Malgré son triomphe historique aux législatives, la chancelière conservatrice Angela Merkel, privée de son allié libéral et d'une majorité absolue, doit trouver un partenaire de gauche pour gouverner, les sociaux-démocrates tenant la corde. «Chancelière cherche partenaire», titrait en une le quotidien Berliner Zeitung, résumant ce qui risque d'occuper l'esprit de Mme Merkel pendant des semaines, une fois retombée l'euphorie de sa victoire personnelle. Avec 41,5% et 311 sièges sur les 630 que comptera le prochain Bundestag, chambre basse du parlement allemand, les conservateurs (CDU/CSU) de la chancelière ont enregistré leur meilleur résultat depuis la réunification allemande en 1990, ratant de peu la majorité absolue, plus vue en Allemagne depuis le chancelier Konrad Adenauer en 1957. L'échec de leurs alliés libéraux FDP à franchir les 5% -- une première en 65 ans -- ne leur laisse que deux partenaires possibles pour former une majorité de gouvernement: les sociaux-démocrates du SPD (25,7%, 192 sièges) et les Verts (8,4%, 63 sièges). La gauche radicale Die Linke (8,6%, 64 élus), issue du mouvement communiste, n'est pas une option. Mme Merkel a annoncé dimanche soir qu'elle attendrait les résultats définitifs pour dévoiler ses projets. Elle devait livrer ses premiers commentaires lors d'une conférence de presse à 11H00 GMT. Ayant déjà l'expérience d'une coopération gouvernementale avec le SPD lors de son premier mandat (2005-2009), concluante pour elle, il semblerait naturel que la chancelière se tourne Mme Merkel «n'a jamais parlé en mal d'une grande coalition, du moins pas publiquement», estimait le quotidien Süddeutsche Zeitung (SZ). «Merkel n'aurait pas trop de mal à trouver un compromis sur le salaire minimum, les retraites ou sur les impôts» avec le SPD, avançait l'hebdomadaire Die Zeit. Mais le SPD, qui fut politiquement la grande victime de la dernière «grande coalition», promet de vendre chèrement son soutien. La secrétaire générale des sociaux-démocrates, Andrea Nahles, a averti lundi matin les conservateurs qu'il n'y avait «aucune automaticité» menant à la formation d'une «grande coalition», alors que la vice-présidente du parti, Manuela Schwesig, a estimé qu'un accord «semble très compliqué, au vu des thèmes que nous défendons». La CDU pourrait aussi décider de se tourner vers les écologistes. Une telle alliance doit «être une variante possible dans une démocratie», a plaidé Julia Klöckner, présidente adjointe de la CDU. Mais ce scénario est difficilement envisageable. «Les résistances dans les deux camps sont trop fortes. Le fossé trop vaste», entre les deux partis, jugeait le SZ, comme la plupart des commentateurs. Des négociations «seraient certainement très délicates», a reconnu Volker Kauder, chef du groupe parlementaire CDU et proche de la chancelière. Avec «leur orgie fiscale» et leur conception «infantilisante» de la politique, les négociations ne se présenteraient pas sous les meilleurs auspices, a-t-il estimé. La philosophie de la CSU, branche bavaroise et très conservatrice des conservateurs, paraît difficile à associer avec la culture libertaire des écologistes. C'est la CSU qui a par exemple fait pression sur Mme Merkel pour faire voter une prime aux mères au foyer lors de la législature précédente, baptisée «prime au fourneau», aux antipodes des positions sociétales des Verts. La CDU devra en tout cas vivre avec la pression d'une majorité mathématique des partis de gauche dans les deux chambres du parlement (Bundestag et Bundesrat). L'attelage SPD-Verts associé à la gauche radicale Die Linke dispose d'une majorité de 319 sièges sur 630 au Bundestag. S'ils s'alliaient, ils seraient en mesure à tout moment de faire tomber Angela Merkel. Le SPD comme les Verts ont toujours rejeté cette éventualité, estimant que Die Linke n'était pas «mûre» pour gouverner, mais si elle se réalisait, «ce serait la fin de Merkel. Une fin possible», estimait le SZ.