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Nouveau consul général de France... : M. Gilles Bourbao : « Seuls des systèmes éducatifs peuvent aplanir cette ignorance réciproque occident – monde musulman »
Son prédécesseur, le chevronné M. De La Montagne, avait annoncé son débarquement imminent lors de la réception du 14 juillet dernier. Ainsi, fut fait. Sauf que le nouveau locataire du Consulat Français n'a soulevé la moindre vaguelette, opérant une discrétion « assourdissante » mise à part une rencontre protocolaire avec M. Derdori – wali de Fès... « Majeur et vacciné » contre toutes formes de « dépaysement pathologique, M. Gilles Bourbao s'est « Fissa » embarrassé des dossiers et affaires courantes de sa circonscription... monumentale. Bardé de diplômes et distinctions – dont les célébrissimes « Chevalier de l'Ordre National de la Légion d'Honneur et Chevalier de l'Ordre National du Mérite », le bonhomme se targue d'un curriculum vitae dont la citation exhaustive sur ces colonnes vaudrait à votre serviteur le... « Carton Rouge », pour consommation abusive de papier journal, d'un directeur éminemment pointilleux sur la rubrique budgétaire. Pour limiter les dégâts (carton jaune, seulement) résumons les « Etats de service » d'un jeune diplomate – 48 ans – qui s'affranchit de sa chasteté civile (alias Service National) sur les charbons ardents... de terre d'Israël (Bethléem) deux années durant... ! Le grand périple arabo-musulman allait démarrer donc ballotant ce « troubadour élitique » entre paisible « Antenne Culturelle française » de Naplouse (Palestine) et « Premier secrétaire d'Ambassade » de Baghdad de pétaradant Saddam Hussein (2001-2004) avant de faire des crochets, non moins insolites, par New Delhi (Inde) et autre Islamabad de mouvementé Pakistan. Mais Fès alors ? Pour une sinécure ? En fait, pour ce descendant de famille normande, « radouci » par sa fixation dans le midi de l'hexagone « il était temps, reconnaît M. Bourbao, qu'après mon séjour en Asie du Sud-Est, de retrouver un univers plus familier, Maghrébo-Méditerranéen, où je me sens plutôt très bien. « Ma satisfaction seconde est que pour la France, le Maroc est un partenaire très important. Et donc pour ma carrière de diplomate, le fait de venir à Fès est une véritable reconnaissance étant donné les enjeux très importants pour la France. Etre à Fès, en outre, c'est se positionner dans ce Maroc intérieur crucial pour le développement social-politico-économique du pays. D'autant plus que le royaume focalise l'attention du partenaire français eu égard à l'expérience politique que traverse le Maroc actuellement... De fait, la compréhension de telle conjoncture passe par la compréhension de ce « Maroc-Intérieur ». Fès, en l'occurrence, est une ville de traditions historiques très importantes dont la réputation n'est plus à faire. Un patrimoine qui rejaillit évidemment sur toute la région ». - Question : Justement M. le Consul Général, Fès, et, partant, le reste de la circonscription, constitue un fort potentiel humain dont maints aspirants au fameux visa. Que dire des rejets et de cette retenue non remboursable ? - M. Bourbao : Tout d'abord je dois féliciter mon prédécesseur qui a fait un gros travail dans ce sens. Durant son service – 2009-2013, les demandes de visas ont augmenté de près de 50%... fruit des encouragements octroyés aux populations de cette circonscription. De même, le chiffre des refus oscillait entre 25 et 30% à son arrivée. Or, à son départ, le taux des refus se situait en dessous des... 10% ! Donc un bilan largement positif qui participe au développement multisectoriel des échanges entre les deux pays. Et donc, je ne peux que m'engager dans la voie d'une telle approche. Maintenant à propos du prix du visa, je comprends la frustration issue de la retenue, il faut bien comprendre qu'il s'agit là d'une prestation de service qui engage des dépenses liés aux locaux, à la rémunération des fonctionnaires du consulat pour l'examen des dossiers etc... et ce, quelque soit le sort réservé aux demandes... Alors donc, quel « Plus » pourrait apporter le nouveau consul à la gestion présente ? Sachez que lors de l'audience que m'a accordée M. le wali, celui-ci m'a tenu les mêmes propos. A savoir que « les relations entre nos deux pays sont tellement bonnes que vouloir les améliorer semble un objectif inaccessible... ». Et donc, ma mission consistera à maintenir le standard de ces relations. Comment appréhendez-vous la nature de votre territoire consulaire ? D'abord j'avoue être très heureux de coiffer une circonscription aussi étendue qui va de Meknès jusuq'à Errachidia, Taounate, Saïdia, Bouarfa, Figuig, etc. Ce qui me permet de découvrir le Maroc en profondeur de Nord au Sud, d'Est en Ouest – chez des gens très accueillants. La deuxième dimension qui m'intéresse c'est qu'il s'agit de l'un des territoires les plus authentiques du royaume du Maroc. Rien à voir avec le Maroc du littoral avec une présence européenne plus importante et une mondialisation accentuée. En outre ce territoire se distingue par les deux villes impériales – Fès et Meknès – aux cachets politique, religieux et culturel, qu'il me plait de découvrir. Parlant d'intimité franco-marocaine, les Marocains sont conséquemment sensibles à certains phénomènes outre-mer dont la montée de nationalisme voire racisme à l'égard des communautés étrangères dont les Maghrébins. Comment