Les russes étaient aux urnes hier pour choisir le successeur de Dmitri Medvedev, le chef d'Etat russe, dont le mandat est arrivé à terme. Au total, 109 millions d'électeurs sur une population de 141 millions étaient invités à prendre part à cette consultation. Cinq candidats dont l'actuel Premier ministre Vladimir Poutine, ex-président russe, étaient en lice pour ce scrutin. Les autres candidats de l'opposition sont le communiste Guennadi Ziouganov, Vladimir Jirinovski, le milliardaire et novice en politique Mikhaïl Prokhorov, et le centriste Sergueï Mironov. Mais le favori de cette élection n'est autre que l'ex-agent du KGB, Vladimir Poutine dont le retour au Kremlin s'avère inéluctable. Mentor de l'actuel chef d'Etat, Dmitri Medvedev, ce dernier s'est refusé de se représenter face à lui. Chose évidente d'ailleurs, dans la mesure où Vladimir Poutine est resté l'homme fort du pays, en dépit du poste de chef du gouvernement. Les analystes de la scène politique russe s'accordent pour dire que le président russe n'a fait que suivre les lignes directives, déjà tracées par Poutine quand il était au pouvoir. De son côté, l'opposition, depuis les résultats des législatives en décembre dernier, n'a cessé d'intensifier les manifestations, notamment à Moscou, pour dénoncer des pratiques frauduleuses et l'hégémonie du pouvoir dans le processus électoral. Usage des moyens de l'Etat Dans un rapport publié jeudi, l'ONG russe Golos a pointé du doigt « l'emploi massif des ressources de l'Etat en faveur de Poutine, les pressions et intimidations à l'encontre de l'opposition et des médias indépendants ». Ce scrutin est crucial pour l'avenir de la Russie, dans la mesure où le pays est engagé, depuis quelques années, dans un processus de modernisation et de démocratie. Si Vladimir Poutine l'emporte, il pourrait diriger le pays pendant douze ans encore puisque le mandat présidentiel qui était précédemment de quatre ans a été porté à six ans. La police a renforcé ses effectifs notamment dans la capitale et dans les principales villes, en vue de maîtriser la situation, mais l'opposition russe voit une façon d'intimider les électeurs. Ce retour de l'ex-agent du KGB au Kremlin ne sera pas de tout repos car il devra s'adapter aux nouvelles réalités du pays. La jeunesse russe aspire à plus de liberté et a le regard de plus en plus tourné vers l'Europe. Il va donc falloir que Poutine sache comment ouvrir les vannes de cette liberté pour faire émerger la démocratie dans l'ex-URSS. Trois questions à, Philippe Migault, chercheur à l'Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) et spécialiste de la Russie. Qu'est-ce que le retour de l'ancien président russe Vladimir Poutine va-t-il apporter de nouveau à la Russie ? À mon avis, rien du tout. Je crois plutôt que c'est le changement dans la continuité. Il va juste revenir pour poursuivre ce qu'il avait déjà commencé lors de ses précédents mandats. Il ne faut donc pas s'attendre à un changement majeur, et ceci sur tous les plans. Sur le plan des droits de l'homme, il faut dire que les choses avancent mais lentement. La Russie est dans une phase d'apprentissage de la démocratie. Sur le plan international, Moscou va poursuivre sa politique de non ingérence. La Russie veut aussi donner la réplique aux Etats-Unis en créant un monde multipolaire d'où ses relations renforcées avec la Chine, le Brésil entre autres. Pourra-t-il s'adapter à la nouvelle ère marquée par des contestations et une aspiration de la population à plus de liberté? Je crois qu'il ne faut exagérer. Les mobilisations de ces derniers mois en Russie ont rassemblé quelques milliers de personnes sur une population totale de 141 millions, cela n'est pas, à mon avis, représentatif du peuple russe. Quels seront les principaux chantiers de Poutine dans ce mandat? Vladimir Poutine aura trois priorités auxquelles il devra s'attaquer. En premier lieu, il doit réussir la diversification et la modification de l'économie russe en procédant à la ré-industrialisation du pays notamment basée sur la technologie, l'armement etc. En second lieu, il devra relever le défi de la démographie en luttant contre le tabagisme et l'alcoolisme qui tuent fréquemment la population, notamment les hommes. Enfin, sur le plan de la politique intérieure, il faudra lutter contre l'extrémisme et le terrorisme dans le Caucase. Il doit réussir la normalisation de la Tchétchénie et contenir l'extrémisme au Dagestan.