La police russe a arrêté lundi plus de 1.600 immigrés dans un quartier de Moscou théâtre d'une émeute après un meurtre attribué par les habitants russes à des migrants venus du Caucase. Un groupe de défense des droits de l'homme a mis en garde les immigrés majoritairement musulmans originaires d'Asie centrale contre le risque de nouvelles attaques après cette flambée de violence ethnique, la plus grave dans la capitale russe depuis trois ans. Quelque 1.200 migrants ont été arrêtés dans l'entrepôt de légumes attaqué dimanche soir par les habitants, a dit le porte-parole de la police, Alexeï Chapkine. Selon lui, la police cherche à déterminer s'ils ont été impliqués dans un crime. Environ 450 autres ont été placés en garde à vue dans un quartier du nord-est de la capitale, également à proximité d'un marché de légumes employant des migrants. La télévision d'Etat a diffusé des images de dizaines d'hommes alignés contre des murs, surveillés par des policiers en tenue de camouflage. Ces arrestations massives semblent destinées à apaiser la colère des habitants du quartier de Biriouliovo après le meurtre d'un homme de 25 ans, Igor Chtcherbakov -poignardé par des inconnus alors qu'il rentrait chez lui jeudi dernier- et à éviter de nouvelles violences ethniques. Le porte-parole a précisé que la police avait trouvé trois pistolets à air comprimé, deux couteaux et une batte de baseball dans une voiture stationnée dans le marché de gros. L'entrepôt dans lequel travaillent de nombreux immigrés du Caucase a été dimanche la cible de la colère des manifestants, qui ont détruit des magasins et des étals. Cette explosion de violence est révélatrice des tensions communautaires en Russie, dont la transformation socio-économique impulsée par le président Vladimir Poutine grâce à l'argent du pétrole a été en grande partie rendue possible par l'afflux de main-d'oeuvre bon marché en provenance des anciennes républiques soviétiques du Caucase et d'Asie centrale. Même si les immigrés occupent en général des emplois mal payés et peu recherchés par les Russes, notamment dans le bâtiment, leur afflux a réveillé la fièvre nationaliste des partisans de la «Russie blanche». «Nous devons apprendre à vivre ensemble et résister à la corruption rampante et aux tentations de diviser notre pays en exploitant des problèmes ethniques», a commenté Vladimir Loukine, médiateur des droits de l'homme. Selon Moukhamad Amine, président de la Fédération des migrants de Russie, une ONG défendant les droits des immigrés, l'extrême droite a exploité le meurtre d'Igor Chtcherbakov pour provoquer des violences. «Les nationalistes poursuivent un objectif politique. C'est de toute évidence très dangereux. Nous invitons les migrants à la prudence dans les lieux fréquentés et dans les transports publics», a-t-il dit. L'émeute a éclaté juste avant l'Aïd el Adha, grande fête musulmane qui débute mardi et provoque souvent des tensions à Moscou en raison de l'affluence dans les rares mosquées de la capitale russe. Vladimir Poutine a souvent souligné que l'économie russe avait besoin des immigrés pour se développer mais il a envoyé au début du mois un signal aux nationalistes en suggérant qu'en dehors du secteur du bâtiment, leur nombre pourrait être limité, en particulier dans celui du commerce. Le président russe a en revanche laissé entendre que le Kremlin s'opposerait aux appels à l'imposition de visas aux ressortissants des anciennes républiques soviétiques, ayant fait de la réintégration de celles-ci dans le giron russe la priorité de son troisième mandat.