être efficace, la mise en œuvre du nouveau modèle de développement doit, en effet, s'appuyer sur une autonomie de décision et de réalisation des projets au niveau des provinces. La régionalisation avancée en constitue le cadre institutionnel déjà défini par la Constitution de 2011. Transférer des compétences nouvelles aux élus régionaux et locaux contribuera à rapprocher les centres de décisions des citoyens. Dans ce cadre, et en conformité avec l'article 140 de la Constitution, les régions disposeront d'un pouvoir réglementaire. Il est en outre recommandé d'assurer la décentralisation la plus large et la plus franche des compétences et des moyens, pour leur permettre de prendre en charge leur développement dans les meilleures conditions possibles. Le principe de subsidiarité et de transfert de compétences au niveau régional est, en effet, jugé plus efficient dans la conception, l'exécution et l'évaluation des programmes sociaux et économiques de proximité. Il est au fondement des politiques d'éducation préconisées par le nouveau modèle de développement. Cette décentralisation s'appuiera sur des Conseils régionaux, élus au suffrage universel direct dans chaque région du Sud, qui établiront les plans de développement régionaux et d'aménagement du territoire, assortis des contrats d'objectifs et de moyens entre l'Etat et les régions. Ils seront également chargés de l'impulsion économique de la région et de l'amélioration de son attractivité. Dans ce cadre décentralisé, conformément à l'article 145 de la Constitution, les Walis de région auront pour missions, outre de veiller à l'application des lois et des règlements, d'assister les présidents des conseils régionaux dans la mise en œuvre de leurs plans et programmes de développement, et de coordonner les activités des services déconcentrés de l'administration centrale en veillant à leur bon fonctionnement. Une déconcentration poussée doit, en effet, accompagner la décentralisation afin de réunir les conditions de réussite de la régionalisation avancée et de mener à bien les missions de l'Etat au niveau territorial. La réussite du nouveau modèle de développement nécessite un pilotage de haut niveau qui sera assuré par la création d'une Haute Autorité chargée de suivre la mise en œuvre du nouveau modèle de développement pour les trois régions. Elle sera notamment chargée de l'évaluation des programmes, de la contractualisation des objectifs de développement entre l'Etat et les élus des régions du Sud, de l'impulsion des programmes, de la veille et de la reddition sur les réalisations et les axes de progrès. Les contrats de programme et d'objectifs par lesquels l'Etat et les élus régionaux s'engagent sur la programmation et le financement pluriannuels de projets structurants tels que la création d'infrastructures, le soutien à des filières d'avenir ou des outils de cohésion sociale nécessitent la mise en place de financements de long terme. De ce point de vue, il est nécessaire que soient mis en place au plus vite les fonds de mise à niveau sociale et le fonds de solidarité interrégional inscrit dans la Constitution. Un fonds inter-régional d'impulsion économique ainsi qu'un fonds inter-régional dédié au soutien social et à l'intégration des populations de retour des camps de Tindouf seront également créés. Ils viendront appuyer les inflexions majeures identifiées par le nouveau modèle de développement, adossées à des ressources qui proviendraient des transferts de l'Etat, des recettes fiscales nouvelles recouvrées dans ces régions et d'une part prépondérante des redevances et taxes liées à l'exploitation des ressources naturelles.