La décennie 2000 a été marquée par le thème de la migration dite clandestine qui prenait souvent le devant de la scène de l'actualité. Un thème qui continue à prendre une place importante dans les préoccupations quotidiennes au Maroc et dans le monde encore aujourd'hui, en enregistrant toutefois quelques mutations. Bien que le cœur n'y soit plus vraiment pour beaucoup, il y a encore des jeunes marocains qui rêvent d'émigrer vers de nouveaux horizons malgré la crise économique européenne qui dure depuis 2008. Il en est de même des ressortissants de pays subsahariens qui persistent à nourrir l'espoir de gagner l'autre rive. Pourtant bon nombre ont déchanté depuis longtemps comme Fatou, femme sénégalaise, qui avait quitté en 2004 l'école privée où elle enseignait pour venir tenter sa chance à la traversée du Détroit, en vain, et s'est retrouvée aujourd'hui gérant un commerce des produits cosmétiques sénégalais à Casablanca (Lire ci-contre). A l'inverse, des Marocains quittent aujourd'hui l'Europe pour revenir au bercail chassés par le chômage et des conditions de vie intenables. De leur côté, après les vagues de retraités européens en quête de vie pas chère pour leur pension, des jeunes de plus en plus nombreux, en particulier des Espagnols et des Français, viennent s'installer au Maroc à la recherche d'un emploi généralement, quelle chance !, mieux rémunéré que des Marocains de même niveau de compétence. A Casablanca on remarque ce mouvement migratoire en chassé-croisé de plus en plus sensible à travers la présence d'une importante communauté internationale de tous horizons et des deux rives de la Méditerranée sans compter les Asiatiques dont plus particulièrement les Chinois. Parmi ces communautés, il y a les ressortissants de pays de l'Afrique de l'Ouest. Ceux-ci représentaient 10,4%, principalement Congolais et Sénégalais selon le recensement de 2004 contre 45% d'Européens (29% de Français), pas moins de 23,9% de Maghrébins (17,7% d'Algériens) et 11,5% de ressortissants de pays du Moyen Orient Syrie, Egypte, Irak, Liban, Jordanie et Palestine. Dix ans presque après ce recensement la population subsaharienne au Maroc connait des changements importants surtout depuis que le Maroc est passé d'un pays de transit pour ces migrants à un pays où ces derniers décident de s'installer pour vivre et travailler. Le sous-développement de l'Afrique, les conflits armés, la mondialisation sous la poussée de la révolution des technologies de l'information, tout cela a aidé à une migration vers le Nord de plus en plus forte depuis la dernière décennie du XXè siècle. Une fois les frontières de la rive nord de la Méditerranée hermétiquement closes, le Maroc fut appelé à jouer au gendarme pour arrêter le flux migratoire vers l'Europe. Celui-ci fait de la Méditerranée un cimetière marin pour d'innombrables cadavres de rêveurs d'Eldorado européen. L'arrivée massive des migrants de plusieurs pays de l'Afrique de l'Ouest poussent les autorités marocaines et espagnoles du côté des présides occupées Sebta et Mellilia, à procéder à des contrôles sévères. C'est là où la société civile, à travers des ONG de Droits de l'Homme, des associations de migrants, commence depuis au moins 2005 à relever des bavures, des atteintes flagrantes aux droits des migrants, atteinte à leur intégrité physique et morale, manquement au principe du droit d'asile. Mais un phénomène nouveau intervient relativement récent, du moins au moment où il est relevé : c'est la montée d'un certain racisme vis-à-vis des migrants subsahariens concomitamment avec l'installation en nombre important de ces derniers en tant que locataires dans des quartiers où ils n'avaient pas l'habitude de loger. Ce qui aurait eu tendance à ternir l'image du Maroc comme traditionnelle terre d'accueil et d'hospitalité pour les étrangers en particulier avec les ressortissants de pays qui ont toujours été traditionnellement les plus proches des Marocains comme les Sénégalais et les Maliens avec qui des liens séculaires étaient établis. C'est là où intervient le rapport du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) pour mettre le holà et apporter des recommandations claires quant à la responsabilité des pouvoirs publics dans le respect des conventions internationales pour le droit d'asile, la lutte contre la stigmatisation sociale et raciale contre les travailleurs migrants etc. D'après des témoignages, la tension a baissé après le rapport du CNDH. Le Maroc se doit de respecter les principes de l'Etat de droit, mais il a ses propres contraintes de pays à économie émergente. Du coup, il ne doit pas faire face seul à un problème de taille qui est le flux migratoire devant l'indifférence, d'une part, des pays émetteurs et, d'autre part, de l'Europe soucieuse de garder ses frontières étanches. Le problème de la migration c'est l'absence de données actualisées, d'études de terrain pour connaitre ce qu'il en est aujourd'hui du phénomène migratoire en ce qui concerne le Maroc. Il semble qu'en dehors de la population estudiantine avec neuf mille étudiants au Maroc des pays de l'Afrique subsaharienne, il y a manque d'informations. Ce qui est de nature à laisser germer des visions très impressionnistes quant à l'importance du nombre de migrants et d'étrangers au Maroc. C'est notamment sur cet aspect que tourne l'entretien avec le professeur Mehdi Lahlou (Lire ci-contre).