appréciez-vous de telles dérives ? J'hésite à parler de la montée du nationalisme en France parce que cela nous renvoie à des époques du siècle dernier, aux guerres mondiales et nationalisme européen... Il me semble à présent que nous vivons une dimension autre. Le débat s'axe surtout au niveau de l'identité culturelle et comment faire coexister en France des populations, d'origine religieuse en particulier, très différente. Et donc il est question de débat « Occident-Islam ». En ce qui me concerne, j'ai passé mon âge adulte pratiquement dans des pays musulmans. Pour moi c'est une dimension de mon identité que de vivre en permanence avec des musulmans. Par rapport, à mon travail, et ce que je projette de faire au Maroc, il y a à la fois volonté d'expliquer aux musulmans les éléments du débat français et pour rapporter à mes autorités en France la façon dont est vécue cette situation avec l'occident et son analyse localement. Tout cela pour favoriser la communication entre les deux rives de la Méditerranée. C'est pas facile, c'est très compliqué ! Moi, une chance, c'est d'avoir vécu de très longues années en pays musulmans et donc un très large éventail de sensibilités cultu-culturelles... quoique je n'ai pas pour autant trouvé la clé et demeure ainsi en quête continue. En principe un diplômate a réponse à tout ! Alors ? C'est vrai, un diplomate est censé avoir des réponses à toutes questions mais là, très sincèrement, après de nombreuses années dans des contrées musulmanes, je dois avouer ne pas saisir le sésame pour comprendre quelle est la racine des éléments du débat actuel. Ma première conviction c'est qu'il y a une grande ignorance réciproque. Nous sommes proches, nous sommes voisins, nous avons une histoire commune et, pourtant, nous comprenons encore trop mal, nous ne communiquons pas assez. Et donc, il faut travailler sur une compréhension mutuelle. L'éducation me paraît une première piste très importante. Il faut que dans les pays musulmans se développe un système éducatif qui fasse mieux appréhender ce qui est à la source de l'Occident d'aujourd'hui, et de la France en particulier. Parallèlement, il faudrait probablement qu'en Occident, nous ayons un système éducatif qui permette à la jeunesse de nos pays de mieux saisir les débats qui traversent actuellement le monde musulman et finalement s'expliquer les tensions qui animent les deux rives de la grande Bleue. La coutume veut que tout diplomate tienne à marquer son passage dans un pays, une circonscription. Comment imaginez-vous vos empreintes futures ? Tout d'abord je souligne que je représente un pays qui a beaucoup investi au Maroc en termes de présence diplomatique, humaine de coopération à travers des établissements d'enseignement, d'instituts français. Donc, en termes de moyens, la France est le premier pays au monde à s'investir au royaume. Je suis, d'ailleurs, le seul diplomate opérant à Fès en tant que consul général ! Ma première mission c'est d'abord animer un dialogue à travers l'ensemble de ma circonscription. Quelles aspirations, leurs attentes, pour mieux répercuter vers mon Ambassade de Rabat, mon ministère à Paris... Pour faciliter cette communication, je compte naturellement poursuivre la politique des visas engagés par M. De La Montagne pour faciliter les échanges entre les deux pays. J'ai également l'ambition de chercher des pistes pour promouvoir des transactions économiques entre France et cette région à fort potentiel d'autant plus que la présence française y est relativement limitée. Comme on le sait, c'est à Casablanca que sont basées le plus gros des entreprises françaises. Des branches existent à Fès, Meknès, Oujda. Je projette de favoriser les échanges économiques et l'implantation d'entreprises françaises, des investissements également sur la région pour le bien commun. En tous les cas, c'est là l'une des priorités qui m'a été recommandée. Hormis l'intérêt économique, je n'oublie pas la communauté français à Fès évaluée à 3.300 personnes. C'est une communauté dynamique qui participe activement à la vie locale et dont la particularité c'est qu'elle recèle beaucoup de couples... mixtes ! Ce qui est attachant et significatif eu égard à l'implantation dans la vie locale. Je serai donc à leur écoute... Pensez-vous disposer des moyens logistiques adéquats pour l'exercice de vos fonctions et notamment au niveau du consulat lui-même ? Certes notre consulat connaît un flux ascendant de clients. Cette année ce sont quelque 40.000 candidats attendus à nos guichets. De fait, nous mettons en action un système de sous-traitance pour se charger des rendez-vous pour Visas. Nous cherchons d'autres procédés pour abréger les délais. C'est donc notre souci premier. De par votre longue odyssée à travers plusieurs nations arabo-musulmanes, parlez-vous l'Arabe aussi bien que le français ? (Rires !). Non malheureusement. Mon arabe je l'ai appris d'abord à Bethléem. Sauf que l'arabe de la bas n'est pas la «darija» d'ici. Donc il ne faut un temps d'adaptation... J'ajoute que c'est compliqué de pratiquer l'Arabe au Maroc car les Marocains parlent tellement bien le français que, dès que j'essaie de leur dire un mot en arabe, il me répondent systématiquement en... français ! Et donc la politesse marocaine m'empêche de pratiquer beaucoup l'arabe». Comme quoi, peu importe la langue, pourvu qu'on ait l'ivresse... du contact ! N'est-ce pas Monsieur le Consul Général ?